« Il a brûlé tous les ponts »: pourquoi le président du MR Bouchez continue de faire sensation dans la Wetstraat


« Écoutez, c’est quelque chose dans toutes les familles. » Maggie De Block, ancienne ministre de la Santé, n’a pas voulu passer beaucoup plus de mots que nécessaire lundi. Le bureau du parti Open Vld venait de se concerter sur la relation amour-haine entre les libéraux flamands et francophones, après un week-end au cours duquel les présidents des deux partis s’étaient publiquement engueulés.

La réaction de De Block est révélatrice du sentiment général au sein du parti : résigné, frustré, fatigué. Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, montre souvent son côté le plus vif. Mais avec la régularité de l’horloge, cela se fait au détriment du parti frère Open Vld et du Premier ministre Alexander De Croo. De plus en plus, le quartier général de la Melsensstraat se pose la question : qu’est-ce qui incite Bouchez à se lancer si souvent dans le tacle ?

Qu’est-ce qui motive Bouchez ? La réponse est simple, selon le journaliste politique Alain Gerlache : une ambition politique sans limite. « Il est clair qu’il veut être Premier ministre. Pour cela, il doit devenir le plus grand parti de Belgique francophone. Et il pouvait encore réussir.

La situation paradoxale est qu’au sud de la frontière linguistique, la gauche forme le courant politique, et que c’est précisément à cause de cela qu’un parti de droite comme le MR pourrait devenir le plus important. A gauche, trois partis – PS, PTB, Ecolo – se battent pour les mêmes électeurs. Sur la droite, MR a le terrain en grande partie pour lui.

« Bouchez veut former une large coalition de tout ce qui n’est pas de gauche, et ainsi devenir plus grand que le PS. Mais il doit aussi absorber les quelques pour cent qui vont maintenant aux petits partis d’extrême droite. Il essaie de séduire ces électeurs avec son style dur, qui conduit parfois à des clins d’œil à l’extrême droite », explique Gerlache.

Mais le modus operandi de Bouchez va au-delà du dépouillement des votes. La boussole politique de l’habitant de Bergen vise la France, elle résonne au sein de la famille libérale. Bouchez est un gaulliste ; son style est celui de Nicolas Sarkozy, qui excellait comme ministre dans le gouvernement Chirac opposition des participants: se tenir debout avec une jambe dedans et une jambe en dehors de sa propre majorité.

Le président du MR croit peu à la théorie selon laquelle les partis gouvernementaux peuvent faire des profits ensemble. Pour Bouchez, la politique est un must absolu au quotidien jeu à somme nulle est : un point pour l’autre est égal à un point de moins pour vous-même. Dans une interview accordée à ce journal l’été dernier, Bouchez lui-même l’a dit ainsi : « Je ne me lève pas le matin pour obtenir une demi-victoire – je veux une victoire totale.

« Bouchez préférerait prendre les choses en main autant que possible », convient un ministre libéral. « Seulement : cela peut fonctionner dans le système français, mais pas en Belgique, où il faut constamment chercher des coalitions et tenir compte des sensibilités de toutes sortes de partenaires de coalition. »

Une autre explication de l’envie de Bouchez de s’affirmer est moins politico-philosophique : c’est simplement la nature de la bête. Partisans et adversaires s’accordent à dire que Bouchez est hyper-intelligent. Mais il est au moins aussi impulsif, semble-t-il. Bouchez pense en action-réaction. Il ne peut pas laisser passer un mauvais mot de son côté – une conclusion que les journalistes peuvent parfois vivre personnellement.

Selon plusieurs toppers de Wetstraat, la combinaison de tous ces facteurs fait de Bouchez son propre plus grand ennemi. « Il veut devenir Premier ministre, mais qui sera jamais assez fou pour le nommer Premier ministre ? », lance un membre d’Open Vld. « Il a déjà brûlé tous les ponts. Celui avec nous était encore intact, mais les fondations s’effondrent. Il crache au visage de tout le monde, y compris nous. »

Dans ce contexte, la comparaison avec Didier Reynders est parfois établie. Lui aussi avait l’ambition affichée de diriger un jour le gouvernement. Mais il n’a jamais réussi, précisément parce que sa volonté d’action lui laissait peu d’amis politiques en dehors de son propre parti.

MR sonne, bien sûr, un son complètement différent. Bouchez ne peut que se profiler contre le gouvernement, dit une source bien placée, car le bilan de ce gouvernement est si maigre. Open Vld fournit le Premier ministre et doit donc toujours chercher le milieu – MR estime qu’elle doit constamment garder seule les lignes droites de Vivaldi.

« Bouchez sent qu’il, venez le jour des élections, on jugera que ce gouvernement n’a pas réalisé une grande partie de notre programme. Il peut expliquer en un an et demi que nous sommes devenus la lanterne rouge de l’Europe en matière de budget avec deux partis libéraux dans la coalition fédérale », sonne sur un cabinet MR.

George Louis Bouchez.Figurine Thomas Sweertvaegher

Le fait est que Bouchez trouve peu de raisons dans les sondages d’adoucir le ton. Il déborde de confiance en lui, car son parti remporte sondage après sondage, alors que le PS n’est plus l’insaisissable bastion d’antan.

Le contraste avec Open Vld est grand : en Flandre, les libéraux flirtent pratiquement avec la limite des 10 %. Selon certains, cela explique aussi l’attitude du MR et de son président. Les francophones s’en sortent beaucoup mieux dans les sondages – pourquoi Bouchez devrait-il laisser la loi être dictée par Open Vld ?

En interne, Bouchez ne semble pas devoir compter sur beaucoup de vent de face. De plus en plus de confidents personnels sont installés à des postes politiques clés. Depuis un certain temps, le bruit courait que la fief Sophie Wilmès pourrait le défier à la présidence. Mais après le départ d’Alexia Bertrand, Wilmès a moins de concurrence à Bruxelles. La chance qu’elle le renverse rapidement du trône est donc immédiatement beaucoup plus faible.



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