Plus que jamais, le seuil de pauvreté constitue un précipice. L’année écoulée a été encore plus difficile pour les personnes vivant dans la pauvreté, comme le montre le dernier baromètre de la pauvreté. « Il y a un an, 400 grammes de fromage Gouda coûtaient 1,55 euro chez Aldi. Maintenant 2,90 euros.
Ses clés de maison. Nico* l’a emmené à l’asbl Welzijns Schakel Ommekeer à Erpe-Mere. Les liens sociaux sont des associations locales qui soutiennent les personnes en situation de précarité. La question qui lui avait été posée : quel objet avait marqué un tournant, pour le meilleur ou pour le pire ?
Il y a environ huit ans, Nico, sa femme et ses deux enfants – un troisième a été ajouté – risquaient de se retrouver dans la rue. « Le stress lié à la recherche d’un logement et surtout de ne pas en trouver : terrible », raconte Nico. La famille a passé les six premiers mois de 2015 à errer. Alors qu’ils risquaient de se retrouver à la rue pour la deuxième fois, ils ont trouvé une maison en location auprès d’un organisme de logement social.
Même si de nombreuses inquiétudes subsistaient. La femme de Nico souffre de dépression post-partum à la maison depuis 2015. «Il s’est alors avéré que le père de ma femme avait contracté de lourdes dettes en son nom», raconte-t-il. L’aide psychologique coûtait trop cher. D’autant plus que Nico a perdu son emploi de technicien de maintenance chez Volvo Cars Gand à la suite d’un accident du travail. Aujourd’hui encore, trouver un nouvel emploi est difficile, même si Nico est diplômé en ingénierie industrielle. Après l’intervention du médiateur des dettes, la famille de cinq personnes doit désormais survivre avec 1 400 euros par mois.
Nico fait partie du demi-million de Flamands qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, ce qui représente 7,7 pour cent de la population totale. La bonne nouvelle est que c’est moins que l’année dernière (7,8 %). En 2018, ce chiffre était encore de 10,4 pour cent, même si les mesures ont été effectuées différemment depuis 2019. « La baisse cette année est principalement due aux mesures exceptionnelles du Covid, qui ont apporté un soutien financier supplémentaire aux ménages », explique Seppe Vanhex, coordinateur de Decade Goals, qui produit le baromètre de la pauvreté, d’où sont issus tous les chiffres.
Inflation
Jusqu’à ce que ce soit la bonne nouvelle. Decade Goals estime qu’un demi-million de Flamands flirtent avec ce seuil de pauvreté. Leur profil a également changé. «Il y a désormais de plus en plus de gens issus de la classe moyenne inférieure et parmi eux un nombre impressionnant de jeunes», explique Vanhex.
En outre, la pauvreté s’aggrave pour ceux qui se trouvent en dessous du seuil. Cela ressort clairement de l’écart de pauvreté médian relatif : un concept difficile à expliquer l’ampleur de la différence entre les revenus médians (le revenu moyen, pas le revenu moyen, ndlr.) et le seuil de pauvreté. Cet écart de pauvreté est passé de 15 pour cent en 2021 à 18 pour cent l’année dernière.
2022 n’a pas été une année facile en raison de la guerre en Ukraine et de la hausse des prix de détail. «Les prix de De Lijn, de la SNCB, de l’eau potable, des loyers, etc. ont également augmenté», explique Vanhex. « Cela a eu un impact principalement sur les personnes vivant dans la pauvreté, qui n’ont aucun tampon. »
Pour quelqu’un comme Nico, qui peut citer les prix des produits blancs au centime près, c’est une tragédie. «Il y a un an, 400 grammes de fromage Gouda coûtaient 1,55 euro chez Aldi», raconte-t-il. «C’est maintenant 2,90 euros. Même dans les magasins les moins chers, toutes les garnitures pour sandwichs comme le jambon, la saucisse ou le filet de poulet ont fortement augmenté, passant de moins de 1 euro à 1,50 euro. Nous ne parlons même pas de viande ou de poisson, des produits que nous ne pouvons tout simplement plus acheter. Alors nous mangeons des aliments malsains et toujours la même chose, parce que c’est la seule chose que nous pouvons nous permettre. »
Une épicerie sociale, des réductions contre le gaspillage au supermarché juste avant la fermeture et des heures à comparer les promos sur internet : voilà sur quoi Nico et sa famille doivent compter. « Avant, nous pouvions économiser cinquante euros à la fin du mois », raconte-t-il. «Maintenant, ça ne marche pas. Parfois, nous manquons d’argent la semaine dernière. Et puis nous avons la chance de bénéficier d’un tarif social pour l’électricité et le gaz.» Pas pour l’eau, ce qui signifie que la famille doit débourser 302 euros tous les trois mois.
Signaux de détresse
Depuis le début de la forte inflation, Lieven De Pril, qui travaille au sein de l’organisation à but non lucratif Welzijnslinks, reçoit de plus en plus souvent des familles sans défense. « Ils appellent vendredi soir et disent : ‘Ce n’est plus possible. Nous ne passerons pas le week-end », dit-il.
Après ce premier contact, qui est souvent contraint de se concentrer sur une aide urgente telle que des vêtements et de la nourriture, un Welfare Link tente de maintenir le contact avec une famille en situation de pauvreté. « Vivre dans la pauvreté est très difficile », déclare De Pril. « On ne peut pas réussir sans un réseau de famille ou de bénévoles. »
De Pril fait l’éloge du baromètre de la pauvreté, mais craint qu’il ne soit trop optimiste. « Nous ne constatons aucune stagnation du nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. À Lede, où je vis, le nombre de familles que nous aidons est passé cette année de 100 à 130. À Erpe-Mere, de 130 à 160. Cette réalité ne se verra que dans les chiffres de l’année prochaine.»
Les objectifs de la décennie exigent que les différents gouvernements prennent des mesures supplémentaires, comme le tarif social de l’énergie et l’augmentation des minimums sociaux, qui ont aidé de nombreuses personnes en situation de pauvreté ces dernières années. «Dans le même temps, nous constatons une nette tendance politique à culpabiliser les personnes vivant dans la pauvreté et à se blâmer pour leur situation», déclare la présidente Anne Van Lancker. « Il suffit de regarder toute la discussion sur la possibilité de réserver la garde d’enfants aux personnes qui travaillent. »
*Nico est un pseudonyme. Le vrai nom est connu des éditeurs.