Jorge Martí, dans l’enfer de la conciliation, élevé au cube


Nous savons que de nombreux groupes du pays, comme Los Punsetes, ne finissent pas de vivre de leur musique. Nous savons que beaucoup d’autres vivent sur une corde raide ou dans l’incertitude bien avant la pandémie. Et puis il y a la chambre rouge. La vie de son chef Jorge Martí était déjà objet d’un documentaireet voilà qu’il a publié son autobiographie, sachant que le sujet allait se donner.

Encouragé par ces musiciens qui vendent actuellement plus de livres que de disques, de l’Autobiographie de Morrissey au roman de Zahara, « Ultimate Love Song » a été publié cette année par Penguin. Le livre commence comme une histoire d’amour très, très savoureuse. Quand dans ses premières pages, les amoureux écrivent « je t’aime » sur une vitre embuée le jour même de leur rencontre, j’aurais juré qu’il ne tiendrait pas ses 440 pages. Heureusement, ça revient immédiatement et il s’avère que ‘Ultimate love song’ fonctionne à plusieurs niveaux.

En premier lieu, comme un témoignage d’artiste « de l’autre côté ». Si vous lisez ceci, vous êtes probablement un fan de The Red Room. Dans ce livre, vous pourrez découvrir de première main quelques curiosités sur sa discographie et comment les choses fonctionnent dans l’industrie de la musique indépendante espagnole lorsque les projecteurs des festivals les plus massifs s’éteignent.

Avec une prose très simple mais agile, Jorge Martí parle des premiers pas passionnants, de ce moment où il semble qu’ils vont faire un pas de géant, de l’hypothèse et de la conscience qu’un tel saut n’aura pas lieu, et tout les hauts et les bas entre les deux. Les railleries ne manquent pas contre leur ancien label Mushroom Pillow, qui était tellement engagé envers eux mais, par exemple, n’a pas vu venir le potentiel de « Indestructibles ».

Mais il y a plus. Le jamacuco que Jorge Martí a donné à l’époque a été communiqué, ce qui a nécessité son hospitalisation et l’annulation de spectacles, commenté à un moment donné a été la maladie de sa femme, et aussi, bien que jamais avec assez d’emphase, l’authentique enfer de voyager en voiture, en train ou avion que notre protagoniste a dû faire pour concilier sa vie personnelle et professionnelle. Eh bien, avec les deux professionnels.

Infirmière le jour, musicienne la nuit, à mi-chemin entre la Norvège et l’Espagne, ‘Definitive love song’ est une histoire poignante sur la façon dont tout musicien de notre pays doit gagner sa vie, en l’amenant à l’extrême. Parce que nous ne parlons pas de voler de Madrid à Oslo de temps en temps, mais de voyager fréquemment de Valence à une ville éloignée de Norvège, parfois par la route. C’est ce qu’on appelle l’amour de la musique et de la famille.

Troisièmement, l’autobiographie de Jorge Martí est aussi le récit brutal d’une figure quelque peu démodée des médias : l’homme hétéro d’une quarantaine d’années. L’auteur n’hésite pas à parler de ses problèmes sexuels durant son adolescence ou même à l’âge adulte ; il vit avec honte lorsqu’un patient le reconnaît comme le chef de La Chambre Rouge ; Il ne sait pas comment gérer les problèmes de communication dans le groupe qu’il dirige lui-même… Pour diverses raisons, que vous soyez fan ou non, vous ne vous êtes probablement jamais senti aussi proche de lui.

‘Definitive love song’ est présenté ce vendredi 6 mai au festival du documentaire Quai de la baieà Saint-Sébastien.



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