Le projet d’Emmanuel Macron de relever l’âge de la retraite en France de deux ans à 64 ans rencontre une forte résistance au parlement et dans la rue, alors que les législateurs commencent à débattre du projet de loi et que les syndicats organisent une grève nationale mardi.

Les politiciens de l’opposition ont déposé une tempête de 20 000 amendements pour ralentir le débat, la grande majorité de l’alliance de gauche Nupes qui s’oppose à toute augmentation de l’âge de la retraite.

Dans tout le pays, les protestations s’accélèrent avec plus d’un million de personnes qui devraient assister à deux manifestations cette semaine. Un récent Harris Interactive sondage confirme le durcissement de la position du public, avec seulement 35 pour cent soutenant la proposition du gouvernement, neuf points de moins qu’à la fin décembre.

Mais c’est au parlement que réside le vrai risque puisque la Première ministre Élisabeth Borne n’a pas encore réuni la majorité nécessaire pour faire passer le projet de loi, malgré des concessions. Le ministre du Travail a été interpellé lors de la présentation du plan à l’Assemblée nationale lundi et le débat a été temporairement suspendu.

Les difficultés de la réforme des retraites sont un signe de la façon dont l’agenda du second mandat de Macron a été compliqué par la perte de son parti aux élections législatives en juin, laissant l’alliance centriste du président avec 250 députés. Ils doivent convaincre les politiciens de l’opposition pour atteindre 289 voix, ou convaincre certains de s’abstenir pour obtenir une majorité.

Le gouvernement a le pouvoir de passer outre les législateurs et d’adopter des lois par décret en vertu de la constitution française, mais compte tenu de la sensibilité du sujet, Borne a jusqu’à présent cherché à convaincre les députés méfiants. « Je veux retrouver une majorité », a-t-elle déclaré au Journal du Dimanche. « Mes efforts sont tous allés dans cette direction ces dernières semaines et ces derniers mois. »

Dans le cadre de sa stratégie visant à recueillir les quelque 40 voix supplémentaires nécessaires, Borne a tenté de parvenir à un accord avec le parti conservateur Les Républicains (LR). Au départ, il semblait que le groupe de 61 députés dirigé par Eric Ciotti dirait oui tant que le gouvernement accepterait certains changements, comme l’augmentation des retraites les plus basses. LR a longtemps soutenu le relèvement de l’âge de la retraite à 64 ou 65 ans par souci d’assainissement des finances publiques.

Mais une faction rebelle au sein de LR a émergé et fait pression pour de nouvelles concessions afin d’atténuer l’impact sur les personnes qui commencent à travailler à un jeune âge. Borne a cherché à répondre à leurs préoccupations dimanche en acceptant un amendement qui permettrait aux personnes qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans de prendre leur retraite à 63 ans au lieu de 64, dans le cadre d’une extension d’un régime existant pour les travailleurs ayant des « carrières longues ».

Aurélien Pradié, député du sud-ouest du Lot, numéro deux de LR et chef des insoumis, a fustigé l’idée de Borne comme « une astuce » dans laquelle ils ne tomberaient pas. « Nous avons mis nos conditions sur la table, donc maintenant c’est au gouvernement de décider », a déclaré Pradié. « S’ils n’acceptent pas notre amendement sans changer une seule virgule, ils n’obtiendront pas les votes dont ils ont besoin. »

Le gouvernement Macron a fait valoir que le relèvement de l’âge de la retraite est une mesure indispensable pour assurer la viabilité du système de retraite français, qui repose sur les travailleurs actuels pour financer les paiements aux retraités. Sinon, les déficits s’accumuleraient à mesure que la population vieillit, a-t-il déclaré.

La proposition vise à générer 18 milliards d’euros d’économies annuelles d’ici 2030, mais environ un tiers serait alors dépensé en édulcorants pour atténuer l’impact sur les travailleurs les plus vulnérables, par exemple en augmentant les pensions minimales à 1 200 euros avant impôt.

Les ambitions présidentielles de ses alliés et de ses adversaires alors qu’ils rivalisent pour le remplacer en 2027, lorsque les limites de deux mandats de la constitution signifient qu’il ne peut plus se représenter, affaiblissent encore plus la main de Macron.

Certains au sein de la propre alliance centriste de Macron ont commencé à critiquer le plan de réforme. Naïma Moutchou, députée du parti Horizons dirigé par l’ancien Premier ministre de Macron et candidat à la présidentielle Édouard Philippe, a déclaré que les 29 législateurs du parti seraient « loyaux mais exigeants » tout en faisant pression pour des changements.

Pendant ce temps, le parti Modem, dirigé par François Bayrou qui a également des ambitions présidentielles, a fait pression pour une clause de révision qui nécessiterait un examen parlementaire des changements en 2027 ou avant.

Avec des amis comme eux, il n’est pas surprenant que la réforme des retraites de Macron piétine au Parlement, a déclaré Bruno Palier, un expert à Sciences Po Paris. « Tous ceux qui ont des ambitions en 2027 se positionnent parce qu’ils savent que la réforme des retraites est une question très visible et saillante qui façonne les choix des électeurs », a-t-il déclaré.

« Même si Macron réussit, cela pourrait bien finir par être une victoire à la Pyrrhus qui alimente le récit populiste selon lequel les élites ne les écoutent pas et aident l’extrême droite. »



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