La présidence hongroise est le symptôme d’un malaise plus profond au sein de l’UE


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Depuis lundi, l’UE se trouve dans la position curieuse, pour ne pas dire embarrassante, d’être représentée par un pays qui est sous le feu des critiques de la majorité de ses partenaires pour saper les valeurs fondamentales du bloc. Pendant les six prochains mois, la Hongrie occupera la présidence tournante de l’UE, dont la tâche consiste notamment à présider les réunions et à faire avancer les politiques communes aux 27 gouvernements membres. Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, promet une présidence constructive. Mais pour ses détracteurs, cela ressemble étrangement à mettre le renard à la tête du poulailler.

La présidence hongroise n’est pas le seul problème auquel l’UE doit faire face. Elle n’est même pas le plus redoutable. La victoire au premier tour des élections législatives du Rassemblement national (extrême droite) en France et les difficultés de la coalition au pouvoir en Allemagne, composée de trois partis, jettent des nuages ​​plus sombres sur l’avenir de l’UE.

La coopération franco-allemande est une condition nécessaire mais non suffisante du bon fonctionnement de l’UE. Aujourd’hui, les évolutions politiques internes des deux pays portent atteinte à l’autorité de leurs gouvernements respectifs et suscitent des conflits au niveau européen. Nos yeux devraient être tournés vers Paris et Berlin au moins autant que vers Budapest.

De même que la crise de la dette grecque de 2010-2015 n’a jamais été de nature à détruire la zone euro, la gestion de certains dossiers européens par la Hongrie pendant six mois ne devrait pas conduire au désastre. Le danger de la crise grecque était une contagion potentielle à des économies plus importantes, en particulier à l’Italie. Mais au fil du temps, l’UE a réussi à maîtriser les risques.

Dans le cas de la Hongrie, on peut s’attendre à une approche professionnelle de la présidence de la part des responsables de Budapest, fiers de l’appartenance de leur pays à l’UE. sera limité car, depuis le traité de Lisbonne de 2009, de nombreuses affaires importantes sont dirigées par le président du Conseil européen, l’organe qui réunit les dirigeants nationaux, et par le chef de la politique étrangère de l’UE.

L’UE a déjà trouvé une procédure légale pour contourner l’opposition de la Hongrie aux livraisons d’armes à l’Ukraine, achetées avec les bénéfices générés par les avoirs russes gelés. Plus tôt cette année, certains critiques d’Orbán ont suggéré que l’UE prive la Hongrie de son droit de vote, mais cela semble tiré par les cheveux. D’autres gouvernements hésitent à créer un précédent qui pourrait un jour être utilisé contre eux.

Il ne faut pas pour autant se montrer complaisant face aux effets potentiellement néfastes des six mois de présence de la Hongrie sur le devant de la scène. Les problèmes peuvent survenir de diverses manières. Étant donné que ce poste implique de fixer des priorités dans des domaines tels que l’agriculture, l’environnement, l’immigration et l’élargissement de l’UE, son titulaire peut exercer une influence en promouvant ses thèmes favoris. Le programme publié par la Hongrie car sa présidence indique où se cachent les controverses.

En ce qui concerne l’élargissement, l’UE vient de discussions d’entrée ouvertes La Hongrie s’engage à « accorder une attention particulière au respect et à l’application des droits des personnes appartenant à des minorités nationales dans les pays candidats ». Ce langage pourrait s’appliquer à de nombreux candidats à l’adhésion, mais Budapest a en tête ce qu’elle considère comme une discrimination à l’encontre des Hongrois de souche dans l’ouest de l’Ukraine.

Orban a adopté cette semaine un ton moins conflictuel lors de son déplacement à Kiev. Cela laisse entrevoir une manière dont la présidence hongroise pourrait se dérouler : une approche modérée dans les forums européens et sur la scène internationale, mais une ligne plus agressive et eurosceptique pour son public national.

Le domaine controversé des migrations en est un bon exemple. Après des années de négociations laborieuses, l’UE a adopté en mai une nouvelle politique d’asile et de migration. Orbán, cependant, s’y oppose. Diabolisant de longue date George Soros, le financier et philanthrope américain d’origine hongroise, Orbán a déclaré le mois dernier fustigé« La bulle de Bruxelles est pleine de gens de Soros. Soros a un plan pour faire venir un million de migrants en Europe chaque année et créer un continent mixte. »

Cette remarque intempérante a précédé l’annonce par la Hongrie de son sept priorités présidentielles. Parmi ces objectifs figurent « l’endiguement de l’immigration illégale » et « la réponse aux défis démographiques ». En six mois, aucun gouvernement ne peut transformer la politique de l’UE dans un domaine aussi complexe que la démographie. Toute discussion sur ce sujet pourrait toutefois s’avérer improductive et source de divisions, selon la manière dont la Hongrie les aborde.

Pour l’UE, la présidence hongroise est moins un problème que le fait que des partis d’extrême droite de divers types soient déjà au pouvoir, ou s’en rapprochent, dans d’autres États membres. Au moment même où l’Europe a le plus besoin d’une volonté collective pour faire face aux graves menaces sécuritaires et aux défis économiques, l’avancée de l’extrême droite menace de paralyser l’UE. Si cela se produit, Orbán en portera une part de responsabilité – mais en aucun cas la totalité.

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