« Là, au milieu de la rue, on s’embrasse avec enthousiasme et attente »

Nous partons pour un week-end et nous avons déjà prévu cela peu de temps après nos retrouvailles dans cet hôtel de chambre de jour à Zutphen. Nous savions alors que nous ne pourrions pas nous voir souvent. Lui parce qu’il dort dans la chambre d’amis de son père, où il ne peut pas me voir. Moi dans la maison de ma fille où je ne veux le rencontrer pour le moment que si ma fille n’est pas là pour une nuit. Nous n’avons tout simplement pas l’argent pour un week-end chaque semaine. Alors déjà on s’est fixé la perspective d’une maison ensemble cet été, d’un peu de romantisme et puis tout un week-end ensemble, du vendredi après le boulot jusqu’au lundi tôt le matin.

Nous avons fantasmé sur WhatsApp ce que nous imaginions : une douce maison, en pleine nature, loin de la vie normale et, surtout, loin des autres. J’ai trouvé une jolie petite maison entre les roseaux dans le Weerribben, je lui ai envoyé et il a réagi comme je ne m’y attendais pas du tout.

JE: Pensez-vous que cette maison est quelque chose pour un week-end ensemble?

Une demi-heure plus tard. Il: J’ai réservé.

Tu vois, j’aime ça secrètement !

Et maintenant qu’il est presque l’heure, il m’envoie un e-mail indiquant à quelle heure nous pouvons arriver. Et là nos noms sont si doux l’un à côté de l’autre pour la première fois : Cher M. X et Mme Hoogendoorn. Même à notre âge, vous vous évanouissez toujours à ce premier regard, nous sommes un couple.

La nuit avant de faire mon sac. Je dois travailler demain à la première heure. Puis je roule vers lui puis nous continuons ensemble.

Il: J’ai trouvé mon maillot de bain dans un sac poubelle que j’avais ramené de chez moi et que je n’avais pas encore déballé. J’ai l’impression de partir en vacances. Je me souviens à peine de la dernière fois. Ma future ex-femme n’aimait pas quitter la maison.

JE: Vous êtes si doux. Nous allons en faire des jours merveilleux. Notre première sortie ensemble. C’était des maillots de bain pour nager ou pour faire du canoë ?

Il: Ça peut être les deux, mais nous n’avons rien à faire même si c’est possible. C’est la bonne chose, que nous voyons cela.

JE: Merveilleuse toute cette anticipation, cher étranger. J’ai hâte de tout ce qu’on attend ensemble et j’ai surtout hâte de beaucoup rire avec toi. Je vais vous lire du va-et-vient du loup Puk et le Petteflet car curieusement j’ai toujours pensé que le Weerribben était une réserve naturelle constituée par Annie MG Schmidt. Mais ça existe vraiment. Je ne le saurai qu’à soixante ans !

Il: je vais te lire Vurrukkullukl’un de mes favoris d’adolescence, pour le style, l’esprit et le génie des blagues d’orthographe de Campert (Cjoe-win-k’um).

JE: je vréjouir!

Je peux soudainement me sentir si humble à cause de lui. Je sais que je peux être un snob urbain, le genre qui joue le «voyageur expérimenté», qui ne ferme pas les yeux sur un changement rapide de vêtements, des articles de toilette et un livre dans un sac de voyage et c’est parti. Il est juste nerveux et là où je pense : je verrai tout demain soir, il rapporte tout au long de la journée à quel point il est excité d’y aller. Que la maison est si belle. Il envoie des vues de rue. Qu’on peut faire du café dans une machine Nespresso et qu’il y a un autre lit box à côté de la chambre principale pour que je puisse dormir dans le lit box si je ne peux pas dormir à côté de lui, ce qui n’est arrivé qu’une seule fois jusqu’à présent. Ou lui. Nous verrons. Est-ce que j’ai aussi envie de faire du canoë ? Et pour nager. Et faire du vélo. Que nous allions faire du shopping dans le village. Qu’il y ait un café avec une très belle terrasse sur l’eau. C’est tellement gentil qu’il dit tout ça aussi. Je décide de laisser la grande fille de la ville à la maison ce week-end et d’en profiter au maximum.

Vendredi à la fin de la journée, je conduis jusqu’à son village, où j’habitais. C’est la première fois que je reviens. Je fais un détour par mon ancienne maison. Mon cœur bat la chamade, car j’ai caché mes années d’enfance dans un endroit sombre. Malgré toutes les années qui se sont écoulées depuis que mes parents ont quitté précipitamment le village lorsque l’entreprise de mon père a fait faillite et que nous avons dû laisser cette vie derrière nous. C’est agréable de sentir maintenant à quel point c’était bien ici avant que ces misérables années de perte et d’abandon ne commencent.

De l’avenue de mon enfance je roule jusqu’au quartier de son père. Le quartier avec le plus grand appartement-galerie des Pays-Bas. Je n’avais jamais l’habitude d’y aller. Je ne trouve pas non plus son appartement. Je gare ma voiture et l’application ‘où es-tu ?’ Heureusement, il connaît le chemin et me guide. Je dois aller du côté impair, alors que je suis aux nombres pairs. Puis je le vois debout, heureux. Avec son sac de voyage et une grande balançoire. Je me gare, sors et disparais dans ses bras. Là, au milieu de la rue, nous nous embrassons avec enthousiasme et attente.

J’ai laissé tomber que dans mon monde l’homme conduit quand vous partez ensemble. Je conduis car il n’a pas de permis de conduire. La grande fille de la ville est partie. Il rentre. Met sa main haut sur ma jambe et la laisse là jusqu’à ce que nous arrivions à la maison de Weerribben une heure et demie plus tard.

Charlotte Hoogendoorn (59 ans) était rédactrice en chef de L’heure du café, divorcée il y a douze ans et vit avec sa fille (18 ans) à Watergraafsmeer à Amsterdam, lorsqu’elle tombe éperdument amoureuse de son premier amour d’il y a 43 ans. Elle écrit à ce sujet dans sa série hebdomadaire « Le vieil amour ne rouille pas » sur Libelle.nl.



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