La liberté est une voie à sens unique ici

Menée par le SGP, une motion a été adoptée qui assimile les organisations pro-palestiniennes à l’antisémitisme et aux « idéologies Hama ». Pour le SGP et la coalition actuelle, appeler à l’arrêt de la violence et défendre la vie des Palestiniens constitue déjà un acte de terreur. Le « terrorisme » est l’œuf d’or dont disposent les gouvernements du monde entier pour étouffer l’opposition et restreindre les libertés.

Qu’en était-il déjà : la liberté d’expression était sacrée, elle ne pouvait être altérée, les musulmans devaient avoir des callosités. Eh bien, les callosités se sont développées au cours des 25 dernières années, les gens sont de moins en moins provoqués par des déclarations racistes. Se sentir blessé fait partie d’une société aux origines et aux perspectives différentes. Tout à fait d’accord.

J’ai aussi appris à hausser les épaules et à continuer, mais cela devient un peu difficile lorsque cette liberté est à sens unique, contre les musulmans et les Néerlandais biculturels, mais pas pour eux. La destruction totale de tout ce qui est palestinien a montré cela d’une manière poignante : les gouvernements occidentaux, y compris le nôtre, tentent de dissimuler leur complicité en rendant suspectes les critiques et l’opposition.

Alors qu’ils soutiennent activement le massacre quotidien de civils innocents là-bas, ils s’inquiètent ici des slogans pro-palestiniens. Comme si les mots étaient des bombes et que les bombes elles-mêmes étaient des campagnes de sensibilisation.

Certains d’entre vous lèvent peut-être les yeux au ciel, me voilà de nouveau avec ma bête noire. Existe-t-il de meilleures bêtes noires que les vies humaines et les droits de l’homme ? Si nous ne faisons pas tout ce que nous pouvons pour mettre fin aux souffrances et aux injustices incommensurables et pour établir des relations les uns avec les autres sur un pied d’égalité, que faisons-nous ici ?

Depuis les troubles à Amsterdam, la criminalisation de la « liberté d’expression » a atteint son paroxysme ; Par exemple, il a été proposé de bannir le compte Instagram Cestmocro. Mais qu’est-ce qui aggrave réellement Cestmocro ? Le télégraphe? Un journal qui traque les femmes politiques progressistes, accuse une fonctionnaire d’Amsterdam totalement innocente d’être un « pivot » d’un « cartel musulman » et dont les employés incitent quotidiennement contre les musulmans, qu’ils appellent une « cinquième colonne », rejette les juifs progressistes comme des « la construction médiatique» et les militants pour la paix comme des terroristes.

Le gouvernement « pour tous les Néerlandais » prouve chaque jour que tous les Néerlandais ne sont pas égaux pour eux. Cela rend les lamentations sur les Néerlandais biculturels qui ne se sentent pas néerlandais si insupportablement hypocrites. Les Marocains néerlandais se sentent et s’identifient comme Néerlandais, et une grande partie des Pays-Bas refuse de les accepter comme compatriotes égaux – jusqu’à ce qu’ils remportent une médaille quelque part – et invente toujours des astuces sournoises pour maintenir les inégalités.

Parce que c’est inégal. La liberté d’expression n’est pas « négociable », avait alors déclaré Rutte. Jusqu’à ce que Sylvana Simons le mette sur la grille parlementaire et qu’il crie « les mots comptent ».

La défense de la liberté d’expression s’est avérée être à peine plus qu’une façade pour fixer la norme et y soumettre tout le monde. Une façon de prendre les minorités en otage et de les humilier, de généraliser, de priver les gens de leur individualité, de légitimer le pire racisme et le pire langage génocidaire et de problématiser et criminaliser toute réponse à celui-ci, aussi innocemment formulée soit-elle.

On tente de nous priver des mots avec lesquels nous exprimons pacifiquement notre mécontentement, notre tristesse et notre colère. Mais j’ai été très attentif ces dernières décennies, pris de bonnes notes et maîtrisé le jargon : il est important de cultiver les callosités, car c’est précisément lorsque la liberté d’expression irrite qu’il faut la défendre.

Hassnae Bouazza est écrivain, journaliste, chroniqueuse et réalisatrice d’émissions.






ttn-fr-33