« Je personnifie une version contemporaine du libertin cynique : je n’aime qu’une seule femme et je suis abandonné par elle » explique le très enthousiaste acteur français devenu célèbre avec "Le serpent"


LAn L’Italie attend le retour de Casanova par Gabriele Salvatores, en France le don Juan par Serge Bozon. Encore? En 2022 ? Après #MeToo, est-ce vraiment logique de remettre en cause le mythe des grands séducteurs ? « Mais mon Don Giovanni est le plus contemporain qu’on puisse imaginer ! Un acteur qui n’aime qu’une seule femme et qui est abandonné le matin de son mariage pour un regard de trop sur un passant. À partir de ce moment, il voit la « femme disparue » dans tous ceux qu’il rencontre, il n’arrive pas à la sortir de sa tête, il est obsédé par elle» précise un Tahar Rahim d’excellente humeur.

Fraîchement sorti des succès de Le mauritanien avec Jodie Foster et de la série Netflix Le serpenten attendant a déjà tourné Extrapolations pour Apple TV+ avec Meryl Streep, Napoléon de Ridley Scott avec Joaquin Phoenix et est maintenant sur le tournage de Madame Web avec Dakota Johnson, encore une autre histoire de super-héros d’une bande dessinée Marvel. Sans compter – une petite satisfaction narcissique/économique – qui vient de devenir le témoignage d’un parfum (Pour un homme de Caron), comme Brad Pitt, Johnny Depp, Robert Pattinson…

La formule du succès de Tahar Rahim

« La sincérité, la générosité et surtout le travail» : C’est ainsi que Rahim explique la « formule secrète » de son succès, de son parcours inimaginable quand – adolescent élevé à Belfort, en Bourgogne, dans une famille nombreuse d’immigrés algériens – comme satisfaction maximale il se réfugiait tous les jours au cinéma. Prenant à cœur le destin des personnages : « ‘J’ai absorbé’ les films, là est né le désir de ‘les habiter’. Quand Belmondo dans Joss le pro meurt, je pensais qu’il était vraiment mort. Les larmes ont coulé et ma mère a dû me réconforter : « T’inquiète pas, c’est de la fiction ! ».

Tahar Rahim avec Virginie Efira dans une scène de Don Juan de Serge Bozon.

Son Don Giovanni pleure aussi.
C’est l’aspect qui m’a le plus attiré : quand arrive-t-il de voir un homme souffrir d’amour à l’écran ? Et que c’est lui, un coureur de jupons… En réalité ce libertin cynique a toujours été une figure négative : ni Tirso de Molina ni Molière (le dramaturge et dramaturge qui l’a rendu célèbre, ndlr) ni Mozart (qui l’a rendu immortel avec son travail, ndlr) avait l’intention de l’exalter. A un certain moment – on ne sait pas comment – il est devenu cool, quoique pas cool du tout : il représente le prototype d’une masculinité toxique.

Ni de grande masculinité : sa compulsion de conquête, selon diverses théories psychanalytiques, cacherait une insécurité, un besoin pathologique de confirmation et, peut-être, une homosexualité latente.
(rires) Je ne voudrais pas trop approfondir le sujet de l’ego masculin, deux jours ne suffiraient pas à le décortiquer… Et, de toute façon, je n’ai pas la présomption de savoir exactement ce que c’est que de donner un définition appropriée. Combien serons-nous sur terre, trois milliards et demi ? Impossible de généraliser !

Don Giovanni uniquement pour la fiction

Avez-vous déjà été un Don Giovanni dans votre vie ?
Non. Et de toute façon, j’ai rencontré ma future femme assez jeune (l’actrice Leïla Bekhtison collègue de Le prophète de Jacques Audiard, le film qui l’a lancé en 2009, ndlr).

Ça a dû être difficile de se mettre à la place de quelqu’un qui ne lui ressemble pas.
En fait, il m’a fallu du temps pour trouver une clé pour me faire passer pour lui. Au final, j’ai décidé de partir du fait qu’il est acteur et qu’il risque de confondre réalité et fantasme. J’y suis allé avec le souvenir de l’époque où je rêvais encore d’agir et je me suis « entrainé » en m’imaginant dans les situations les plus diverses. Je me suis souvenu de nombreuses histoires de collègues qui ne peuvent pas sortir d’un côté.

Tahar Rahim dans Don Juan de Serge Bozon.

Cela ne vous arrive-t-il pas ?
Je ne me perds jamais dans le personnage, je sais très bien qui je suis quand je rentre chez moi et que je me regarde dans le miroir. Parfois, quelques-uns peuvent me coller – je ne sais pas comment définir cela comme une humeur, mais pas pour longtemps, trois semaines au maximum, comme dans le cas de La Mauritanienne. Mais ce n’était pas n’importe quel film, c’était une histoire vraie : la force et la grandeur de Mohamedou Ould Slahi (l’ingénieur mauritanien après le 11 septembre détenu – et torturé – à Guantanamo pendant 14 ans, avant que son innocence ne soit reconnue, ndlr) m’ont enrichi en tant que personne. C’était un cours intensif d’apprentissage existentiel.

Et avez-vous appris quelque chose de ce nouveau travail ?
J’ai appris à chanter (rires) ! Ça ne me vient pas naturellement, je suis quelqu’un qui ne gazouille pas même sous la douche ! En fait je l’avais déjà essayé dans la série Damien Chazelle (Le tourbillon sur Netflix, ndlr) : c’était du jazz et ça n’avait pas été facile du tout, mais là ça s’est avéré encore plus complexe. Il est difficile de définir le genre des chansons, il n’y a pas de mélodie : dans certains passages les protagonistes au lieu de parler… chantent. J’ai pris cours sur cours, mais – quand on a maîtrisé la technique – il reste du chemin à parcourir : il ne suffit pas de bien prendre les notes, il faut transmettre des émotions. J’ai regardé et revu les vidéos des chansonniers que j’aime le plus : Jacques Brel et Charles Aznavour. Ils ont certainement transmis des sentiments avec des mots.

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Dans son cas, cela transmet également quelque chose de plus que du sentiment. Adam Bessa, le jeune protagoniste tunisien de Harkaau Festival de Cannes, elle a dit qu’elle était une source d’inspiration.
(sourit gentiment) Quand je reçois des compliments de ce genre, je suis content : je me sens plus qu’un acteur parce que je peux être utile. Au début, je voulais tellement que quelqu’un me montre le chemin, me soutienne… Malheureusement, j’ai dû tout découvrir par moi-même. A l’époque du Prophète j’avais peur, je venais d’études universitaires en cinéma et de quelques expériences, je ne savais pas comment bouger : j’étais entourée d’amour par ma famille et mes amis, oui, mais je ne savais pas personne de l’environnement avec lequel je me confronte. C’était un peu dur… Attention : je reverrais tout ça deux fois, hein ! (des rires)

L’amour puis la famille

Comment a-t-il changé, surtout, depuis ?
Je ne suis plus un garçon, je suis un père (il a trois enfants âgés de cinq, deux et un an, ndlr) ! Mais je n’oublie pas ce garçon, je le porte avec moi tous les jours.

Tahar Rahim dans le rôle de Charles Sobhraj dans la série Netflix The Serpent – (C) Mammoth Screen Ltd – Photographe : Roland Neveu

Et que signifie agir aujourd’hui ?
Comportez-vous comme une star ! (rires de bon cœur) Je dirais que d’obsession ça s’est transformé en passion saine et qu’être têtu à changer de rôle tout le temps, ne pas me répéter m’a récompensé : maintenant je peux me permettre le luxe de choisir parmi un large éventail.

Son anglais est impeccable.
Je le parlais déjà assez bien quand j’allais à l’école, mais le saut de qualité est venu en 2017 quand j’ai tourné La tour imminente (la série – en streaming sur Amazon Prime Video – tirée de l’essai du prix Pulitzer de Lawrence Wright sur Al-Qaïda et le 11 septembre, ndlr) : Je devais atteindre le niveau de celui qui est né et a grandi en Amérique. J’ai travaillé des heures, des heures et des heures avec une coach devenue femme de ménage. Il est décédé l’année dernière, c’était un homme bon (la rumeur craque).

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Pourquoi pas? En tant que spectateur, je m’amuse avec Les Vengeurs! Ne parlions-nous pas de ce petit garçon que je porte toujours avec moi ?

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