La France se souvient de Delors avec des leçons pour l’UE et Macron


Le temps semble s’adapter à l’occasion où, après des semaines de pluie, par un vendredi matin cristallin et glacial, la France et la Bruxelles politique disent au revoir à l’un des hommes politiques les plus influents d’Europe : l’ancien ministre et ancien président de la Commission européenne Jacques Delors. Il est décédé la semaine dernière à l’âge de 98 ans.

Des invités de toute la France et d’Europe sont venus le voir hommage national (« hommage national ») dans la cour de l’opulent Hôtel des Invalides au cœur de Paris : de la fille de Delors et maire de Lille Martine Aubry (le dernier membre de la famille Delors) aux personnalités politiques françaises comme l’ancien Premier ministre Lionel Jospin et l’ancien président François Hollande ou des dirigeants de l’UE tels que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et une douzaine de dirigeants de gouvernements européens. Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, est présent. Mais aussi Mark Rutte. Comme d’habitude avec de tels hommages, seul le président français Emmanuel Macron prend la parole.

Debout devant le cercueil de Delors, orné du drapeau tricolore français, Macron s’exprime dans une nouvelle sobre et, pour sa part, courte, faisant l’éloge de l’homme politique qu’il admirait mais qu’il n’a jamais rencontré. Le président parle de l’héritage de Delors pour la France, en tant que syndicaliste influent, talentueux faiseur de compromis et ministre de l’Économie sous le président François Mitterrand. De ses services à l’Union européenne “dont il a contribué à dessiner le visage, région par région”.

En tant que président de la Commission européenne, Delors a été le berceau du marché intérieur européen et de l’euro au cours des années cruciales entre 1985 et 1995. Il a également conçu le programme d’échange d’étudiants Erasmus – c’est pourquoi une cinquantaine d’étudiants Erasmus sont présents à la cérémonie d’adieu à Paris. Macron : « Rarement notre Europe a fait autant de progrès. »

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élections européennes

À l’approche des élections européennes de juin – et des inquiétudes largement partagées dans toute l’Europe quant à une éventuelle victoire de la droite radicale – on s’attendait déjà à ce que le président rende hommage à Delors pour souligner son propre agenda pro-européen. L’Élysée a voulu contrecarrer cette apparence et a rappelé par avance aux journalistes que « cet hommage est totalement indépendant de toute préoccupation politique concernant les élections à venir. Le président n’a pas du tout cela en tête.

Pourtant, comme toujours, des messages politiques peuvent être trouvés entre les lignes de Macron. Il fait le lien entre une trinité souvent utilisée par Delors (« la compétition qui stimule, la solidarité qui unit et la coopération qui renforce ») et ce qu’il estime lui-même nécessaire pour une Europe plus forte : la souveraineté, l’unité et le renforcement de l’identité.

Même s’il ne pense pas littéralement aux élections européennes, le président regarde vers l’avenir. «Jacques Delors nous a […] a passé le flambeau», a-t-il déclaré aux dirigeants européens présents. « Ce chemin, son chemin, continue. Un chemin difficile, un chemin de montagne qui s’éloigne du confort et des apparences, toujours en déséquilibre.

Que Delors en a un hommage national est déjà un signal politique à Paris : cet honneur n’est réservé qu’aux soldats morts « pour la France », aux anciens présidents ou aux citoyens ayant rendu des services exceptionnels à leur propre pays.

Dans son discours, le pro-européen Macron semble se positionner prudemment comme l’un des héritiers politiques de Delors, mais la question est de savoir ce que Delors aurait pensé de cela. Même si le socialiste s’est prononcé positivement sur le célèbre discours de Macron à la Sorbonne sur l’avenir de l’Union européenne au début de sa présidence en 2017, il s’est ensuite prononcé à plusieurs reprises de manière critique à l’égard du président. Dans l’une des dernières interviews accordées par Delors, à LePoint en 2021, il affirmait entre autres que Macron, contrairement à lui, n’est absolument pas un social-démocrate (« toute sa politique le montre »). Il a également délicatement souligné que les projets de Macron pour une Europe souveraine ne sont pas si faciles à réaliser.

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Fille critique Aubry

Sa fille Martine Aubry, ancienne ministre du Premier ministre Jospin et maire de Lille depuis 2001, est encore plus franche à propos de Macron. Elle parle depuis qu’il est ministre de l’Économie s’en est pris régulièrement à lui dans les médias français, notamment en raison de sa politique économique libérale et son arrogance perçue. Selon des sources de Le Monde ce n’est pas un hasard si Delors et Macron ne se sont jamais rencontrés au cours de leur vie : Macron aurait tenté de rencontrer Delors à plusieurs reprises, mais pour ne pas offenser sa fille, l’éminent européen se serait abstenu de le faire.

Il n’y avait aucun signe de ce genre de tension vendredi matin – Macron et son épouse Brigitte ont chaleureusement accueilli Aubry et des sources de l’Élysée ont souligné que la coopération pour les adieux était “extrêmement agréable”. Les autres participants semblent également s’en tenir au scénario selon lequel cette journée consiste uniquement à dire au revoir. Lorsqu’on lui a demandé si la réunion avait une importance particulière à l’approche des prochaines élections européennes, le Premier ministre sortant Mark Rutte a ensuite répondu avec une certaine surprise : “A l’approche de quoi ?” Et puis d’ajouter : « Non, ce n’est pas pour ça que je suis là. je suis là pour un hommage à remettre à Jacques Delors.






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