La curieuse manœuvre de Jambon montre que cette crise n’est plus seulement une question d’azote

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Bart Eeckhout

Le chaos de la politique fédérale d’asile a éloigné de nombreux regards indiscrets du niveau politique flamand, mais désormais le Premier ministre Jan Jambon (N-VA) ne peut plus le nier : son gouvernement flamand est à nouveau en proie à une profonde crise de confiance. Encore une fois, parce que comme pour la déclaration de septembre, le gouvernement a raté le délai pour parvenir à un accord, cette fois sur l’azote.

D’un geste assez discret, le Premier ministre appelle les présidents des partis N-VA, CD&V et Open Vld pour obtenir confirmation de leur part qu’ils veulent toujours trouver un accord. Cela peut compter comme une consécration de la particratie. Ce n’est pas la représentation populaire élue au Parlement flamand, qui légitime démocratiquement le gouvernement, qui a le dernier mot, mais le siège du parti. Si une telle crise survenait au niveau fédéral, c’était le moment où le chef du gouvernement se rendait auprès du roi.

La remarquable manœuvre de Jambon montre que cette crise ne concerne plus (seulement) l’azote. La question de l’azote est si techniquement et juridiquement sophistiquée que seuls les initiés la comprennent. C’est précisément cela qui laisse place à un vague compromis… quand il y a confiance. C’est là que se trouve le vrai bouton. Les partenaires de la coalition CD&V et N-VA ne se battent pas pour des « valeurs critiques de dépôt », mais pour l’âme de la Flandre rurale. Une telle bataille de symboles est toujours risquée.

Pendant ce temps, de nombreux agriculteurs sont orphelins sur la touche, l’objet d’une lutte politique. Leur colère est justifiée. Ce qui leur manque, c’est une vision globale de l’avenir de l’agriculture dans cette région, partagée par le gouvernement en équipe. Cela leur offrirait un cadre durable et juridiquement sûr pour une industrie viable, au lieu de les envoyer de la boîte à azote au mur d’action du fumier.

Cette nouvelle vision s’impose de toute urgence, car on se rend compte peu à peu qu’un modèle agricole s’achève ici. Le passage à l’échelle industrielle imposé par l’Europe a beau fonctionner bien en France ou en Pologne, il n’a jamais vraiment été une bonne idée dans des régions très actives comme la Flandre ou les Pays-Bas. Cela a été ignoré pendant des décennies, mais maintenant que les dates d’expiration des normes environnementales et climatiques approchent, cela ne peut plus être maintenu.

L’apparence est toujours conservée. Le président du CD&V, Sammy Mahdi, souligne à juste titre l’importance retrouvée de la sécurité alimentaire. Très bien, mais si tel est vraiment le problème, l’accent mis sur l’élevage largement axé sur l’exportation n’est pas le bon.

Un choix difficile s’impose. Soit nous considérons effectivement « l’agro-industrie » comme une industrie d’exportation, auquel cas, comme le soutient CD&V, il n’y a aucun argument juridique pour imposer des normes plus strictes aux agriculteurs que d’autres industries. Dans ce cas, une collision avec les normes environnementales européennes est difficile à éviter.

Soit on valorise l’agriculture comme un secteur stratégique pour l’approvisionnement alimentaire. Mais alors une profonde reconversion s’impose avec de nouvelles priorités. Cela demandera beaucoup d’efforts, beaucoup de temps, beaucoup d’argent et beaucoup d’attention de la part du gouvernement. Ces éléments ne sont pas prévus dans l’accord sur l’azote, qu’il entre en vigueur ou non.



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