Débloquez gratuitement Editor’s Digest
Roula Khalaf, rédactrice en chef du FT, sélectionne ses histoires préférées dans cette newsletter hebdomadaire.
Après la France et l’Allemagne, le Canada est devenu la troisième grande économie à plonger dans la tourmente politique quelques semaines avant le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis. La démission retentissante de la ministre des Finances Chrystia Freeland lundi après une dispute avec Justin Trudeau a suscité des appels à la démission du premier ministre lui-même, y compris au sein de son propre parti libéral. Il est regrettable de connaître des crises de leadership dans trois démocraties du G7 au moment même où les alliés des États-Unis doivent travailler ensemble pour faire face à un nouveau président perturbateur à la Maison Blanche. Pour le Canada, le moment est particulièrement mal choisi. La crise a été précipitée en partie par la menace de Trump d’imposer des droits de douane de 25 % sur les importations canadiennes, ce qui pourrait gravement nuire à l’économie du pays.
L’élément déclencheur du départ de Freeland a été la tentative de Trudeau de la rétrograder vendredi dernier, après avoir aurait été courtisé Mark Carney, ancien gouverneur des banques centrales du Canada et du Royaume-Uni, pour la remplacer. Le ministre des Finances et le premier ministre étaient en désaccord sur le projet du gouvernement d’une vaste exemption de la taxe canadienne sur les produits et services et d’un chèque de 250 dollars canadiens (175 dollars) pour près de la moitié de la population du pays. Les critiques ont dénoncé ces mesures comme une tentative d’acheter des voix par un gouvernement en mauvaise position dans les sondages avant les élections prévues en octobre prochain, au prix d’un déficit budgétaire croissant.
Le cinglant de Freeland lettre de démission a évoqué des « gadgets politiques coûteux », insistant sur le fait que le Canada doit garder sa « poudre fiscale au sec » avant une éventuelle guerre tarifaire avec les États-Unis de Trump. La ministre des Finances sortante s’est présentée de manière louable comme une gardienne de la responsabilité budgétaire, même si elle ne peut échapper à son association avec les politiques qui ont fait tomber le gouvernement.
Le gouvernement, en place depuis neuf ans, est loin de sa grâce politique d’antan, avec 20 points de retard sur le chef conservateur de droite Pierre Poilievre. Comme les autres partis de centre-gauche, le gouvernement Trudeau a eu du mal à répondre au mécontentement suscité par la montée en flèche du coût de la vie et du logement, ainsi que par l’immigration. Un pays qui a longtemps accueilli les nouveaux arrivants a commencé à s’irriter face aux objectifs ambitieux en matière d’immigration sur lesquels s’appuyait l’administration dirigée par les libéraux pour stimuler une croissance atone, ouvrant ainsi la voie au populiste anti-élite Poilievre. Un gouvernement autrefois considéré comme incarnant l’espoir d’un renouveau du libéralisme dans les démocraties occidentales n’a pas été aidé par ce que beaucoup considèrent désormais comme le style moralisateur de Trudeau.
Freeland, le jour où un autre ministre compétent a déclaré qu’il démissionner lors des prochaines élections, cela donne à penser que le Premier ministre a perdu la confiance de son gouvernement. Trudeau a déclaré qu’il examinerait sa position pendant les vacances. En réalité, il est très peu probable que le déclin de son parti s’inverse tant qu’il reste à la tête du pays. Trudeau pense peut-être qu’il est le mieux placé pour faire face à la menace de droits de douane de Trump sur près de 80 pour cent des exportations canadiennes, compte tenu des relations qu’il a bâties au cours du premier mandat du président. Mais le dirigeant américain de retour a ouvertement déclaré le troller en tant que « gouverneur » du « grand État du Canada ».
Trudeau devrait se demander si le maintien de son leadership est dans le meilleur intérêt du pays. Un nouveau chef et un nouveau programme pourraient peut-être limiter les pertes électorales des libéraux et limiter les conservateurs à une minorité, les obligeant à gouverner avec des partenaires et potentiellement freinant l’inclinaison du Canada vers la droite populiste.
La crise au Canada met en évidence à quel point le retour de Trump bouleverse déjà la politique chez les alliés des États-Unis avant même son arrivée à la Maison Blanche. Cela démontre une fois de plus la nécessité pour les partis de centre-gauche et de centre-droit de trouver de meilleurs moyens de contrer la montée en puissance des candidats Trump ailleurs. Toutefois, pour le porte-drapeau libéral du Canada, la meilleure façon de sauvegarder son héritage politique est de passer le relais à quelqu’un d’autre.