La Chine connaît un succès retentissant au Moyen-Orient avec la détente entre les grands rivaux Riad et Téhéran


Pour la Chine, sa médiation entre l’Iran et l’Arabie saoudite, qui a abouti vendredi à un accord sur la reprise des relations diplomatiques entre les deux États du Golfe, est un gros coup de pouce. Tout comme par le passé les présidents américains se laissaient souvent photographier entre des rivaux qui promettaient d’enterrer la hache de guerre, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi se tenait à Pékin souriant affablement main dans la main avec les négociateurs iraniens et saoudiens.

« Le Moyen-Orient appartient aux peuples du Moyen-Orient », a dit pieusement Wang Yi. Cette remarque visait spécifiquement Washington. C’était un peu une hirondelle pour les États-Unis. Tout comme ils essaient de freiner l’expansion chinoise dans le monde, la Chine connaît un succès retentissant dans une région où les États-Unis ont traditionnellement ouvert la voie. L’accord prouve qu’ils n’ont plus d’hégémonie au Moyen-Orient.

Les analystes soulignent que les États-Unis eux-mêmes n’auraient pas pu assurer une médiation appropriée car ils entretiennent des relations très tendues avec l’Iran et, dans une bien moindre mesure, avec les Saoudiens. Riad a rompu ses relations avec l’Iran après la prise d’assaut de l’ambassade d’Arabie saoudite à Téhéran en 2016 à la suite de l’exécution d’un religieux chiite en Arabie saoudite. Depuis lors, des consultations périodiques ont eu lieu entre les deux pays, mais personne ne s’attendait à une percée aussi importante.

Les États-Unis n’ont pas pu assurer une bonne médiation en raison de leurs relations très tendues avec l’Iran et, dans une bien moindre mesure, avec les Saoudiens

La volonté de l’Iran de le faire était quelque peu prévisible. En partie à cause des récentes manifestations dans son propre pays, le régime s’est retrouvé dans un isolement international encore plus grand. Plus important encore, en concluant un accord avec l’Arabie saoudite, Téhéran détache quelque peu les Saoudiens du camp des États-Unis et d’Israël.

programme nucléaire

Peut-être plus surprenant est la volonté de Riad de le faire, surtout maintenant que les inquiétudes concernant le programme nucléaire iranien augmentent. Selon des rapports récents, l’Iran possède déjà de l’uranium enrichi à 83 %, soit près des 90 % nécessaires aux armes nucléaires. L’Iran, soit dit en passant, nie cette ambition. Mais Israël, les États-Unis et l’Arabie saoudite sont néanmoins profondément préoccupés.

Le ministre chinois Wang Yi (au centre) et le Négociateurs saoudiens et iraniens Musaed bin Mohammed Al-Aiban (g) et Ali Shamkhani (d) signent une déclaration vendredi à Pékin.
Photo Agence de presse saoudienne/Reuters

Le prince héritier Mohammed bin-Salman, le dirigeant de facto, spécule apparemment qu’il préférerait avoir l’Iran comme ami plutôt que comme ennemi. Riad ne s’en cache pas de ne plus compter entièrement sur le parapluie de sécurité traditionnel de Washington. Aux goûts saoudiens, Washington n’a pas fourni suffisamment d’aide après une attaque iranienne dévastatrice contre les installations pétrolières saoudiennes en 2019. Les États-Unis ont également hésité à agir lorsque les Houthis yéménites, qui sont soutenus par l’Iran dans leur guerre contre l’Arabie saoudite, ont lancé des missiles sur l’Arabie saoudite. les cibles ont commencé à tirer.

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Riad cherche depuis quelque temps de nouveaux alliés pour ne plus dépendre uniquement des Etats-Unis. La Chine, aujourd’hui le plus gros acheteur de pétrole saoudien, est le plus important d’entre eux. Au grand dam des États-Unis, l’Arabie saoudite travaille également en étroite collaboration avec la Russie – malgré la guerre en Ukraine – pour maintenir les prix du pétrole à un niveau élevé. Cette collaboration porte ses fruits. Dimanche, la compagnie pétrolière publique saoudienne Aramco a déclaré qu’elle réaliserait un bénéfice de 162 milliards de dollars en 2022.

Revers pour Israël

L’accord est également une mauvaise surprise pour Israël, qui venait d’espérer nouer des relations diplomatiques avec l’Arabie saoudite elle-même, comme elle l’avait déjà fait avec les Émirats, Bahreïn, le Maroc et le Soudan. Mais l’ennemi juré de l’Iran est maintenant devant Israël. Le Premier ministre Netanyahu a blâmé le gouvernement précédent, tandis que l’opposition a blâmé Netanyahu pour ce fiasco.

Selon des informations parues dans les médias américains et israéliens, l’Arabie saoudite serait toujours disposée à reconnaître Israël, à condition qu’il soit autorisé à lancer son propre programme nucléaire civil en échange – avec le soutien des États-Unis. Cependant, les chances d’un tel accord sont faibles.

L’importance de l’accord de Pékin n’est pas certaine. Cela dépend principalement de la réticence de l’Iran à soutenir les milices au Yémen (Houthis), au Liban (Hezbollah), en Irak et en Syrie, qui sont un casse-tête pour les autres pays de la région et les États-Unis. Mais l’Iran y voit un outil essentiel pour assurer son influence dans la région et pour sa sécurité. Téhéran n’arrêtera pas simplement son programme nucléaire non plus.



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