Homme de confiance / TILT


Si le son Italo Disco a été si richement pillé au cours des 15 dernières années – de Sally Shapiro à The Weeknd – il ne devrait pas être trop surprenant qu’un renouveau de l’Eurodance au début des années 90 soit même choquant qu’il ne soit pas venu plus tôt. Ce que personne n’avait peut-être prévu, c’est qu’il arriverait d’Australie. En revanche, cela a du sens si l’on pense que les antipodes produisent régulièrement des revivals avec une pointe de cosplay marquée : du fantasme space-native des années 80 d’Empire of the Sun au mulet-punk d’Amyl & The Sniffers.

Confidence Man vient de Melbourne et fait passer les choses au niveau supérieur, car leurs tenues soigneusement caractérisées (pantalons rave, couleurs vives, blousons aviateur) sont rejointes par des noms fictifs ironiques : Janet Planet et Sugar Bones se lèvent, tandis que les deux autres membres qu’ils cachent sous des vêtements noirs et des voiles. Musicalement, ils mettent également le doigt sur leur tentative de reconstruire une époque révolue de beats eurodisco euphoriques et de pianos house : Confidence Man est très doué pour faire des mélodies accrocheuses, ils ont confiance en eux, des paroles ironiques sans tomber dans la parodie, et les chansons sont excellemment construites ( à souligner la production d’Ewan Pearson, qui a remixé Depeche Mode, PSB, Chemical Brothers ou encore Goldfrapp).

Malgré le fait que le texte promotionnel de ‘TILT’ mentionne LCD Soundsystem ou les Scissor Sisters (peut-être pour ne pas effrayer le public potentiel), la vérité est que l’Eurodance de style house autour des années 1989-1992 est clairement l’axe principal de l’album : échos très nets de Black Box, Snap!, Dee-Lite… un peu comme si Confidence Man voulait être le Usine de musique C+C de l’ère moderne. C’est clair dans des morceaux comme ‘Woman’, ‘Feels Like A Different Thing’ ou ‘Toy Boy’, chargés de rythmes TR-909 (pensez à ‘Vogue’ de Madonna), les pianos house classiques du Korg M1, des voix de diva et même du gospel chœurs. « Break It Bought It » est très housera (ambiance Masters at Work) avec des accords deep house passionnants. Et des chansons comme l’excellent « Luvin U Is Easy » pourraient être tranquillement jouées lors d’une soirée à San Junipero en 1992 et sembler authentiques.

Il est vrai cependant qu’il y a aussi de la place pour des déviations amusantes par rapport au ton dominant, des moments qui, pour les fans moins des années 90, seront les meilleurs de l’album, car ils intègrent des références dance et pop plus étendues : ‘What I Like’ exploite très bien le jeu vocal entre Sugar Bones et Janet Planet et sonne comme un cocktail excitant de Dee-Lite et des B-52. ‘Push It Up’ combine des beats plus eighties (Roland TR-808) avec un air latin un peu ‘La Isla Bonita’, un peu Ace of Base et un peu tropical house, mais en même temps c’est brillamment chanté avec un la Tom Tom Club (pourquoi ne réclament-ils pas plus ?).

‘Angry Girl’ rappelle Betty Boo mais il a aussi un ton electroclash clair, oui, avec une bibliothèque de sons acides des années 90. MIA », et c’est vraiment l’un des meilleurs de l’album, une chanson potentielle de l’été 2022 dans sa répétition hypnotique et enivrante de trois accords simples.

C’est justement cet éclectisme et cet esprit expérimental qui ont fait du premier album de Confidence Man en 2018 un succès critique, et ce que certaines voix ont d’ailleurs regretté d’avoir manqué sur ce nouvel album. Car c’est vrai que ‘Confident Music For Confident People’ était plus abrasif, avec un look années 90 mais beaucoup plus d’échos d’electroclash, quelque chose de plus voyou Charli XCX, et en général une philosophie plus indie. En revanche, ce nouvel album est une fuite en avant pour invoquer l’esprit du son old school des raves et des clubs, avec une présentation esthétique beaucoup plus aboutie et tournée vers les super hits du genre.

Cette standardisation affecte peut-être aussi les paroles, qui sonnent parfois très génériques, même si c’est normal quand on essaie d’émuler des tubes d’un style qui ne se caractérisait pas par son haut niveau lyrique. Cependant, dans ‘TILT’, il y a encore de la place pour des moments hilarants. Quand Janet chante à son ‘Toy Boy’ que « Avec un visage comme ça, tu n’as pas besoin de travailler dur / Avec un cul comme ça, tu n’as pas besoin de travailler » elle nous a complètement conquis, tout comme avec des couplets comme « C’est mon monde / Et je suis une fille extra-ordinaire ».

‘TILT’ réussit l’exploit de donner un cachet convaincant d’approbation et de coolness à une partie de la musique dance jusqu’à présent peu regardée : on vénère le Dieu du synthé analogique depuis près de 20 ans et peu de gens le prétendaient des sons de type synthé numérique plastique ou 90’s. Il ne reste plus qu’à voir si Confidence Man saura traduire l’esprit de cet album en live, car il y a du potentiel pour que leurs concerts aient l’énergie d’une rave authentique. Il sera possible de vérifier cela en mai prochain, puisqu’ils viennent en Espagne pour agir dans le Festival Tomavistas.



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