Il n’y a pas de spectateurs dimanche au mythique Puy de Dôme : « Cela ne devrait pas être un parc d’attractions »


La bataille pour le maillot jaune se poursuit dimanche sur le Puy de Dôme, volcan éteint du Massif central. En plus d’être une attraction touristique, c’est un lieu qui respire l’histoire du cyclisme.

Robert Gibel

Dimanche, en fin d’après-midi, Jonas Vingaard et Tadej Pogacar pédalent vers le ciel. Il leur reste alors deux kilomètres à parcourir avant l’arrivée de la neuvième étape, pièce maîtresse de ce Tour de France. Pour la première fois depuis 35 ans, le cirque cycliste emprunte la route qui mène en spirale ascendante au sommet d’un volcan éteint, le Puy de Dôme.

La montée emblématique est fermée aux cyclistes sauf une journée par an. Une barrière doit les arrêter, à partir de cet obstacle, il reste encore quatre kilomètres avec une pente de près de 12% jusqu’au point le plus élevé du patrimoine mondial de l’Unesco.

Le dimanche, absolument aucun public n’est autorisé sur le volcan après la barrière. D’ailleurs, il n’y a pas de place pour cela puisqu’une ligne de chemin de fer occupe la moitié de la route d’origine. Les coureurs commencent à grimper dans un silence relatif. D’abord deux kilomètres à travers les arbres, puis ils continuent de tourner vers le haut jusqu’à ce qu’ils ne voient plus rien devant eux qu’une route goudronnée en forte ascension qui se termine comme un escalier dans le ciel. L’équivalent cycliste d’un ‘Stairway to Heaven’.

Au sommet, là où se trouve l’arrivée, la vue est inoubliable, car le Puy de Dôme est le plus haut dôme de lave d’une chaîne de quarante kilomètres de long d’environ quatre-vingts volcans dans le Massif Central de la France. Moins beau est l’immense observatoire météorologique sur le plus haut puy (« sommet arrondi » en dialecte local). À côté de la monstruosité se trouvent les restes d’un grand temple gallo-romain, qui pouvait mesurer soixante mètres sur soixante au IIe siècle.

Un demi-million de touristes viennent ici chaque année. Surtout le train à crémaillère jusqu’au sommet est une vache à lait : près de 15 euros pour un aller simple. Les parapentes décollent en masse du sommet arrondi et les écoliers de tous âges reçoivent une explication de la formation de la zone volcanique protégée par leurs professeurs au-dessus, tout en admirant le paysage unique.

Vandalisme

Le Puy de Dôme est inscrit au parcours du Tour pour la quinzième fois (quatre fois en contre-la-montre). Cela s’est produit pour la première fois en 1952, l’année où la télévision est entrée dans le Tour. Ensuite, la montée s’est faite en deux étapes : d’abord une étape en ligne, que le légendaire Fausto Coppi a remportée pour assurer sa victoire sur le Tour ; un jour plus tard, un contre-la-montre de 63 kilomètres a eu lieu au-dessus du bouton.

En 1975, le Puy de Dôme était ostensiblement le théâtre d’un hooliganisme à vélo lorsqu’un spectateur donna un coup de poing dur à Eddy Merckx dans l’estomac alors qu’il travaillait vers le haut. Par accident, l’auteur a affirmé à propos de l’incident que Merckx avait peut-être coûté sa sixième victoire sur le Tour.

Eddy Merckx se tripote le foie après la quatorzième étape du Tour, le 11 juillet 1975. Un spectateur lui a donné un coup de poing.Image BELGA/AFP

Les historiens du cyclisme considèrent la montée du Puy de Dôme de 1964 comme l’un des temps forts du Tour de France. Le porteur du maillot jaune sculpté Jacques Anquetil se battait sur les flancs du volcan avec le fils du fermier grassouillet Raymond ‘Poupou’ Poulidor. Ce n’était rien de moins que la victoire du Tour cette année-là.

Les images télévisées montrent les deux cyclistes français côte à côte, mais la photo du duel est devenue une carte postale populaire et ils semblent se hausser les épaules dans un duel passionné. Poulidor a attendu à neuf cents mètres de l’arrivée pour laisser Anquetil derrière lui, mais il s’est avéré trop tard pour passer « Monsieur Chrono » au classement général.

D’autant plus que le Tour se conclura par un contre-la-montre quelques jours plus tard. Au sommet du Puy de Dôme, Poupou a accepté sa défaite avec deux baisers sur les joues du spécialiste du contre-la-montre Anquetil, qui a remporté son cinquième et dernier Tour quelques jours plus tard.

Jacques Anquetil (à gauche) et Raymond Poulidor se livrent un duel acharné lors du Tour 1964. Image AP

Jacques Anquetil (à gauche) et Raymond Poulidor se livrent un duel acharné sur le Tour 1964.Point d’accès d’image

Le rêve de Bardet

Poulidor, le grand-père de Mathieu van der Poel, vivait parmi les volcans éteints ; l’étape débutera dimanche dans sa ville natale de Saint-Léonard-de-Noblat. Un coureur y attendra avec une dose d’adrénaline supérieure à la moyenne jusqu’à ce que le directeur de course Christian Prudhomme agite son drapeau au passage d’un grand ‘0’ et que la neuvième étape démarre officiellement. Il s’agit de Romain Bardet, tout comme le grand-père du collègue Van der Poel, un enfant de la région.

Chaque matin, quand le petit Romain ouvrait les rideaux de la chambre de son garçon, le Puy de Dôme lui souriait. « Ce n’était pas si difficile », dit maintenant Bardet. « Dans un rayon d’au moins cinquante kilomètres, vous ne pouvez pas le manquer. Parfois, je voyais des cyclistes grimper très tôt.

Le leader de DSM-Firmenich, âgé de 32 ans, sixième du dernier Tour, deuxième en 2016, troisième un an plus tard et roi de la montagne en 2019, était intensément satisfait lorsque le parcours du Tour a été annoncé en octobre dernier. Non seulement le grimpeur pur sang a obtenu exceptionnellement peu de kilomètres contre la montre (22,4), mais il s’est aussi soudainement avéré possible de gravir le volcan de sa jeunesse lors d’une compétition. Toujours dans le Tour. « Je n’aurais jamais pensé revivre cela dans ma carrière. »

Bardet n’était pas encore né lorsque le Tour passa pour la dernière fois sur le Puy de Dôme en 1988. « C’est une montagne emblématique, mais vous n’êtes officiellement autorisé à l’escalader qu’une fois par an. C’est très, très spécial pour moi. Ça va être magique. Tout le monde dans ma région est heureux et excité que le Tour revienne.

Bardet sur le podium à Paris est l’objectif auquel son équipe s’est subordonnée pour le reste de la saison. Le Français grand et léger est huitième du classement général à près de cinq minutes. Sur son sol natal d’Auvergne, il veut se hisser dans le top 5.

Romain Bardet dans la descente du Col du Tourmalet.  Photo Photo Nouvelles

Romain Bardet dans la descente du Col du Tourmalet.Photo Photo Nouvelles

Il a certainement une chance, selon l’application cycliste Strava. Bardet est de loin le plus rapide dans les quatre derniers kilomètres après la barrière. Il lui a fallu un peu plus de quinze minutes le 26 juin, juste avant le début du Tour, pour arriver au sommet.

Il y a cependant une mise en garde à cette performance. Parce que seuls les marcheurs sont autorisés à gravir la montée, Bardet est le meilleur de seulement 1 300 cyclistes principalement récréatifs. Certains ont été choisis pour participer à l’ascension annuelle, la plupart d’entre eux ont rampé sous la barrière à l’aube et ont pédalé.

L’autre montagne, qui, comme le Puy de Dôme, se trouve à une hauteur solitaire dans le paysage, le Mont Ventoux, a déjà été escaladée du côté le plus difficile de Bedoin par plus de 100 000 abonnés Strava. Le Ventoux ne porte donc pas l’inscription Unesco qu’il a fallu onze ans aux conservateurs du Puy de Dôme pour acquérir.

Ne survolez pas le bétail

Toute cette beauté, hormis cette épaisse antenne à près de 1 500 mètres d’altitude, pose la question de savoir si c’est une si bonne idée d’accueillir la plus grande manifestation cycliste du monde sur ce Grand Site de France.

Le Puy de Dôme est la propriété privée d’un grand nombre de propriétaires, qui ont conclu des accords avec l’organisation du Tour ASO après près d’un an de négociations, explique Cécile Olive-Garcia, l’instigatrice de l’obtention du classement Unesco en 2018. de la réserve naturelle sont complètement fermé, le public n’est pas autorisé à gravir la montagne et les hélicoptères de télévision ne sont pas autorisés à survoler les troupeaux de bétail.

Aux yeux de la région, les inconvénients sont aussi limités que possible compensés par la réputation internationale que le lieu chéri est en train d’acquérir. « C’est un équilibre subtil », explique Olive-Garcia. « Cela ne devrait pas être un parc d’attractions, mais pas non plus une zone interdite aux personnes. Tout le monde ici espère un succès : pour la nature, les spectateurs et le Tour. »

Le conducteur du train, complètement recouvert des ambiances du Tour, qualifie l’arrivée du peloton de « très bénéfique pour notre business ». Il peut rêver l’ascension de dimanche. Comme Bardet, il n’était pas encore né lorsque le Tour visita le Puy de Dôme pour la dernière fois en 1988.

« Vous avez toujours des gens sceptiques quand vous faites quelque chose d’aussi grand, dans n’importe quel environnement », répond Bardet lorsqu’on lui demande si le Tour ne doit pas rester à l’écart de l’ascension de sa jeunesse. Pensez aux coups d’hélicoptère, dit-il, quelle impulsion cela va donner au tourisme. «La montée elle-même est si difficile. Je suis sûr que des images de cela se retrouveront dans la série Netflix sur le Tour. »

Et la nature ? « Lors du Tour l’année dernière, nous avons également traversé une zone protégée, sur le Col du Granon », explique Bardet. « Selon le patron du Tour Prudhomme, c’était déjà calme là-bas à dix heures et demie du soir. Comme si le Tour n’avait jamais eu lieu.



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