Lucy est une prostituée, grossière, perverse. «Il n’y a pas de coutumes plus faciles que la mienne», déclare-t-il. Sa sexualité déborde, elle conquiert tout le monde sauf Venâncio, qui la rejette même par force. Il est amoureux de sa femme Dalva, qui vient d’accoucher. Mais un épisode de violence domestique les épuise tous les deux et les éloigne l’un de l’autre. Jusqu’à ce que Lucy, avec un geste qui rouvre le cœur de Venâncio, parvienne à raviver son désir. La prostituée tombe enceinte et cette nouvelle vie change tout. L’épouse et l’amant, dans un triangle à la dynamique inédite, font équipe. L’amour est une rivière de Carla Madeira bouleverse par sa fin surprenante et son écriture puissante et liquide, comme le titre l’indique.

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Dégoulinant de larmes, de sueur, de sang, de sperme, de salive, il frappe autant le corps que l’esprit du lecteur. Madeira, 60 ans, née à Belo Horizonte, a abandonné ses études de mathématiques pour travailler dans la publicité et la communication. Elle est l’auteure la plus lue au Brésil.

Le pouvoir du bouche à oreille

Le livre, publié discrètement en 2014, a ensuite conquis des centaines de milliers de lecteurs grâce au bouche à oreille. Quel aspect a tant attiré le public ?
Je crois à la langue. Ceux qui lisent me disent avoir ressenti un coup de poing dans le ventre, versé des larmes ou être morts de désir. Par ailleurs, je pense que le roman ne rentre pas dans une définition précise : poétique ou brutal ? Sacré ou profane ? Anachronique ou contemporain ? Cliché ou surprenant ? Bon ou Mauvais? Tout semble être là. Et c’est dans cet espace indéfini que s’ouvre la subjectivité du lecteur.

Carla Madeira est née à Belo Horizonte. Diplômée en journalisme et publicité, elle a été professeur de rédaction publicitaire à l’Université fédérale du Minas Gerais. Photo de : Marcia Charnizon

Pourquoi avez-vous choisi de représenter l’amour, le sexe et la passion de manière liquide, même dans le lexique ?
J’ai été très impressionné par la vision du biologiste Humberto Maturana de ce qu’est l’émotion d’un point de vue biologique. Selon lui, l’émotion s’exprime dans le corps. Là où il y a un corps, il y a une émotion. C’est une sorte de paysage intérieur. J’ai réalisé que cette disposition corporelle change avec le mouvement de nos liquides : nos émotions se déversent toujours dans notre corps et, en même temps, peuvent en échapper.

Les femmes de Carla Madeira

Les violences de genre et les violences domestiques sont au centre du récit, surtout dans l’événement qui change tout l’équilibre. Pourquoi avez-vous voulu explorer ces thèmes ?
J’écris à partir d’un fait et non d’un thème social. Lorsque je suis attiré par un événement, je m’intéresse à l’observation des personnages impliqués et de leurs circonstances. Pourquoi se sont-ils retrouvés là ? Que feront-ils ensuite ? Les personnages ont leur plasticité influencée par ce qu’ils vivent, comme nous tous. La violence surgit parce que la réalité y est immergée et non parce que j’ai décidé d’en parler.

Lucy se définit par le plaisir et la sexualité libre. J’ai été soulagé de la douleur. S’agit-il de deux personnages archétypaux ?
Je ne pense pas que ce soit une seule et même chose. Lucy a sa joie, mais aussi sa douleur. Dalva a ses immenses souffrances, mais aussi ses plaisirs. Je me suis assuré de ne pas opposer la prostituée à la sainte. Je voulais une histoire où chaque personnage était confronté à ses propres pouvoirs du bien et du mal.

L’amour est une rivière de Carla Madeira, Éditeur Fazi180 pages, 18,50 €

Cependant, les deux protagonistes, de différentes manières, remettent en cause le système. Est-ce un roman contre le patriarcat ?
C’est un roman qui peut nous aider à comprendre la matrice violente qui soutient le patriarcat. Pour les hommes, il y a la jouissance, c’est-à-dire le droit à tout ce qu’ils veulent. Et pour les femmes, le sacrifice, la souffrance, le service, un corps disponible, l’obéissance et la contrainte, qui sont érigés en valeurs. Le patriarcat se structure autour de la domination du corps et, en les maîtrisant, cherche à contrôler ce qu’ils sont capables de penser et de faire.

Ses personnages masculins se croient maîtres des femmes, ils confondent la possession et le bien. Comment se libérer ?
Nous devons récupérer notre corps. Le corps qui danse, qui imagine, qui jouit du plaisir, qui ressent et questionne, qui désobéit et refuse de se laisser contrôler, qui dérange, qui déstabilise la (bio)logique de domination qui fait croire aux hommes qu’ils ont le droit d’agir en maîtres. du monde.

Peut-il y avoir de l’amour s’il y a de la violence ?
Le concept d’amour n’inclut pas l’idée de violence. Comme le dit Aurora, la mère de Dalva : « L’amour est heureux. S’il n’est pas heureux, ce n’est pas de l’amour. » Nous élargissons notre conscience et constatons désormais la violence de certains comportements qui nous semblaient auparavant naturels. Même si nous vivons une période très violente dans le monde, j’ai la foi que l’amour purifie.

La fin est choquante. Il offre rédemption et espoir. Est-ce encore l’amour qui triomphe de tout ?
Il y a le pardon. C’est ainsi que l’on sort de la paralysie de la haine. La suite est ouverte. Comme il est dit dans le dernier paragraphe : « La prochaine étape amène la possibilité de l’abîme. » Il y a de bonnes raisons de rester en vie, je ne sais pas si ensemble. C’est au lecteur d’imaginer la suite.

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