Imposer une peine supplémentaire à Salah Abdeslam serait « illégal », estiment ses avocats, fustigeant le parquet : "Ils ne font aucune distinction »


Infliger à Salah Abdeslam une peine supplémentaire en plus de la peine à perpétuité qu’il a déjà reçue pour les attentats de Paris serait « illégal ». C’est ce qu’affirment ses avocats Delphine Paci et Michel Bouchat mercredi lors du procès des attentats du 22 mars 2016. Ils ont rendu des conclusions. Abdeslam s’en est vivement pris aux procureurs fédéraux après les plaidoiries sur les conclusions. « Le ministère public a demandé la condamnation d’innocents et ne fait aucune distinction. Comment peut-on laisser passer une telle injustice ? Vous vous laissez berner par deux personnes», s’est-il adressé à l’assis-présidente Laurence Massart.

Le débat sur le concours de crimes avait été annoncé, et le parquet fédéral avait déjà soutenu dans sa conclusion qu’Abdeslam pourrait effectivement se voir infliger une peine supplémentaire. Il demande qu’Abdeslam soit condamné à une peine de prison à perpétuité pour les attentats de Maalbeek et de Zaventem et à une peine maximale de 15 ans à la disposition du tribunal de détermination de la peine.

« Indigne de la cour d’assises »

Cependant, les avocats d’Abdeslam affirment mercredi qu’Abdeslam ne devrait pas du tout recevoir une peine de prison supplémentaire conformément à la loi. La discussion est technique et tourne principalement autour de la question de savoir si l’article 62 ou l’article 65 du Code pénal s’applique à la « coïncidence des crimes », qui se produit lorsqu’une personne commet plusieurs infractions avant d’être finalement reconnue coupable de l’un des crimes – Abdeslam a commis les faits à Bruxelles avant d’être condamné à Paris.

«Le parquet invoque des arguments démagogiques pour demander une peine supplémentaire à l’encontre d’Abdeslam. Ne prononcer aucune sentence signifierait que les victimes d’aujourd’hui vaudraient moins que celles de Paris. C’est indigne d’une cour d’assises », a déclaré Delphine Paci. « La gravité des faits n’est pas démentie. Abdeslam a été condamné à une peine de réclusion à perpétuité « incompressible ». Cette punition est un fait.

Selon la défense d’Abdeslam, seul l’article 62 s’applique, ce qui signifie qu’aucune peine ne peut être prononcée et que seule la peine la plus sévère peut être retenue.

Abdeslam en conversation avec l’un de ses avocats. © Photo Actualités

Discrimination

Selon Paci, il est évident que la peine à perpétuité « incompressible » de Paris est plus sévère que la peine à perpétuité avec détachement réclamée par le parquet fédéral belge.

L’avocat voit également deux problèmes majeurs dans la thèse du procureur. Par exemple, il précise qu’il s’agit d’un crime unique et qu’il mérite donc deux peines. Mais cela place Abdeslam dans une position moins favorable que s’il avait commis plusieurs actes, ce qui constitue une forme de discrimination. De plus, le principe « non bis in idem » risque d’être violé : « Ils disent qu’il s’agit d’un seul crime, mais ils demandent deux peines », selon Paci. « Nous ne demandons pas de pitié, nous demandons simplement que la loi soit appliquée », a conclu Paci.

Abdeslam s’en prend : « Ils ne font aucune distinction »

Salah Abdeslam lui-même s’est exprimé sur les conclusions après les plaidoiries. Il s’en est pris aux procureurs fédéraux.

Salah Abdeslam.
Salah Abdeslam. © BELGA

Selon Abdeslam, le bureau du procureur « a plaidé pendant des heures » pour convaincre le jury que les frères Farisi étaient coupables et a finalement été libéré. Il en va de même, quoique dans une moindre mesure, pour Sofien Ayari et Hervé Bayingana Muhirwa, qui ont été acquittés des principaux chefs d’accusation : assassinat terroriste et tentative de meurtre.

« injuste »

Lors de l’audience de clôture, le parquet a cette fois demandé la même peine pour les six coupables dans tous les domaines. « Ils ne font aucune distinction et demandent la perpétuité pour tout le monde. Pour eux, Najim Laachraoui (qui s’est fait exploser à Zaventem, ndlr) c’est le même que Mohamed Abrini, je suis le même qu’Oussama Atar et Ali El Haddad Asufi c’est le même que les frères El Bakraoui (les kamikazes de Maalbeek et Zaventem , modifier). Et ce, alors que nous sommes dans un état de droit. Comment pouvez-vous laisser passer une telle injustice ?

« Ne vous laissez pas berner par deux personnes qui ne savent pas lire deux phrases sans se tromper et donnez-nous une lueur d’espoir », a poursuivi Abdeslam. « J’ai fait tout ce que vous m’avez demandé, j’ai joué le jeu et je vous demande donc de ne pas écouter le procureur. »

Après l’intervention d’Abdeslam, le tribunal est entré en délibéré.

Le parquet demande la perpétuité pour Abdeslam, Abrini et Krayem : « Il mérite la peine la plus sévère »

En juillet, Abdeslam et cinq autres personnes ont été reconnus coupables de 35 meurtres (+)



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