Incrédulité après un reportage sur la fermeture du café bruxellois Monk : ‘Il est temps d’en finir avec les contrats étranglants’

Le propriétaire refusant de prolonger le bail commercial, l’emblématique café Monk du centre de Bruxelles fermera ses portes à la mi-mai. « Il attend juste le prochain fou. »

Douglas De Coninck

Il y a plus de vingt ans, Yves De Vresse détachait une plaque de gyproc du triste décor de la salle de danse Het Zinneke de la Katelijnestraat à Bruxelles. Puis un autre, et un autre. C’est ainsi que sont apparues les boiseries art nouveau emblématiques du café Monk. « Il y avait aussi un bar disco en brique », se souvient De Vresse. « Les miroirs au fond de la salle étaient noircis. Il y avait brûlé une fois, et ils avaient résolu le problème en peignant la suie. J’ai passé un mois à restaurer ces panneaux de bois.

Un ponçage plus poussé a également révélé l’ancien nom du café à l’extérieur : A La Couronne. À La Couronne.

« Une erreur de langage », dit De Vresse. « Le café date de l’époque où il y avait encore des quais portuaires à cet endroit. Il y avait une grue avec un tapis roulant. Le café s’appelait ‘Bij de Kraan’, mais il était prononcé dans le style bruxellois couronne. Nous avons nommé le café d’après le pianiste de jazz Thelonious Monk.

Contrat étranglant

Au début, le Monk était le café flamand le plus franc de la capitale. Après le rachat par Filip Jans, il y a plus de dix ans, le public s’est internationalisé. « C’était l’intention », déclare Filip Jans. « Le fait que le Moine ait été fermé pendant un certain temps a été vécu comme une énorme perte dans la région à l’époque. C’est pourquoi j’y ai mis mes épaules alors.

Le propriétaire Horeca Logistics Services (HLS) refuse désormais de prolonger le bail commercial. Une demande de prorogation a été rejetée au motif que « des travaux structurels de démolition et de reconstruction » doivent être réalisés. Une erreur, pense Jans : « C’est la fin d’une agonie de quatre ans. Avec des conflits sur tout : mesures corona, taux d’achat. Si vous allez réaliser des travaux importants, vous étudierez d’abord la situation avec un architecte. Cela ne s’est pas produit. J’ai l’impression qu’ils recherchent quelqu’un qui veut faire comme nous : signer un contrat étranglant puis investir une bombe d’argent et d’énergie. Pouvoir faire la même chose dans dix ans. Je suis vraiment désolé pour les 27 personnes de notre équipe. J’aimerais garder le cap et commencer quelque chose de nouveau à proximité, mais cela n’arrivera jamais en moins d’un mois.

Le samedi 13 mai, le café Monk tel que nous le connaissons fermera ses portes. Avec une dernière fête.

‘Institut bruxellois’

HLS est l’un des trois acteurs majeurs du marché brassicole belge. Plusieurs propriétaires de cafés bruxellois estiment qu’il possède environ la moitié des cafés de la capitale. « Avec des contrats étranglants un peu partout comme avec le Moine », raconte l’un d’eux. « Les opérateurs ont peu leur mot à dire sur les bières de leur carte. Il attend juste le prochain écrou du point de vue de HLS. Le Moine est une mine d’or, tout le monde le sait. HLS change maintenant simplement les mineurs.

La fermeture annoncée a fait beaucoup de bruit sur Twitter mardi. « Le Moine est un monument, une entreprise de restauration qui remplit ses obligations doit être mieux protégée », a tweeté le député flamand Stijn Bex (Groen). « Mon cœur saigne pour les affaires à Bruxelles », a déclaré Lotte Stoops, membre du parti. « Plus que temps de mettre un terme aux contrats étranglants. »

L’échevin bruxellois de l’urbanisme Ans Persoons (Vooruit) qualifie le moine « d’institution bruxelloise » et rapporte que la façade et l’intérieur sont protégés : « Je me demande quelles rénovations le propriétaire veut faire. En tout état de cause, aucune demande de permis n’a encore été déposée.

Selon Yves De Vresse, le bâtiment est le cinquième plus ancien de la capitale. « Des historiens de l’Université de Liège venaient autrefois forer des trous dans le bois et la roche, raconte-t-il. « Leur conclusion était que le bâtiment date de 1596 et était l’un des rares à avoir survécu au siège de Bruxelles en 1695. Toute la ville, y compris le Grote Markt, fut alors réduite en cendres. Le maréchal De Villeroy a bombardé Bruxelles avec des canons pendant des jours, mais afin d’obtenir les boulets de canon en arc de cercle au-dessus des remparts, il a placé ses canons à une certaine distance. De ce fait, les maisons proches des remparts ont été épargnées. C’est l’explication de plusieurs maisons très anciennes de la Katelijnestraat.

Dans un communiqué, HLS précise que « des travaux de gros œuvre et de rénovation » sont nécessaires : « Le café ne disparaîtra pas et restera une activité de restauration ».



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