Joël Dicker avec Alaska Sanders évoque les fantômes du passé


37 ànni en juin, Joël Dicker avec sa biographie représente bien la génération Millennials, notoirement capable de faire face à l’échec avec flexibilité, de l’utiliser comme un aiguillon vers le succès et de contre-attaquer avec une pensée latérale. Dans son cas, en effet, le boom des ventes n’est venu qu’après avoir reçu une kyrielle de non, avec plusieurs manuscrits rejetés et la peur de ne pas pouvoir trouver sa voie.

Joël Dicker est né à Genève. Ses livres, traduits dans 25 pays, se sont vendus à 12 millions d’exemplaires dans le monde. Photo: Anoush Abrar

Les cas de Joël Dicker

L’écrivain genevois (de sang italien, puisque sa grand-mère était de Trieste) s’est fait connaître dans le monde entier lors de sa sortie en 2012 La vérité sur l’affaire Harry Quebertun thriller déductif devenu un best-seller record. Vient maintenant la suite de ce roman impressionnant : L’affaire Alaska Sanders (Le Navire de Thésée). En arrière-plan du roman, on retrouve les villages apparemment calmes et sereins de la Nouvelle-Angleterre, qui, comme dans un tableau de Hopper (un peintre très aimé de Dicker), cachent secrets et malaises. RÉ.au meurtre d’une belle et bonne fille, le genre que tout le monde aime, une histoire se déroule en boule, à dissoudre sur 624 pages. Ils sont impliqués dans l’enquête, 11 ans après la découverte du corps de la jeune femme au bord d’un lac, Le sergent Perry Gahalowood et son ami écrivain Marcus Goldman. Le même que – pour ceux qui ont lu La vérité sur l’affaire Harry Quebert – avait précédemment enquêté sur la mort mystérieuse de Nola Kellergan. Entre retournements de scène continus, sauts entre passé et présent et fouille psychologique minutieuse chez des hommes et des femmes qui montrent au monde un masque bien construit pour couvrir un gouffre noir.

L'affaire Alaska Sanders de Joël Dicker La Nave di Teseo pages 624, euro 22

L’affaire Alaska Sanders de Joël Dicker, Le navire de Théséepages 624, 22 €

Sweat à capuche gris Millennial et lunettes rondes John Lennon, voici ce que nous a dit l’auteur via Zoom.

Pourquoi a-t-il attendu si longtemps pour écrire la suite de La vérité sur l’affaire Harry Quebert?
La vérité est que j’ai toujours su que je voulais écrire le reste du livre, mais j’ai aussi senti que je devais le faire une fois qu’il était prêt. Je devais laisser passer un temps physiologique et ne pas me forcer à aller de l’avant. Entre-temps, j’ai expérimenté d’autres livres.

Le choix des États-Unis

L’affaire Alaska Sanders se déroule également aux États-Unis. Un stratagème pour se détacher de sa réalité ?
C’est vrai. J’ai souvent raconté – et certainement pas pour me plaindre – mes échecs initiaux et les non que j’ai recueillis. Avec le recul, je me suis rendu compte que j’avais besoin d’être moins autoréférentiel : dans les premiers romans, presque tout partait de ma biographie. La décision de se déplacer outre-mer dans l’espace a également représenté un tournant important. Et puis je me suis dit : ce que j’aime, en tant que lectrice (et je lis beaucoup !), c’est la fiction, l’histoire inventée, l’histoire qui permet de s’évader, de se sentir immergé dans un lieu et dans une ambiance à la point d’oublier que vous êtes dans le salon. J’ai donc commencé à écrire en jouant avec mon imagination et en m’éloignant de moi-même.

L’écrivain principal Marcus Goldman est-il très différent de vous ?
La réponse est oui et non. Quand j’ai commencé à écrire, Marcus était à bien des égards le même que moi. Puis j’ai décidé de lui donner un autre âge, environ 10 ans de plus que mes 26 ans à l’époque. A l’époque cela me paraissait déjà une différence personnelle très importante, vous savez comment sont perçus les plus de 35 à 20 ans ! Mais surtout Marcus est un écrivain qui connaît la gloire et le succès, alors qu’à l’époque j’étais tout sauf un auteur reconnu. En ce sens j’ai fait un grand effort d’imagination. Mais même maintenant que les ventes sont censées me réconforter, je n’ai jamais l’impression de l’avoir fait. Chaque livre est une inconnue et un défi : rien de garanti. Mais c’est aussi ce qui me donne de l’adrénaline et l’envie de m’essayer.

Les dix livres les plus vendus de 2021 : trois auteurs sur le podium

Les dix livres les plus vendus de 2021 : trois auteurs sur le podium

Joël Dicker en quête d’inspiration

De quelle étincelle est parti ce roman ?
Je dirais d’une sensibilité particulière visant tout ce qui m’entoure. Quand je sais que je veux écrire un roman, chaque détail de la vie quotidienne devient soudain très important, de la lecture d’un journal à la confidence à des amis. Marcus admet qu’il a connu la célèbre anxiété du blocage de l’écrivain ou de la page blanche.

Cela lui est-il arrivé aussi ?
Je n’ai pas tellement de problème. Ce avec quoi je me bats, c’est de devoir, à un certain moment de l’œuvre, choisir quelle voie suivre, quelle intuition se laisser aller parmi la multitude. C’est comme si j’étais sur une table avec plein d’idées alléchantes, prêtes à être utilisées et que je devais faire le choix final.

Au final, il choisit. Et il garde l’attention pour un énorme 624 pages.
Bon, sachez que de ma part il y a l’intention de devenir auteur de romans courts (éclats de rire, éd). Je suis convaincu de la règle du « moins c’est plus », mais ensuite je me laisse submerger par l’intrigue, les personnages, les implications possibles, et je ne peux pas reculer. C’est comme si je voulais me donner avec la plus grande générosité à mes lecteurs, donc je ne m’impose pas de limite et je finis par atteindre ces longueurs. Je pense à ma grand-mère de Trieste : à table, elle adorait me dorloter en servant de nombreuses spécialités, délibérément abondantes. J’ai l’impression de faire pareil. Cela dit, j’admire la capacité d’écrivains comme Ernest Hemingway ou John Steinbeck à condenser les émotions, la beauté et le contenu en un peu plus de 100 pages. Je pense à Le vieil homme et la mer ou Des hommes et des souris et je me dis qu’un jour j’aimerais arriver à ce résultat de synthèse et de complétude.

Quand vous écrivez, savez-vous où cela ira dès le départ ?
Bien au contraire, je ne pourrais jamais partir d’un schéma préétabli. Ce que je fais, c’est choisir en cours d’écriture : je me laisse guider, j’explore et je suis le premier à être curieux de savoir où cela va me mener.

Apparemment, Alaska Sanders est une fille douce, belle et ensoleillée. Des secrets inquiétants surgiront alors.
Ceux qui l’ont connue la décrivent comme une fille avec quelque chose de spécial, une lumière, une positivité, mais aussi une capacité innée à naviguer dans la vie sans effort. Peu à peu, on en découvre un côté beaucoup moins clair. Ce n’est pas un choix au hasard : je pense souvent à la cage d’Instagram, où l’on nous demande implicitement et dans l’urgence de ne montrer que le meilleur de notre vie et de notre apparence physique. Je pense que ce mécanisme est épuisant à la longue et conduit à des distorsions. Alaska, tout en vivant bien avant Instagram, puisqu’il est mort à la fin des années 90, représente cette duplicité. Pour tout le monde, elle est la belle fille avec un avenir réussi déjà écrit. En fait, comme nous tous, il a ses propres drames et insécurités.

Recevez des nouvelles et des mises à jour
au dernier
tendances beauté
directement dans votre courrier

Aujourd’hui il a aussi un nouveau métier, celui d’éditeur avec la maison d’édition Rose et Loup.
Un projet qui se veut un hommage à celui qui a cru en moi depuis le tout début, Bernard de Fallois. Il est parti aujourd’hui, mais avec cette maison d’édition j’espère pouvoir saisir son héritage, stimuler l’envie de lire et d’écrire. Marzia Nicolini

iO Donna © REPRODUCTION RÉSERVÉE



ttn-fr-13