De Julian, trois mois, lève un regard curieux lorsque Sarah Vanden Bremt (41 ans) vient le chercher. «En effet, il a perdu un peu de poids», conclut la sage-femme qui travaille comme indépendante au cabinet Wheel of Care. Sa mère polonaise Kasia (34 ans) reçoit quelques conseils pour aider le petit Julian à boire plus longtemps. La complicité confidentielle entre Kasia, Sarah et le petit Julian est frappante. «Je suis très reconnaissante d’avoir découvert cette pratique», déclare Kasia.
Même peu de temps après sa naissance, la mère était inquiète car Julian mangeait à peine et perdait du poids. «J’ai pu rendre visite à Sarah immédiatement. Elle a lié son manque d’appétit à d’éventuelles tensions dans son corps après un accouchement difficile, auxquelles je n’aurais jamais pensé. Après une visite chez l’ostéopathe, le problème a été résolu immédiatement. C’est l’avantage : je peux lui envoyer un message et je sais que je serai rapidement aidé.»
La Flandre compte environ 1.100 sages-femmes indépendantes. Ils jouent un rôle important dans le paysage des soins de santé, tant pendant la grossesse, l’accouchement que dans les premiers mois qui suivent. Ce rôle est devenu encore plus important depuis que les femmes sont renvoyées chez elles trois jours seulement après avoir accouché.
Mais le mécontentement couvait depuis quelques temps dans le secteur. Il n’existe pas de chiffres précis, mais l’Organisation professionnelle flamande des sages-femmes (VBOV) constate qu’un nombre croissant de sages-femmes travaillent comme salariées dans un hôpital ou exercent même un autre emploi. «En tant que sage-femme, vous avez une grande responsabilité, tant envers la mère que envers l’enfant», déclare Marlene Reyns, présidente de l’Organisation professionnelle flamande des sages-femmes (VBOV). «Si une rémunération correcte n’est pas assurée année après année, elle peut soudainement suffire à quelqu’un. À Bruxelles, par exemple, on constate déjà une pénurie de sages-femmes indépendantes.»
Pour de nombreuses sages-femmes, ce métier n’est rien de moins qu’une vocation, pour laquelle elles ont également suivi une formation très spécifique. Ils hésitent donc à quitter leur emploi. «Créer mon propre cabinet de sage-femme était un rêve dont je rêvais depuis des années», explique Demi Renders (28 ans), qui a travaillé comme indépendante pendant six ans. En 2019, elle a réalisé ce rêve.
Mais elle a vite découvert à quel point il est difficile de joindre les deux bouts en tant que sage-femme indépendante. « Le RIZIV facture une heure par visite à domicile. Mais bien sûr, ces visites à domicile prennent plus de temps, car vous êtes souvent le premier prestataire de soins que les familles voient après l’accouchement. Nous effectuions sept à huit visites à domicile par jour. Et cela vous laisse quand même moins de 2 000 euros nets, si vous souhaitez tout de même un certain équilibre avec votre vie privée.»
Le manque d’appréciation financière a commencé à devenir de plus en plus important après un certain temps. Ils ont envisagé de raccourcir leurs visites à domicile, de mettre fin à leur propriété ou de ne plus suivre les tarifs RIZIV. Mais Renders n’a finalement eu d’autre choix que de fermer son cabinet au début de l’année dernière. « J’ai pleuré ça pendant longtemps. C’était l’œuvre de ma vie, dans laquelle j’ai également investi beaucoup d’économies. Mais aujourd’hui, je pense que je ne voudrais finalement pas y retourner. Je ne veux pas donner ma vie entière pour un si maigre salaire.»
‘Incompréhensible’
Quelque chose a changé sous le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit). Entre 2019 et 2024, le budget des sages-femmes est passé de 31,5 millions d’euros à 50,55 millions d’euros. Par ailleurs, l’année dernière, il a débloqué un million et demi d’euros pour une meilleure protection sociale et une indemnisation du travail de week-end.
Pourtant, les sages-femmes ont toujours le sentiment de ne pas être payées pour leur travail. «Nous recevons 43 euros brut pour une visite à domicile», précise Sarah Vanden Bremt. « Si vous faites installer une machine à laver, vous dépenserez deux fois plus. » En octobre, cette frustration a atteint un nouveau plus bas. Ensuite, le RIZIV, les caisses d’assurance maladie et les représentants du secteur de la santé sont parvenus à un accord sur la proposition de budget pour 2024. Mais contre toute attente, un trait a été tiré à la fin avec 7 millions d’euros de soutien supplémentaire aux sages-femmes. Le cabinet Wheel of Care n’avait d’autre choix que de ne plus travailler aux tarifs conventionnels.
Selon la députée flamande Celia Groothedde (Verts), il est « incompréhensible » que les sages-femmes ne reçoivent pas une rémunération correcte. « Il s’agit d’une question d’humanité et c’est économiquement plus bénéfique. Les sages-femmes peuvent fournir des soins accessibles et efficaces sans passer par des hôpitaux surchargés. Mais il faut ensuite veiller à ce que ces sages-femmes veuillent continuer à exercer leur profession.»
Selon Vandenbroucke, des travaux sont actuellement en cours pour fournir des conseils aux femmes avant et après l’accouchement. Une partie des onze millions qu’il y consacre ira aux sages-femmes. Mais de nombreux cabinets n’ont pas le luxe d’attendre que cela soit terminé. «Nous espérons que cela sera bientôt plus clair», déclare Marlene Reyns de l’association professionnelle VBOV. L’année dernière, une sage-femme sur dix a décidé de ne plus suivre les tarifs conventionnels. « Si les sages-femmes ne constatent pas d’amélioration, beaucoup d’autres seront contraintes de quitter la convention. »
Selon Groothedde, le secteur de la santé risque de perdre un maillon important. « Les personnes vulnérables reportent les soins si ceux-ci deviennent plus coûteux. S’ils ne trouvent plus de sage-femme ou s’ils deviennent tous plus chers, ce seront eux qui paieront la facture. »