La moitié des combattants belges en Ukraine sont déjà revenus : « Ça n’a aucun sens de servir de chair à canon »


Plus de la moitié des Belges qui ont volontairement combattu en Ukraine sont déjà rentrés dans notre pays. Deux des combattants le confirment à Het Laatste Nieuws. Eux aussi sont de retour pour diverses raisons et racontent leur histoire. « Je n’avais pas envie de servir de chair à canon étrangère. »

Esther De Leebeeck25 mars 202214:07

Depuis le début de la guerre, l’armée ukrainienne est soutenue par des combattants volontaires du monde entier. Au moins 20 000 personnes de 52 pays différents ont déjà rejoint la légion étrangère du président Zelensky. Dix-huit personnes ont déjà quitté notre pays, confirme l’ambassade d’Ukraine à Bruxelles. Un nombre qui est resté inchangé depuis plus d’une semaine, alors que 120 Belges s’étaient effectivement inscrits pour y participer.

Selon l’ambassade, personne d’autre n’est « qualifié » pour partir, car les services de défense ukrainiens ont décidé la semaine dernière de n’autoriser que les combattants ayant une expérience militaire. Pire encore, plus de la moitié de ces dix-huit forces armées belges sont déjà rentrées dans notre pays. C’est ce que disent deux d’entre eux.

« J’ai été blessé lorsque des missiles aériens ont complètement détruit notre base militaire », raconte Jacques Martin (51 ans) de Flémalle près de Liège. Lui et les autres Belges ont été affectés au centre d’entraînement militaire de Yavoriv dans la région de Lviv, à moins de 25 kilomètres de la frontière polono-ukrainienne. Dans ce camp militaire, les étrangers qui voulaient se battre pour l’Ukraine étaient entraînés.

« Mais nous étions presque tous dispersés », poursuit le quinquagénaire. « L’un de nous faisait partie de l’équipe de propagande, les autres étaient divisés en bataillons. La plupart d’entre eux ont reçu une formation au combat car ils n’avaient pas encore d’expérience, deux autres Belges étaient immédiatement au front à Kiev. Martin a également acquis une expérience militaire. « C’est pourquoi j’ai été autorisé à effectuer deux missions dans le centre de Lviv où nous avons intercepté des saboteurs russes, des Tchétchènes en l’occurrence. »

Le combattant belge Jacques Martin (51 ans) a combattu en Ukraine.Image photo camping-car

« États apocalyptiques »

Tout s’est en fait déroulé selon le « plan » jusqu’à ce que huit missiles aériens bombardent la base militaire le dimanche 13 mars. « Il était cinq heures du matin lorsque le premier impact est tombé. J’étais au lit à ce moment-là », poursuit Martin. Les soldats de la Légion étrangère dormaient simplement dans des chambres, pas dans un abri anti-bombes.

« Ils pensaient que nous étions dans une zone non conflictuelle parce que la base est proche de la Pologne, mais c’est un territoire ukrainien, hein. Après l’avertissement de Poutine contre la légion, nous aurions dû le savoir. L’attaque était un avertissement, un message clair. En tous cas. Avant de m’en rendre compte, j’ai volé dix mètres plus loin à cause de la force énorme. C’était vraiment des situations apocalyptiques. Je me suis évanoui, je me suis cassé le bras droit et j’ai perdu toute audition pendant plus de quatre heures. Ça revient pas à pas, mais je me rends compte que j’ai eu beaucoup de chance. »

Pendant les heures qui ont suivi, Martin a tenté d’aider les pompiers locaux, à la recherche de survivants sous les décombres. « Nous avons pu en sauver quelques autres, mais la plupart d’entre eux étaient morts. C’était un champ de bataille. » 35 soldats ukrainiens ont été tués dans l’attaque et 134 autres ont été blessés.

Le quinquagénaire est resté avec son équipe pendant trois jours supplémentaires dans ce qui restait du camp d’entraînement pour récupérer des armes et d’autres matériels de la caserne, et pour enterrer les morts. « Nous avons dormi dans les bois cette fois-là », se souvient-il. Un médecin australien a examiné toutes les blessures mineures en même temps, y compris Martin. « J’ai dû me rendre à l’hôpital militaire de Lviv pour un scanner de ma tête. Les médecins m’ont gardé là pendant quelques jours parce que j’avais subi une grave commotion cérébrale. Entre-temps, avec d’autres volontaires blessés, j’avais reçu un mot du colonel que, sur son ordre, nous devions rentrer chez nous pendant un certain temps pour reprendre nos forces. Mais, soyons clairs : mon contrat n’a pas été rompu. Dès que je serai de nouveau en forme, j’espère que la semaine prochaine, je serai de retour. »

« Chair à canon étrangère »

« L’attaque à la roquette a ouvert les yeux de beaucoup », a déclaré un autre combattant belge qui préfère rester anonyme. « A ma connaissance, il n’y a que quatre Belges là-bas. »

Bruggeling, 52 ans, était en Afghanistan depuis huit ans et travaillait, entre autres, pour les affaires étrangères. « Ma décision de revenir a été mûrement réfléchie », poursuit-il. « Je m’étais glissé dans un rôle d’organisation. Cela rejoint mon expérience. Mais la chaîne de commandement a été réorganisée à plusieurs reprises. Il y a aussi de nombreux volontaires américains qui semblent mieux connaître tout cela. Mon poste a donc été supprimé pour un Américain et je n’avais pas envie de servir de chair à canon étrangère. »

Un char détruit à Marioupol.  Image SOPA Images/LightRocket via Gett

Un char détruit à Marioupol.Image SOPA Images/LightRocket via Gett

D’autres Belges sont partis avec lui, confirme-t-il. « Une fournée de jeunes Belges naïfs auxquels on a rappelé leur manque d’expérience. Ils n’avaient aucune chance face à une armée russe bien organisée. » Martin le rejoint : « C’était le chaos là-bas. Trop de combattants n’avaient jamais tenu une mitrailleuse dans leurs mains. Encore fallait-il tout apprendre. Les soldats professionnels ont perdu énormément de temps à les former, tout en essayant d’aider au front. Cela a également été clairement communiqué. Nous avions peut-être signé un contrat, mais vous pouviez l’annuler le jour même si vous le vouliez, ce qui a facilité le départ de beaucoup de toute façon. Les combattants qui sont restés ont également été immédiatement envoyés au front car il n’y a plus de centre d’entraînement.



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