La Belgique a besoin de plus de travailleurs extra-européens, mais nous ne faisons pas travailler ceux qui sont là. Comment est-ce possible?

Entreprises et syndicats sont en parfait accord : c’est ce que nous voulons dans les années à venir la bonne personne pour le poste trouver, alors nous devons chercher les bonnes personnes en dehors de l’Europe pour de nombreuses autres professions. Mais en même temps, les migrants de l’extérieur de l’UE ne sont nulle part aussi difficiles à trouver du travail que dans notre pays. Comment résoudre cela ?

Stavros Kelepouris

Le marché du travail flamand a besoin de main-d’œuvre, et il le restera encore longtemps. Dans un conseil au gouvernement flamand, que rapporte jeudi ce journal, les entreprises demandent de pouvoir attirer plus facilement des personnes extra-européennes pour des dizaines de professions. Des couvreurs aux soudeurs en passant par les puéricultrices : sans plus de migration économique nous ne pourrons pas pourvoir les postes vacants, c’est clair.

Dans le même temps, un nouveau rapport d’UGent@Work, un groupe de recherche sur la politique du marché du travail à l’UGent, souligne pour la première fois un autre point douloureux belge : d’innombrables personnes en âge de travailler n’ont pas d’emploi et n’en recherchent pas . Plus d’un cinquième des 25-64 ans appartiennent à ce groupe « inactif ». C’est même un tiers parmi les 50-64 ans.

Les personnes venant de l’extérieur de l’Union européenne en particulier ont du mal à trouver du travail ici. Qui plus est : dans aucun autre pays européen, si peu de personnes de ce groupe travaillent. Seul un sur deux a un emploi. La Flandre peut présenter des chiffres légèrement meilleurs que Bruxelles ou la Wallonie, mais individuellement, elle fait encore moins bien que le reste de l’Europe.

Aucun concurrent

En bref: nous avons besoin de plus de travailleurs de l’extérieur de l’Europe, mais nous ne pouvons pas faire travailler ceux qui sont déjà là-bas. Comment est-ce possible?

« Il est indéniable qu’il existe encore un grand réservoir inexploité », déclare l’expert du marché du travail Stijn Baert (UGent). « Vous pourriez dire : séduire d’abord ces gens pour qu’ils se mettent au travail. Mais les deux groupes en question ne sont pas concurrents. La demande de migration économique se situe principalement dans les métiers en tension où l’on a souvent besoin de profils techniques très spécifiques. Nous n’avons pas ces profils en surplus et nous devrons de toute façon les rechercher en dehors de l’UE. Cela prend tout simplement trop de temps si nous devons soudainement recycler des gens pour qu’ils deviennent des ingénieurs, par exemple.

C’est également ce qu’affirme le Conseil consultatif sur les migrations économiques, qui a rédigé l’avis au gouvernement flamand : « Compte tenu de l’actuelle tension sans précédent et de l’inadéquation qualitative sur le marché du travail, une histoire à la fois est nécessaire en Flandre aujourd’hui. » L’augmentation de la migration économique ne devrait pas être une excuse pour ne pas essayer d’amener les inactifs à un meilleur travail.

Selon Baert, cela révèle également une lacune de notre politique migratoire. « Nous sommes en quelque sorte dans un cercle vicieux dans lequel la migration n’est pas une réussite socio-économique. L’explication réside dans les flux de migrants que nous attirons. Par rapport au Danemark, par exemple, nous nous préoccupons beaucoup plus des réfugiés et du regroupement familial. Cela explique en partie le niveau d’éducation de ce groupe de population. Quatre sur dix n’ont pas de diplôme d’études secondaires.

Difficultés structurelles

La question demeure : pourquoi les migrants extra-européens ont-ils tant de mal à trouver un emploi ici ? Il y a aussi de nombreux postes vacants pour les personnes sans diplôme. Étant donné que seul un petit pourcentage de ce groupe est réellement à la recherche d’un emploi, la réponse peut sembler évidente pour certains : parce qu’ils ne veulent pas travailler. Mais ce raisonnement ignore les nombreux problèmes structurels auxquels ce groupe est confronté. De nombreux indicateurs indiquent qu’il s’agit de bien plus que de la responsabilité individuelle.

« L’activation est beaucoup trop lente aujourd’hui », déclare Baert. « Nous avons relativement peu de demandeurs d’emploi. Mais ceux qui cherchent du travail mettent toujours beaucoup de temps à trouver un emploi. C’est vraiment bizarre. »

En d’autres termes, ceux qui veulent travailler ne trouvent pas toujours facilement un emploi immédiatement. Et cela devient encore plus difficile lorsqu’il s’agit de personnes qui sont encore victimes de discrimination en raison de leur origine. De nombreuses études montrent que les candidats portant un nom à consonance étrangère sont moins susceptibles d’être invités à un entretien – et donc moins susceptibles de décrocher le poste. Bien qu’il y ait aussi des signes que la discrimination dans notre pays a diminué ces dernières années.

De plus, parmi les migrants hors UE qui travaillent, quatre sur dix sont surqualifiés. Ce n’est que deux sur dix parmi les Néerlandais de souche. La Belgique n’est donc pas exceptionnelle d’un point de vue européen, mais le contraste est néanmoins saisissant. Cela indique également que les nouveaux arrivants ont structurellement plus de mal à trouver un emploi convenable.

Enfin, Baert pointe un autre problème : le travail doit clairement payer. C’est devenu un slogan politique qui peut être entendu de presque tous les partis ces jours-ci, mais dans la pratique, beaucoup de gens ont le sentiment qu’ils ne gagnent guère plus avec un emploi mal rémunéré qu’avec l’aide sociale. Cela n’aide pas à inciter les gens à chercher du travail.



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