La pagaille de la réforme des retraites de Macron


Emmanuel Macron a lancé les dés sur la réforme du système de retraite français qui grince. Son pari est dans la balance. Dans un contexte de protestation, où les deux tiers de la population sont contre le plan du président, son gouvernement minoritaire a eu recours à l’évitement d’un vote parlementaire que Macron avait calculé qu’il perdrait. Des changements sont nécessaires pour combler un déficit de retraite dans un pays dont la population vieillit. Mais la façon dont Macron a tenté d’imposer des réformes laisse le président et la France avec un déficit démocratique.

En déclenchant un pouvoir constitutionnel spécial, Macron a parié que les chances de son gouvernement de survivre à un vote de censure qui va maintenant suivre sont plus grandes que les chances d’obtenir le soutien parlementaire pour ses réformes de la manière habituelle. La crédibilité de son second mandat en tant que président dépend de la réussite de ses calculs. Il doit espérer qu’elles sont plus justes que son évaluation qu’il pourrait compter sur les conservateurs Les Républicains pour l’aider.

Il est probable que le vote de défiance prévu lundi échouera, et ses réformes passeront donc. Mais il ne fallait pas en arriver là. La refonte du système de retraite généreux de la France allait toujours être diaboliquement difficile. Les grèves étaient inévitables. Macron n’est pas non plus étranger à l’utilisation du pouvoir, connu sous le nom d’article 49.3, qui peut contourner les votes parlementaires : son gouvernement l’a utilisé 10 fois auparavant. Mais le degré de malaise à travers le pays face aux plans, déjà édulcorés mais qui, selon les détracteurs, sont injustes pour les cols bleus, montre que Macron a sous-estimé l’ampleur de son opposition. Des millions de personnes ont ressenti le besoin de manifester depuis janvier. L’action syndicale a laissé 10 000 tonnes de déchets s’entasser dans les rues de Paris et a réduit la production des réacteurs nucléaires.

Macron n’a pas réussi à convaincre les électeurs et les parlementaires de la nécessité de sa vision ; quelque chose d’essentiel depuis qu’il a perdu sa majorité parlementaire l’année dernière. Sa méthode autoritaire pour imposer cette vision au pays – quels que soient ses mérites – risque maintenant de transformer le malaise en troubles, potentiellement à l’échelle de 2018 gilets jaunes manifestations qui ont gâché son premier mandat.

Macron a raison de dire que la France doit revoir son système de retraite par répartition et que davantage de personnes doivent travailler pour aider à financer les services publics. Les retraités français devraient passer de 16 millions à 21 millions d’ici 2050. Pendant ce temps, sa dette publique accumulée s’élève à plus de 113 % du produit intérieur brut. Les réformes du président augmenteront l’âge minimum de la retraite de 62 à 64 ans, le rapprochant ainsi de ses voisins de l’UE, et exigeront 43 ans de travail pour avoir droit à une pension à taux plein.

Pourtant, la méthode de Macron consistant à faire passer une politique saine n’a guère de sens politique. Ayant remporté les votes nécessaires au Sénat la semaine dernière, il aurait dû laisser le projet de loi passer au vote à l’Assemblée nationale. Un vote raté aurait signalé qu’il devait réévaluer et repenser sa refonte.

A court terme, l’avenir de sa première ministre, Élisabeth Borne, est incertain. Mais il y a des questions plus larges à plus long terme. Les Républicains ont longtemps soutenu et milité pour la réforme des retraites. Si Macron n’a pas pu compter sur eux pour une majorité, même après des compromis conséquents, quel espoir peut-il y avoir d’autres ambitions pour le reste de sa présidence jusqu’en 2027 ? Pas beaucoup. Et cela met en péril son héritage plus large, qui a autrement rendu la France plus compétitive. Macron a promis un style de politique française plus consensuel et moins descendant. En essayant d’imposer ses réformes, il finit par être affaibli.



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