La pie d’Elizabeth Day et le désir de devenir parents


Lla pie s’y faufile et casse un vase mais l’heureux couple qui visite pour la première fois cette « maison parfaite » ne se décourage pas et déménage quand même. La pie après tout, il s’envole mais donnera le titre à un merveilleux roman (Neri Pozza) pour nous rappeler que notre quête du bonheur est faite d’hospitalitédes présences plus ou moins sinistres que nous croisons avec notre vie.

Elizabeth Day Copyright Jenny Smith (avec la permission du bureau de presse)

Même le couple Marisa et Jake est aux prises avec une recherche, résultat d’un ajustement parfait : elle qui veut un homme sérieuxce qui vous fait vous sentir en sécurité et lui qui veut une femme avec qui construire un avenir et bientôt, très bientôt, avoir des enfants. C’est ainsi qu’arrivent les projets et les imprévus qui, on le sait, sont surmontés si le but reste inchangé. L’inattendu c’est Kate, la locataire qui se rend chez eux: avec elle le rêve d’enfant se transforme en un cauchemar et le protagoniste du livre se révèle. C’est la maternité. Sous toutes ses formes, en ce substitut pour être exact. Le rythme d’un thriller psychologique, l’écriture précise et ronde : aucun roman n’avait jamais traité du thème comme le fait Elizabeth Day, 43 ans, journaliste britannique et écrivain à succès.

Pourquoi l’a-t-il écrit ?
Je pensais à un nouveau roman quand un ami cher et écrivain de télévision m’a dit : « Je ne sais pas écrire autre chose que les soucis que je vis. » Bien sûr, chaque livre les traite à travers le filtre de la fiction. Mais dans ce cas la question « qu’est-ce qui m’inquiète ? » c’était décisif. J’ai 40 ans et je souhaite devenir maman. J’ai écrit un livre sur ce qui se passe quand on se bat pour quelque chose qui n’est pas facile, sur quelles sont les vérités derrière les traitements de fertilité. La douleur, la peur, le difficile équilibre entre espoir et réalisme. C’est tout ce que je voulais lire dans les centres de FIV, me voir dans une histoire et ne pas me sentir perdue et pleine de honte. L’expérience de l’infertilité féminine a toujours été marginalisée, en parler n’a pas été facile même pour les femmes. En cela, il m’a influencé Il le brise par Elena Ferrante, lorsqu’elle écrit que chaque aspect de la complexité féminine doit exiger un espace et un respect niés par le canon littéraire.

La pie d'Elizabeth Day Neri Pozza pagg.  400, 19 euros.

La pie d’Elizabeth Day, Neri Pozza, p. 400, 19 euros.

Marisa assiste un groupe de femmes enceintes qui font du yoga pour activer ses phéromones et tomber enceinte. La maternité devient une obsession.
Le désir de devenir parents pousse les gens à des gestes obsessionnels. J’ai passé les dix dernières années entre la FIV et la congélation des ovules, en passant par trois avortements et un divorce. C’était la bataille de ma vie. Maintenant je suis heureusement remariée et je sais que j’ai peu de temps pour mon rêve, je dois beaucoup à la science mais ce n’est pas facile de ne pas abandonner alors que les autres deviennent mères facilement et sur les réseaux sociaux on ne voit que des pubs et des photos d’enfants . Il semble que d’autres aient une vie parfaite et pas vous, et seulement par bizarrerie biologique.

L’envie est le second sentiment du roman.
Oui, je voulais explorer cette tension, l’envie et le sentiment d’avoir presque tout et de savoir que ce n’est pas assez. Je voulais parler de ce qui vous arrive et de votre relation, alors que vous mettez toute votre énergie et votre amour dans la poursuite d’un désir insaisissable. J’ai écrit la majeure partie de La gazza après ma troisième fausse couche. La pandémie venait d’éclater et au bout de deux mois ma grossesse s’était arrêtée. Il y a eu un confinement et l’isolement ne m’a pas aidé. De cette douleur je voulais qu’il reste quelque chose, le témoignage d’une expérience condamnée au silence.

Marisa a été abandonnée par sa mère qui est partie avec sa petite sœur et Jake est victime d’une mère dominante. Il y a beaucoup de mères. Le sien?
Ma mère et ma belle-mère sont adorables. La culture anglaise d’un côté idéalise la maternité et de l’autre la rejette car elle ne valorise pas son apport social. Nombreuses sont les mamans qui racontent sur Instagram à quel point il est difficile de gérer leurs terribles enfants et un travail qui nécessite un bon verre de gin en fin de journée ! Ils sont ironiques bien sûr mais l’ironie vient toujours de la vérité et est la partie sombre du thème. Je voulais explorer cela aussi et ce n’est pas un hasard si j’ai été confrontée à trois formes différentes de maternité.

Une femme enceinte vit dans un nuage qui est un mélange de réalité et d’irréalité. Peurs, hormones. Marisa se sent dans un labyrinthe et, pour ne pas perdre la tête, pense aux choses solides de sa vie. Jake qui l’aime et l’enfant qu’ils auront.
La grossesse est un état miraculeux et sinistre à la fois. Un autre être fait de la place dans votre corps et si vous avez eu un passé difficile et des sentiments fragiles vous ne savez jamais ce qui va se passer. J’utilise la grossesse dans le livre comme une métaphore de cette idée d’individualité habitée et dominée par une autre personne. Un peu comme ce qui arrive à la maison où vivent Marisa et Jake, que je compare à un corps où Kate bouge soudainement. Être parent est aussi un compromis constant entre qui vous êtes et ces parties de vous-même que vous êtes prêt à abandonner pour votre enfant.

La capacité de procréer est une raison de vivre pour les femmes du livre.
Pour moi non ! Une femme peut se sentir épanouie sans avoir choisi d’avoir des enfants, et en effet il y en a beaucoup autour comme ça, génial. Il y a des femmes tout aussi brillantes qui auraient voulu des enfants mais qui ne sont pas arrivées. Cependant, leur force et leur beauté sont encore plus éclatantes grâce à ce chemin. Je crois et j’espère que la maternité arrive dans ma vie mais ma présence au monde n’en dépend pas.

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