L’écrivain est Premier ministre de la République tchèque, qui assure actuellement la présidence du Conseil de l’Union européenne
Le 6 octobre, le château de Prague a accueilli un rassemblement sans précédent d’États pour lancer la Communauté politique européenne. L’objectif de ce nouveau forum est simple : rassembler toutes les nations d’Europe, à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE, afin de coordonner notre réponse aux menaces critiques et d’accélérer le chemin vers la prospérité.
Dès le début, la communauté était censée être un espace commun suffisamment flexible pour accueillir confortablement toutes les nations européennes. Nous n’avons pas besoin de nouveaux acronymes ni de nouveaux secrétariats. Et l’intention n’était pas de créer une autre organisation intergouvernementale.
Ce dont nous avons besoin, c’est d’une approche inclusive des solutions, de réponses plus rapides aux problèmes et d’un lieu de médiation pour les dialogues entre les nations, quelle que soit leur appartenance à des clubs différents, qui se chevauchent parfois.
Le format choisi était donc le plus large possible : un responsable politique de chaque pays était invité, ainsi que les présidents de la Commission européenne et du Conseil européen. L’espace a été délibérément laissé aux rencontres bilatérales et ponctuelles, sans le carcan des résolutions officielles.
Quarante-quatre nations européennes, de l’Islande à l’Azerbaïdjan, ont accepté l’invitation, englobant non seulement l’étendue géographique de notre continent mais aussi l’étendue de la civilisation européenne. Seuls les régimes russe et biélorusse ont été délibérément laissés pour compte.
L’Europe est exceptionnellement unie sur des questions importantes aujourd’hui : la menace posée par la Russie est si grave que nos autres différences semblent presque insignifiantes. Il était donc naturel que l’agenda de Prague soit dominé par la guerre, avec des promesses de maintenir le soutien à l’Ukraine et des discussions sur la manière de rétablir la paix et la stabilité sur notre continent.
Mais non moins importants étaient les débats sur d’autres défis pressants pour notre prospérité et notre bien-être, en particulier la flambée des prix de l’énergie qui gâche la vie des citoyens européens, ainsi que les entreprises et les institutions publiques.
Nous avons assisté ici à une évolution du débat, avec des solutions esquissées avec plus de clarté qu’auparavant. Il était particulièrement réjouissant d’assister à des discussions sur les interconnexions énergétiques en mer du Nord et dans les Balkans et sur le renforcement des capacités de production avec des pays comme la Norvège et l’Azerbaïdjan. Il a également été question de diverses missions de renforcement de la sécurité et de surveillance de la paix dans les endroits où cela s’avère nécessaire.
Le sommet a offert une opportunité aux dirigeants des nations destinées à vivre ensemble, mais qui n’ont généralement pas beaucoup l’occasion de se parler. De plus, il y a eu plusieurs réunions importantes qui promettent de désamorcer, voire de débloquer les négociations, notamment celle à laquelle ont participé les dirigeants turc, arménien et azerbaïdjanais. Avant le sommet de Prague, le président turc et le Premier ministre arménien ne s’étaient pas rencontrés depuis que les deux pays avaient convenu d’améliorer leurs relations en 2009. C’est précisément le genre de résultat que la CPE était censée favoriser.
Avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, j’ai rencontré Recep Tayyip Erdoğan, le président de la Turquie, pour discuter en détail des relations entre la Turquie et l’UE. Plusieurs réunions ont porté sur la situation en Bosnie-Herzégovine et sur les relations entre la Serbie et le Kosovo.
Denys Shmyhal, le Premier ministre ukrainien, a tenu de nombreuses réunions liées à l’aide économique et à la sécurité, y compris de nouvelles livraisons d’armes à son pays. J’ai également été informé d’une rencontre réussie entre le président français Emmanuel Macron et Liz Truss, la première ministre britannique. Des dizaines de réunions bilatérales ou trilatérales ont eu lieu pendant le sommet ou en marge de celui-ci.
C’est un moment critique pour l’Europe. Mais malgré ces pressions, les participants ont fait preuve d’unité et d’une volonté de coopérer. Je suis fier que la naissance de l’EPC soit à jamais liée à la capitale de la République tchèque. Et je suis convaincu que les sceptiques ont tort de s’inquiéter qu’il ne dégénère bientôt en un simple magasin de paroles. Les problèmes auxquels l’Europe est confrontée sont trop graves pour que cela se produise.
À une époque de crises qui se chevauchent et de défis permanents, nous avons besoin d’une plate-forme ouverte capable de répondre aux différents intérêts de toute l’Europe. Nous recherchons une discussion libre qui renforce la compréhension mutuelle et nous aide à affiner nos positions sur les questions les plus urgentes du jour. L’EPC est un espace pour faire exactement cela.