La Belgique est à la traîne en matière d’approche anti-blanchiment : « Notre pays est plus laxiste depuis un an et demi que ce que l’Europe demande »

Les banques belges sont tenues de signaler les transactions suspectes, par exemple si elles soupçonnent que de l’argent est déposé sur un compte bancaire qui pourrait avoir été gagné grâce à une fraude organisée. S’ils ne signalent pas le dépôt suspect, la banque peut être tenue pour responsable de blanchiment d’argent. L’obligation de déclaration ne s’applique actuellement qu’aux fraudes fiscales « graves », mais pas aux délits de fraude « ordinaires », de moindre envergure.

Si cela dépend de l’Europe, cela changera. Ou plutôt : cela aurait dû arriver il y a longtemps. Au plus tard le 3 décembre 2020, notre pays devait transposer en droit belge les nouvelles règles européennes contre le blanchiment d’argent. Ce n’est pas encore tout à fait arrivé. L’Europe a entre-temps engagé des poursuites contre notre pays, qui pourraient déboucher sur une condamnation devant la Cour de justice européenne.

Fraude maison-jardin-et-cuisine

Tout tourne autour de la distinction entre fraude « grave » et fraude « normale ». Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne ne veut pas que les banques et les comptables soient conjointement responsables de la fraude maison-jardin-et-cuisine. « Une banque ou un avocat qui accepte littéralement 1 euro d’argent noir ‘possible’ pourrait être poursuivi s’il ne le signalait pas », a déclaré Van Quickenborne.

Pour éviter une « chasse aux sorcières pour chaque contribuable », le ministre a tenté d’introduire une exception pour épargner les banques et certaines autres professions. Mais cela a été balayé par le Conseil d’État. Résultat : rien ne changera pour le moment. « En conséquence, notre pays a été plus laxiste que ce que l’Europe exige depuis un an et demi », explique le professeur de droit fiscal Michel Maus (VUB).

Or, le gouvernement fédéral veut lever 1 milliard d’euros d’ici 2024 pour lutter contre la fraude fiscale et sociale. Cela n’est réalisable que si la lutte contre la fraude est considérablement renforcée. Au sein du gouvernement, on s’agace de l’attitude d’Open Vld, qui traînerait trop en longueur. Par exemple, les libéraux se sont récemment opposés à un plan du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (cd&v). Il souhaitait donner plus de temps au fisc pour traiter les dossiers complexes de fraude. « Je ne comprends pas pourquoi les libéraux ne veulent pas donner le temps aux inspecteurs des impôts », a déclaré Van Peteghem.

1 milliard d’euros

Les fiscalistes ne s’accordent pas sur l’utilité des nouvelles règles européennes. Les partisans disent que les banques ne seront pas poursuivies si elles peuvent prouver qu’elles ont agi de bonne foi. Les opposants craignent que, par précaution, les banques fassent soudainement un nombre considérable de signalements au fisc.

« Ensuite, vous obtenez un tsunami de rapports qui ne peuvent de toute façon jamais être traités », explique Michel Maus. « Et puis le fisc a tellement de travail que de grands fraudeurs peuvent se glisser entre les mailles du filet. Une alternative consiste à dépénaliser la petite fraude. Mais vous ne pouvez jamais vendre cela politiquement : alors le gouvernement sera critiqué parce qu’il ne considère apparemment pas la fraude comme importante.



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