La solidarité avec les cibles nécessite une dénormalisation urgente de l’extrême droite

Empêcher la percée de l’extrême droite est notre responsabilité à tous. Afin de ne pas se laisser dévorer davantage par l’extrême droite, les démocrates de toutes tendances politiques doivent se lever. Les organisations de la société civile et les individus appellent donc à une dénormalisation de l’extrême droite.

Éditorial

Le procès contre Dries Van Langenhove et six autres accusés de Schild & Friends débute mardi. Les partis politiques et les entreprises médiatiques doivent prendre au sérieux la menace de l’extrême droite et cesser d’offrir une tribune à leurs idées et à leurs représentants. Empêcher la percée de l’extrême droite est notre responsabilité à tous.

En avril 2004, la cour d’appel de Gand a condamné trois organisations à but non lucratif de l’ancien Vlaams Blok pour violation de la loi antiraciste. Selon le tribunal, les organisations à but non lucratif ont coopéré avec une association – le Vlaams Blok – qui incite systématiquement à la discrimination. Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme de l’époque – aujourd’hui connu sous le nom d’Unia – et la Ligue des droits de l’homme avaient engagé cette action en justice.

Près de vingt ans plus tard, les mêmes partis bourgeois, complétés par des citoyens individuels ciblés par Schild & Vrienden, reprennent le combat. Le fondateur Dries Van Langenhove et six co-suspects doivent répondre de négationnisme et d’incitation à la discrimination, ainsi que de haine raciste ou de violences sur leurs plateformes de communication. Certaines images et messages de haine ont été révélés dans un reportage du magazine VRT. Panoramique en 2018. Le but de ces mèmes était d’envoyer au monde les insultes et la haine les plus grossières sous couvert d’humour : l’Holocauste était moqué, posé avec des armes, l’idéologie nazie était glorifiée.

Deux faces

À cette époque, Schild & Vrienden pouvait encore être considéré comme un club étudiant radicalisé à deux visages : d’un côté des garçons bien coiffés, de véritables fauteurs de haine et des racistes en coulisses. Aujourd’hui, leur poids politique est devenu bien plus important. Dries Van Langenhove a siégé en tant qu’indépendant au sein du groupe Vlaams Belang à la Chambre des représentants de 2019 à 2023. Deux autres prévenus ont des mandats ou sont employés par le Vlaams Belang.

La sortie de Van Langenhove du Parlement – selon ses propres mots « parce qu’il se sent plus militant que politicien » – ne signifie en aucun cas une rupture avec le parti. Il a annoncé sur YouTube que « Dries poursuit notre combat en dehors du Parlement ». Ses complots haineux, son racisme ouvert, sa haine homosexuelle et transgenre et ses actes d’intimidation : rien ne peut garantir que le Vlaams Belang se distancie de Van Langenhove.

Bandes

Il s’agit d’un schéma fasciste désormais bien connu : la montée électorale de l’extrême droite s’accompagne de groupes violents qui intimident les opposants et les minorités dans la rue. Nous en avons récemment vu des exemples au Brésil et aux États-Unis, entre autres, ainsi que plus près de la Pologne et de la Hongrie. En Italie, le gouvernement de droite radicale de Giorgia Meloni restreint les droits LGBTQ+ existants. Les récentes diatribes de Van Langenhove, dans lesquelles il a intimidé des commerçants, vandalisé des drapeaux de la Fierté dans son entreprise et confronté les visiteurs d’une exposition queer à des accusations de pédophilie, ont donné lieu à une plainte du groupe d’intérêt Çavaria.

Du PanoramiqueLe rapport et l’enquête judiciaire ont clairement montré que Schild & Friends avait soigneusement orchestré ses attaques. Pendant ce temps, les campagnes de haine font partie du climat politique. Récemment, la chroniqueuse Dalilla Hermans a été tellement critiquée qu’elle et sa famille ont eu besoin d’une protection policière. Là aussi, l’agression remonte au réseau autour de Schild & Friends.

Violence hors ligne

Les organisations de lutte contre le racisme ont examiné les effets de ce type de campagnes de haine : non seulement les conséquences psychologiques, sociales et économiques pour les cibles sont particulièrement importantes, mais elles ne manquent pas non plus leur cible sur le plan social et politique : certains groupes sont chassés du le débat public, souvent sous couvert de liberté d’expression. Dans près de la moitié des cas, la haine en ligne se transforme en violence hors ligne.

Alors qu’il était autrefois impensable que le Vlaams Belang soit présenté et traité comme n’importe quel autre parti, nous constatons aujourd’hui que cela se produit de plus en plus. La normalisation a évolué très rapidement, notamment dans les médias. Même dans les organisations de la société civile et les institutions culturelles, il n’est plus évident d’exclure l’extrême droite et, dans les universités, on leur donne une tribune sous couvert de liberté d’expression.

Cette situation est extrêmement grave. Le procès contre Schild & Vrienden devra démontrer si notre État de droit dispose des instruments juridiques nécessaires pour contenir, ou au moins condamner, de telles menaces néofascistes. Mais la justice ne peut jamais être la seule solution aux malaises politiques. Notre démocratie est malade, et pour ne pas se laisser encore ronger par l’extrême droite, les démocrates de toutes tendances politiques doivent se lever. Cela signifie que nous – journalistes, organisations de la société civile, partis politiques, citoyens – devons dénormaliser l’extrême droite.

Diverses organisations de la société civile et individus ont signé le texte, notamment Marc Leemans (ACV), Miranda Ulens (ABVV), Eva Brems (prof. Droit des droits de l’homme UGent), Rik Pinxten (professeur ordinaire UGent), Johan Leman (prof. em. KU Louvain), Guy Vanthemsche (prof. em. d’histoire VUB) et Pieter Lagrou (prof. histoire contemporaine ULB). La liste complète est disponible sur le site Web Hand in Hand.



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