L’amour d’un homme, de la terre, d’un fils oublié. Dans une Amérique rurale pleine de préjugés et de mal, une histoire de souffrance et de renaissance


ULorsqu’une rivière rencontre un obstacle, elle trouve un débouché pour continuer à couler coûte que coûte. Comme Victoria Nashle protagoniste de Comme la rivière (Corbaccio), confronté à des épreuves extrêmes, chaque fois qu’il trouve en lui la force et les ressources pour recommencer et grandir.

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Au début du récit, placez à Iola, Colorado, de 1948 à 1971, Nous la rencontrons à l’âge de dix-sept ans, avec une grande perte, due à un accident dans lequel sa mère, sa tante et sa cousine ont perdu la vie. Ce qui implique de devenir pour elle la seule femme de la maison où elle vit avec son père, son frère et son oncle invalide de guerreet devoir prendre soin d’eux et avec eux du verger de pêchers qui a toujours été l’économie de la famille. Une vie difficile qui se transmet depuis des générations.

Cependant la rencontre avec un jeune amérindien va bouleverser toute son existence, lui offrant la chance, dans l’amour et la douleur, de se retrouver. Un Bildungsroman féroce et puissant, résilient, qui a pour autres protagonistes la nature imparable et la rivière Gunnison, qui est la bande originale de tous les événements. Un début pour l’auteure de cinquante-sept ans Shelley Read qui ressemble déjà à un chef-d’œuvre dans les plus de vingt-cinq pays où il a été traduit.

Shelley Read est née et a grandi dans les montagnes Elk du Colorado, où sa famille vit depuis cinq générations. Like the River s’inspire du paysage dont il est issu et sera publié dans plus de vingt-cinq pays. Photo : (c) Andi Tippie

Pouvez-vous nous parler de vous et de ces débuts ?
Je suis professeur de littérature à l’Université de Denver et mère de deux enfants. Ho j’ai toujours voulu être écrivain et j’ai travaillé sur ce roman pendant douze ans, quand je pourrais. L’histoire avait pour moi une urgence qui m’a poussé à ne pas l’abandonner. En fait, je suis aussi un Américain du Colorado depuis cinq générations et dans ce roman il y a beaucoup de mes racines.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’histoire et pourquoi vous avez senti que c’était « urgent » ?
C’est toujours un mystère d’où viennent les histoires. Je pourrais dire que je suis très curieux de savoir ce que sont certaines expériences pour les gens, c’est pourquoi j’ai placé ce roman dans la ville d’Iola, qui a été évacuée pour créer un lac artificiel. J’ai grandi dans ces régions et j’ai nagé dans ce lac : savoir qu’il y avait une ville sous l’eau continuait à me taquiner. Je me demandais ce que cela avait été de laisser une terre à ceux qui l’avaient cultivée pendant des générations, en même temps je me demandais ce que cela avait été pour les Amérindiens qui à leur tour avaient été chassés par les agriculteurs. Et puis le personnage de Victoria m’a ému.

Victoria, l’héroïne de Shelley Read

Comme la rivière de Shelley Read, Corbaccio324 pages, 18 €

Comment décririez-vous Victoria ?
Pour la construire, je me suis inspiré des histoires de mes ancêtres, qui étaient des femmes très fortes et actives. Le roman raconte son émancipation pendant plus de vingt ans, à travers de grandes épreuves et des décisions difficiles. Ces circonstances lui feront découvrir qui elle est et de quoi elle est capable. En fait, une des choses que je voulais explorer avec Victoria est la capacité des êtres humains à endurer ce qui semble insupportable. Dans son cas, affronter l’amour pour un indigène discriminé par la société, puis le perdre violemment et devoir faire face à des conséquences majeures.

La souffrance est-elle alors considérée comme une opportunité de croissance ?
Disons que les personnages du roman réagissent différemment à la douleur, qui est une réalité inévitable de la vie humaine. Il y a des personnages simplement brisés par la douleur, comme cet oncle mutilé pendant la guerre. D’autres qui l’ont transformé en colère et en racisme, comme Seth, le frère de Victoria. Au lieu de cela, Victoria le regarde en face. Il parvient à prendre en charge ce qui se passe et à sortir plus fort de chaque épreuve.

Y a-t-il une différence entre les hommes et les femmes dans cette résilience ?
Je ne voulais pas écrire un roman qui donne une mauvaise image des hommes, Wilson Moon (Wil), l’Amérindien, est décidément un personnage positif. Mais disons que, également en raison des racines patriarcales de notre société, certaines femmes ont appris dans des temps lointains qu’elles doivent se battre un peu plus pour affirmer leur identité. Cela est encore plus vrai dans le contexte rural du Colorado du milieu du XXe siècle, où Victoria a grandi.

Une rencontre, comme prévu, est fatale à sa croissance…
La rencontre entre Victoria et Wil change soudainement leur vie. Et c’est ce qui se passe réellement dans le voyage humain. Nous pensons que les choses devraient se passer d’une certaine manière, mais soudain, un tournant se produit qui change le cours des événements. Et cela nous ramène à la métaphore du fleuve.

Avec le personnage de Wil, le thème de la discrimination entre dans l’histoire.
Normalement, les peuples autochtones étaient liés à leur terre et à la nature. Je me suis demandé ce qui se passait lorsqu’ils étaient déracinés et contraints de vivre dans des réserves, ou lorsqu’ils fuyaient cette condition en tant que vagabonds, comme le fait Wil. C’était la partie la plus difficile du roman à écrire, mais je ne voulais pas détourner mon visage de la véritable cruauté de ce que les peuples indigènes ont souffert et souffrent.

C’est aussi un roman sur la nature.
La nature a été pour moi un grand professeur, et elle le devient également pour Victoria lorsqu’elle part vivre seule dans la forêt. Cette expérience la change radicalement. Aujourd’hui, nous nous déconnectons et cela se retourne contre nous. LE

le livre en une phrase ?
Victoria déclare : « Ce que j’ai appris, c’est que la transformation prend du temps. » Nous changeons, il n’y a pas d’alternative, mais une seule expérience ne suffit pas. Le parcours est long et inattendu.

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