La 75e édition du Festival de Cannes est à mi-parcours et les premiers coups de coeur se dessinent. Aucun film en compétition n’a jusqu’à présent rencontré un enthousiasme aussi effusif que la nouvelle comédie satirique Triangle de tristesse du réalisateur suédois Ruben Östlundqui a remporté la Palme d’or il y a cinq ans avec sa satire sur le monde de l’art moderne La place† Le film a été extrêmement populaire à la fois lors de la première presse et du public du gala.
Dans Triangle de tristesse, son premier film en anglais, Östlund jette son dévolu sur le fossé entre les idéaux progressistes professés et l’énorme inégalité sociale qui les sous-tend. Harris Dickinson joue le mannequin Carl, qui doit regarder sa petite amie Yaya (Charlbi Dean) devenir beaucoup plus prospère que lui. En tant qu’« influenceuse » à succès, elle peut partir en voyage sur un bateau de croisière sans payer.
Le capitaine ivre Thomas Smith (Woody Harrelson) semble être plus intéressé par la théorie marxiste que par le maintien d’un cap. Lorsque son navire entre dans le gros temps, les relations entre les passagers et l’équipage changent complètement.
L’enthousiasme bruyant avec lequel le film a été reçu à Cannes ne dit pas tout. Lors d’un festival de cinéma, une comédie apporte rapidement un soulagement bienvenu après une série de films lourds et sombres. Une comédie peut alors vite être légèrement surfaite.
Triangle de tristesse est certainement le film le plus exubérant et le plus énergique d’Östlund à ce jour, mais aussi le plus bouffon et le moins subtil. Ses films ont souvent une scène centrale de cascades; ici représenté par un dîner d’orage, d’ivresse et de mal de mer, se terminant par une suite interminable de vomi.
Le bateau de croisière apparaît comme une métaphore efficace de la société actuelle. Les observations sociales d’Östlund ne sont certes pas vraiment surprenantes, mais elles sont souvent pointues. Le réalisateur poursuit sans encombre le chemin qu’il a pris avec La place† Le manque d’innovation est quelque peu décevant. Le film est divisé en trois chapitres, dont seul le dernier chapitre est pleinement réussi.
La seule autre valeur aberrante à ce jour tombe dans la compétition de films de Cannes dans la catégorie “lourd et sombre”. La femme de Tchaïkovski du réalisateur russe Kirill Serebrennikov porte sur le mariage désastreux entre le compositeur gay Pyotr Ilyich Tchaikovsky et Antonina Miliukova en 1877.
Cannes pourrait utiliser ces deux valeurs aberrantes dans la concurrence, car dans l’ensemble, l’offre était inférieure à la moyenne. James Gray est un chouchou cannois depuis de nombreuses années. Le réalisateur américain a déjà réalisé des films épiques, tels que Ad Astra avec Brad Pitt en astronaute errant dans l’espace. De heure d’Armageddon il travaille sur une toile plus petite avec un film basé en partie sur sa propre enfance à New York dans les années 1980. Paul, 11 ans, grandit dans une famille juive qui, bien que pas riche, a suffisamment économisé pour l’envoyer dans une école privée lorsqu’il a des ennuis dans l’enseignement public.
Son meilleur ami Johnny est issu d’une famille noire défavorisée. Il n’a pas les options évasives. Cette inégalité se frotte constamment au spectateur. Les personnages semblent avoir plus pour illustrer une position sociale que pour avoir une vie bien remplie. L’accueil à Cannes a néanmoins été très positif. Une grande tolérance au ton pédant d’Hollywood est indispensable pour apprécier le film.
Le monde du cinéma belge a remporté un succès remarquable lors de la 75e édition du festival. Quatre films belges ont réussi à se hisser en sélection officielle† Du ‘Golfe belge’ n’était que L’otto montagne de Felix van Groeningen et Charlotte Vandermeersch – d’après un best-seller de Paolo Cognetti – est visible en début de festival. Le film était décevant.
Il s’agit de l’amitié de deux hommes, sur fond de leur amour commun pour la vie à la montagne. Le film s’appuie très fortement sur le fameux stoplap selon lequel les hommes ne veulent jamais parler de leurs sentiments. L’otto montagne est bien joué, magnifiquement filmé, mais rien n’étincelle. Peut-être que le problème réside dans la sentimentalité du matériel source de Cognetti.
Cannes est souvent extrêmement fidèle aux cinéastes, une fois qu’ils ont pénétré dans le cercle restreint. D’un point de vue éthique, c’est peut-être une qualité louable. En tout cas, Cannes n’est pas un festival qui souffle à tous vents. Mais autant de loyauté ne donne pas toujours le meilleur festival. Espérons que la seconde moitié du festival sera meilleure. Il le faut vraiment – si Cannes veut être à la hauteur de sa réputation de meilleur festival du film au monde.