Le boom de l’inflation en Belgique semble être l’apanage des grandes marques

Les économistes étrangers mettent en garde contre l’inflation galopante : les entreprises augmentent leurs prix parce que les consommateurs sont toujours prêts à puiser plus profondément dans leurs poches en raison de toutes les nouvelles sur l’inflation. Et la Belgique ?

Tina Peters

« Trop c’est trop. Cesse de pleurer.» Albert Edwards, analyste en chef à la Société Générale, ne dissipe pas son chagrin sur Twitter avec ce texte de Donna Summer et Barbra Streisand. Il utilise la ballade comme bande sonore de son opposition à l’inflation des entreprises. Si cela continue, déplore-t-il, le capitalisme va mourir.

L’économiste pensait qu’après une carrière de quarante ans dans la haute finance, il avait tout vu. Pourtant, il est déconcerté par l’inflation actuelle. Les entreprises profitent de la pandémie et de la guerre en Ukraine. Ils utilisent la hausse du coût de la vie comme excuse pour gonfler leurs prix. Il craint que les gouvernements et les banques nationales gèrent mal la crise et met en garde contre des troubles sociaux.

Edwards n’est pas le seul à sonner la cloche. La Banque centrale européenne (BCE) a écrit fin mars que les producteurs de certains secteurs tentent de faire des profits supérieurs à ce que justifie la hausse des coûts de production. Si ce phénomène continue de croître, une spirale salaires-prix pourrait s’ensuivre, ce qui signifie que les salaires et les prix des produits grimperont de plus en plus haut, dans un saute-mouton sans fin. Christine Lagarde, présidente de la BCE, dans l’un de ses discours a parlé d’un tit-pour-tatdynamique. « La cupidité privée conduit à l’appauvrissement collectif », déclare Hielke Van Doorslaer, chercheuse à l’Université de Gand, dans le magazine SamPolComment.

Giga bénéfices aux États-Unis

Les mauvaises nouvelles concernant l’inflation des prix se trouvent principalement aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas. Aux États-Unis, les marges bénéficiaires sont les plus élevées depuis 1945. Enough is Enough – on retrouve la chanson du début de l’article – des groupes de syndicats et d’hommes politiques britanniques qui font pression pour faire baisser les prix alimentaires et augmenter les impôts des riches.

Chez nos voisins du nord, l’association professionnelle FNV a comparé le chiffre d’affaires de 2019 et de 2022 de 49 entreprises et a montré que le chiffre d’affaires avait augmenté en moyenne de 21 % et le bénéfice de 36 %. Dans notre pays, le syndicat chrétien (ACV) et la Banque nationale (NBB) mènent actuellement des études similaires. « Les entreprises ne doivent pas utiliser la hausse de l’inflation pour gonfler leurs marges », avertit le ministre fédéral Pierre-Yves Dermagne (PS). « Nous ferons très attention à cela. »

Un débat fait rage parmi les économistes sur la manière d’arrêter cette inflation désinvolte. Attendez-vous que le marché se régule ou intervenez-vous en tant que gouvernement ? Et les taux d’intérêt devraient-ils continuer à augmenter? En Belgique, les socialistes (Vooruit et PS réunis) ont déjà déposé un projet de loi qui donne au gouvernement le pouvoir d’introduire des prix maximaux ou des marges bénéficiaires maximales pendant six mois.

La bonne nouvelle : dans notre pays, l’inflation galopante prend de toute façon moins de peinture car l’indice protège les gens contre les chocs de prix. « Dans l’ensemble, nous pouvons acheter ce que nous achetions déjà avant la crise », déclare le professeur d’économie Stijn Baert (UGent). Cela ressort également de l’étude réalisée la semaine dernière par l’OCDE. « Le pouvoir d’achat en Belgique, après la Hongrie, a le moins baissé de toute l’Europe. Beaucoup craignaient une spirale salaires-prix, où des hausses de prix successives déclencheraient de nouvelles hausses de salaires via notre indice, mais ce n’est pas le cas pour l’instant.

L’Observatoire des prix, qui surveille les prix pour le compte du gouvernement depuis 2009, a publié cette année une étude sur la hausse des prix alimentaires. « Cela n’a pas pointé dans le sens d’une inflation galopante », explique Lien Meurisse, porte-parole du SPF Economie. L’étude a montré que l’augmentation des prix est principalement due aux prix élevés des matières premières et aux coûts de la main-d’œuvre et de l’énergie. Les marges des entreprises alimentaires se sont contractées l’an dernier précisément parce qu’elles n’ont pas totalement répercuté ces hausses de prix. Notre Banque Nationale a également conclu récemment que les marges ont chuté dans la plupart des entreprises.

Bataille dans les supermarchés

La Belgique est-elle alors une île exceptionnelle en Europe ? Bien sûr que non. Les recherches de l’Observatoire des prix n’indiquent que des tendances générales. « Ces moyennes cachent une très grande hétérogénéité entre les entreprises, explique Meurisse. « Il se pourrait bien que de grandes entreprises alimentaires avec des marques fortes réussissent à pratiquer des prix plus élevés alors que les coûts n’ont pas augmenté en conséquence. Ils peuvent surfer sur l’histoire de l’inflation pour améliorer leurs propres marges.

Pensez à des marques telles que Coca-Cola ou Lays, que les supermarchés veulent absolument avoir dans leurs rayons. « Si ces marques A négocient avec les supermarchés, il y a deux titans autour de la table et les choses peuvent aller vite », déclare le professeur Els Breugelmans (KU Leuven).

Les petits acteurs ont plus de mal à saisir car ils perdent des clients. Breugelmans : « Les supermarchés négocient actuellement à la pointe. De nombreux fournisseurs doivent même montrer leurs factures pour justifier leurs augmentations de prix.

La concurrence acharnée, en revanche, fait réfléchir les chaînes de supermarchés à deux fois avant d’augmenter leurs prix. Ici aussi, les marges se sont juste rétrécies, selon les recherches, au niveau historiquement bas de 1,29 %.

Baert : « La graiflation me semble aussi trop intangible pour susciter la colère. Les primes élevées des PDG ou les suppléments de retraite des députés peuvent provoquer des poussées et des troubles sociaux.





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