Jour J pour les mosquées turques en Flandre : le dépistage des interférences à un moment crucial

Des conséquences financières au retrait de leur reconnaissance. Un dépistage de 12 mosquées Diyanet reconnues peut révéler une ingérence d’Ankara en Turquie, mais cela peut aussi avoir des conséquences considérables. Et cela juste pendant les élections turques. « Peut-être vaut-il mieux qu’Erdogan ne soit plus élu. »

Bruno Struys

Alors que des dizaines de milliers de citoyens dans toute la Flandre vont voter pour les élections en Turquie, les politiciens flamands envisagent une ingérence turque dans notre région. Derrière des portes closes, le Parlement flamand aura un aperçu de la projection de 12 mosquées pour la communauté turque avec nous mardi. Ce sont des analyses du nouveau service de dépistage flamand. L’OCAD et la Sécurité de l’État décriront le contexte plus large.

Il est prévu que le ministre flamand de l’Intérieur Bart Somers (Open Vld) annoncera également une décision concernant ces mosquées immédiatement après. Après des années de sécheresse sous son prédécesseur Liesbeth Homans (N-VA), Somers a rendu possible de nouvelles reconnaissances. Non seulement les communautés religieuses islamiques, mais aussi certaines églises orthodoxes et protestantes attendent d’être reconnues. Dans le même temps, Somers a introduit une interdiction de l’ingérence et du financement étrangers. Il a mis en place un service de dépistage pour vérifier cela.

La Flandre reconnaît actuellement 1 700 communautés religieuses, dont 24 sont des mosquées. La moitié de ces mosquées appartiennent à Diyanet, une organisation belge à but non lucratif liée au ministère turc des Affaires religieuses du même nom. Ces dernières années, il y a eu des indications que des imams turcs ont transmis des informations sur les croyants belges et leurs affiliations politiques à Ankara. Les politiciens turcs avaient l’habitude de venir dans les mosquées flamandes pour recueillir des votes lors des élections.

Dans quelle mesure le Diyanet belge est-il indépendant du Turc ? Et dans quelle mesure y a-t-il une ingérence de la Turquie dans nos mosquées ? Pour clarifier cela, Somers a ordonné une projection des 12 mosquées Diyanet déjà reconnues en Flandre.

Symbolisme

La mosquée Fatih de Genk en fait partie. En échange de la reconnaissance, il reçoit un soutien financier. « La province paie 70 % des frais de location du bâtiment, d’électricité et de chauffage », explique Ilyas Sünbül, président de la mosquée Fatih de Genk. « Mais plus que ce soutien financier, nous nous soucions du symbolisme d’une telle reconnaissance. »

Selon le ministre Somers, le fait qu’environ la moitié des mosquées Diyanet en Flandre demandent à être reconnues montre la forte volonté de s’enraciner en Flandre. Pourtant, il y a plusieurs raisons pour lesquelles les choses ne se présentent pas bien pour eux, même si le rapport de dépistage est encore secret.

Pour commencer, il y a la dépendance des mosquées au dôme belge Diyanet. Il est propriétaire des bâtiments, comme la mosquée Fatih à Genk. L’organisation faîtière ne compte pas moins de 27 millions d’euros de biens immobiliers dans ses derniers comptes annuels publiés.

Les statuts des mosquées individuelles stipulent qu’elles sont « subordonnées » au dôme de Diyanet. Les irrégularités doivent être signalées à Diyanet Belgium et avant de nommer un imam « l’approbation doit toujours être demandée à Diyanet Belgium ». Habituellement, cet imam est un fonctionnaire turc. Dans le cas de la mosquée Fatih de Genk, elle a été financée par l’ambassade de Turquie.

La faîtière belge insiste de plus en plus sur son indépendance vis-à-vis du ministère turc, mais cela est difficile à justifier. Les membres statutaires de cette organisation à but non lucratif, une « association internationale », occupent ou ont occupé des postes importants au sein du ministère turc de la Diyanet.

L’objectif officiel de Diyanet Belgique est « d’informer la communauté turque de Belgique sur la véritable identité turque et l’islam turc ».

Détacher

Tout cela rend très peu probable que les services disent aux parlementaires mardi soir qu’il n’y a aucune ingérence de la part de la Turquie. Somers doit alors en tirer les conséquences : un rappel, un retrait des ressources financières ou un retrait temporaire ou définitif de la reconnaissance.

Il y a aussi 21 mosquées du réseau Diyanet qui sont en procédure accélérée de reconnaissance. Si la conclusion est négative pour toutes les mosquées Diyanet reconnues, cela les affectera également. Le parapluie Diyanet conteste déjà le décret de reconnaissance devant la Cour constitutionnelle.

Pendant ce temps, plusieurs mosquées sont en pourparlers avec Diyanet pour se déconnecter. Par exemple, la mosquée Fatih de Genk négocie avec Diyanet pour obtenir désormais le bâtiment de la mosquée en bail emphytéotique. « La question suivante est de savoir si notre imam peut démissionner en Turquie et ensuite être employé ici », explique Sünbül.

Pourtant, il n’a pas un bon œil sur le règlement avec le gouvernement flamand. « Je pense que le plus gros problème est Erdogan (l’actuel président turc, BST), peut-être que les choses iront mieux s’il n’est plus élu », dit Sünbül.

Pour la Flandre, c’est un exercice d’équilibriste. D’une part, il ne veut pas soutenir les communautés religieuses qui permettent l’ingérence étrangère, mais le retrait de la reconnaissance ne fera que pousser davantage ces communautés religieuses vers le financement étranger. Actuellement, la Flandre et les autorités locales dépensent 72,6 millions d’euros pour les communautés religieuses, dont seulement 1,13 % pour les communautés islamiques.

« Avec le décret de reconnaissance, la Flandre opte pour des règles claires et le dialogue », déclare le ministre Somers, qui ne veut pas anticiper la décision. Le président de Diyanet Belgique est actuellement en Turquie pour une œuvre caritative dans la région touchée par le tremblement de terre et ne souhaite pas faire de commentaire.



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