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Roula Khalaf, rédactrice en chef du FT, sélectionne ses histoires préférées dans cette newsletter hebdomadaire.
L’auteur est professeur émérite d’économie Robert M Solow au MIT.
L’histoire de la présidence d’Emmanuel Macron, qui a culminé avec sa décision le 9 juin de dissoudre l’Assemblée nationale française et de convoquer de nouvelles élections législatives, est une tragédie en quatre actes.
Le premier acte était l’élection présidentielle de 2017. Macron a créé un nouveau parti centriste, En Marche (aujourd’hui Renaissance), marginalisant les partis autrefois dominants de centre-gauche et de centre-droit, et ne laissant comme alternatives que les extrêmes.
Cela semblait être une décision brillante – de deux manières. Politiquement, le nouveau parti était suffisamment large pour aider Macron à remporter une victoire facile sur Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle, puis à obtenir une large majorité aux élections législatives qui ont suivi. Sur le plan politique, cela lui a permis de franchir les lignes rouges traditionnelles de gauche et de droite.
Le deuxième acte était le premier de Macron quinquennat. Le mécontentement grandit bientôt à l’égard du style et du fond de sa présidence. Il était perçu comme un impérial, un « jupitérien », agissant sans consultation, tandis que sa réticence à recourir à la redistribution pour réduire les inégalités alimentait la perception qu’il était le « président des riches ». En l’absence d’alternatives viables au centre-gauche et au centre-droit, les électeurs ont été attirés vers les extrêmes, les populistes d’extrême droite vilipendant les immigrés, et les populistes d’extrême gauche, reflet d’une longue tradition marxiste française, s’insurgeant contre les immigrés. le riche.
Dans le troisième acte, le deuxième mandat de Macron, le centre s’est affaibli. Son parti n’a pas réussi à obtenir la majorité absolue lors des élections législatives de 2022, obligeant le gouvernement à s’appuyer soit sur les voix du petit parti de centre-droit, soit sur le recours à l’article 49:3 de la Constitution, qui lui permet d’adopter des mesures sans un vote.
Les électeurs, qui ne se souciaient pas beaucoup du Parlement européen lui-même, ont traité les élections européennes de mai comme un référendum sur Macron, aujourd’hui largement détesté. Face au résultat catastrophique des élections pour son parti, le président a décidé de dissoudre le Parlement.
Ce qui nous amène au quatrième et dernier acte : les élections législatives. Le centre s’est rétréci et l’aversion pour Macron a conduit à son tour à une aversion pour son parti.
Le système électoral, dans lequel seuls les partis ayant obtenu le soutien de plus de 12,5 pour cent des électeurs inscrits au premier tour accèdent au second, ne donne pas beaucoup de chance aux candidats des petits partis. En conséquence, une partie de ce qui reste du centre-gauche a rejoint l’extrême gauche au sein d’une coalition connue sous le nom de Nouveau Front Populaire ; et une partie de ce qui reste du centre-droit a conclu un pacte avec le Rassemblement National d’extrême droite.
Une majorité d’électeurs déclarent qu’ils ne voteront pas pour le parti du centre et leur seul choix pertinent se situe donc entre les coalitions des deux extrêmes.
Le RN propose un programme purement populiste, basé sur des politiques migratoires dures et protectionnistes. Son programme économique est en grande partie une réflexion secondaire, une liste de cadeaux non financés destinés à des groupes distincts d’électeurs mécontents.
Le programme du FNP est plus cohérent en interne. Il appelle à une redistribution majeure des riches vers les pauvres et des entreprises vers les travailleurs, en partant du principe que cela n’affectera pas la croissance. Il comprend un taux d’imposition marginal de 90 pour cent sur le revenu, un taux d’imposition de 100 pour cent sur les successions d’une valeur supérieure à 12 millions d’euros et la réintroduction d’un impôt sur la fortune substantiel. S’ils étaient adoptés, les deux programmes pourraient conduire à une crise financière et économique majeure.
Les deux résultats les plus probables des prochaines élections sont une majorité absolue pour l’extrême droite, obligeant Macron à nommer un Premier ministre issu du RN (ce qui, espère-t-il, mettrait à nu l’incompétence du parti et modifierait les perspectives de l’élection présidentielle). élections en 2027), ou, plus probablement, une situation dans laquelle ni les extrêmes ni le centre ne disposent d’une majorité à l’Assemblée nationale.
Dans le deuxième scénario, il serait difficile d’imaginer comment constituer une administration majoritaire. Un nouveau gouvernement formé dans ces circonstances ne pourrait pas faire grand-chose et serait obligé de s’appuyer sur l’article 49:3 pour adopter son programme législatif. Ironiquement, la soif de changement des électeurs pourrait avoir pour conséquence la paralysie.
De nombreuses leçons peuvent être tirées de cette histoire en quatre actes. La principale est que la création d’un nouveau parti du centre s’est avérée être une stratégie dangereuse. Une démocratie résiliente a besoin de partis fonctionnels de centre-gauche et de centre-droit. Il se pourrait bien qu’ils réapparaissent un jour, mais le voyage risque d’être ardu.