La politique de cohésion sous observation


C’est avec le rapport Delors de 1989 que l’Europe a commencé à mettre la convergence des régions économiquement moins développées au centre de son agenda politique. Les premiers fonds ont ensuite été activés pour soutenir la croissance des régions les plus pauvres, jusqu’en 2000, date à laquelle la politique de cohésion a été organisée pour les sept ans, telle que nous la connaissons aujourd’hui. Après plus de trente ans, la politique de cohésion est sous surveillance. Le manque de convergence de certaines régions européennes, l’arrivée du NGEU conçu par l’Europe dans l’après pandémie avec des critères très différents, les dynamiques globales qui tendent à agglomérer les ressources vers le « centre » au détriment des « périphéries », sont les principaux éléments qui, ces dernières années, ont remis en cause le système de cohésion et posé une question : la politique de cohésion fonctionne-t-elle ? Cette question est particulièrement vive dans les pays où la cohésion opère depuis des décennies et où, malgré les efforts, les processus de convergence sont loin d’être activés.

Cohésion et Italie, cohésion et Mezzogiorno

Le pays le plus attentif de ce point de vue est certainement l’Italie. Le récent « Rapport sur l’état de mise en œuvre de la politique européenne et nationale de cohésion, programmation 2014-2020 » du ministère des Affaires européennes, du Sud, des Politiques de cohésion et du PNRR, met en lumière un fait : les dépenses certifiées par l’UE de la programmation 2014 -2020 au 31 décembre 2022 est d’environ 54 %. Au total, sur environ 65 milliards de ressources – dont 33 milliards de fonds européens, 20 milliards de ressources nationales et 12 milliards de REACT-EU (mesure conçue dans le NGEU) – un peu plus de 35 milliards ont été des ressources dépensées et certifiées par la Commission Européen. Mais pourquoi l’Italie dépense-t-elle si lentement ses ressources, au risque de les voir « désengagées » par la Commission européenne ?

Il ressort du rapport susmentionné que les régions du Sud et des Îles enregistrent des pourcentages moyens de dépenses inférieurs à ceux des régions du Centre-Nord. En particulier, pour les seules données POR sur le FEDER (programmes de dépenses gérés directement par les Régions), la Sicile s’élève à 56%, la Campanie 57%, les Abruzzes 60%, la Sardaigne 70% et les Pouilles 84% ​​; pour les régions centre-nord : Lombardie 63 %, Piémont 71 %, Vénétie 73 %, Latium 75 % et Émilie-Romagne 100 %. Malgré les différents montants de financement (exemple : la Campanie a un financement égal à environ neuf fois celui de l’Emilie-Romagne et donc une plus grande complexité à gérer), il y a certainement une différence entre la capacité de dépense des régions du Sud et celles du Centre -Nord.

Quelles sont les causes de ces retards ? La cohésion, telle qu’elle est structurée aujourd’hui, exige des niveaux élevés de planification et de mise en œuvre des politiques. Au Sud, ces compétences sont souvent dispersées dans une forte fragmentation des programmes et des outils à mettre en place, dans une AP manquant tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif, dans un contexte réglementaire et procédural complexe qui tend à ralentir le processus déjà complexe processus décisionnel plutôt que de l’accélérer. Et ce n’est pas un problème exclusif aux régions du Sud mais une dynamique qui touche aussi les institutions centrales. En fait, il suffit d’observer l’avancement des PON (projets qui dépendent directement des Ministères et non des régions) et de constater des états d’avancement encore plus faibles que ceux des régions du Sud : PON Entreprises 55%, Culture 42%, Recherche 33%, Gouvernance 26%, Travail (SPAO) 25%.

Cohésion et PNRR

La faible capacité de dépense des fonds de cohésion ne peut donc faire abstraction d’un bilan plus large concernant un recul général du système pays tant du point de vue de sa capacité de planification que de la qualité de l’AP, c’est-à-dire des structures qui doivent ensuite concrètement mettre en œuvre les programmes d’investissement. Enfin, sans oublier la sortie progressive de la scène de la politique ordinaire qui, à la suite des coupes budgétaires entamées dans les années de la grande crise 2008-2009, a effectivement fait place aux ressources de la cohésion lui confiant une tâche qui va bien au-delà de son véritable capacités. Enfin, il y a un fait qui devrait nous interroger sur l’état de santé du système du pays quant à sa capacité à planifier, à dépenser et surtout à croître. Dans la programmation 2021-2027, les régions des Marches et de l’Ombrie, qui figuraient en 2014-2020 parmi les régions « les plus développées », ont été déclassées en régions « en transition ». Cela indique un recul général de l’Italie et devrait nous amener à réfléchir à des solutions pour l’ensemble du système national.



ttn-fr-11