Hockey sur glace au Canada – culture du silence


Le cas d’un viol collectif présumé d’une femme par huit jeunes joueurs de hockey sur glace à l’été 2018 a choqué le Canada. Les incidents ne sont devenus publics qu’en mai de cette année – et de plus en plus de détails sont connus. Pendant des années, l’association canadienne de hockey sur glace « Hockey Canada » aurait versé des millions aux victimes d’abus en compensation et convenu de clauses de non-divulgation. À la suite de ces allégations, le conseil d’administration de l’association, dirigé par le directeur général Scott Smith, a maintenant démissionné. La responsable par intérim de l’association, Andrea Skinner, qui avait conservé le controversé Smith et défendu l’association devant le Parlement, s’est retirée.

Pour la sociologue du sport Kristi Allain, qui traite intensivement de la violence sexuelle dans le hockey sur glace, la démission de Smith était inévitable. « Scott Smith a même pris personnellement la responsabilité des négociations avec cette jeune femme », a-t-elle déclaré à Deutschlandfunk. « Il a tenu des réunions à huis clos, donc rien de tout cela n’est rendu public. Et maintenant, pour dire : je suis la personne qui peut commencer cette nouvelle ère du sport du hockey ? Ce n’est certainement pas cette personne. C’est de la vieille garde, et il est temps pour un nouveau départ. »

La ministre canadienne des Sports, Pascale St-Onge, a également décrit la séparation comme un « pas en avant pour restaurer la confiance des Canadiens dans l’association ».

Affaire connue depuis 2018

La démission de Smith fait suite à des révélations selon lesquelles Hockey Canada a utilisé pendant des années un fonds douteux pour indemniser les victimes d’abus sexuels. Dès juin 2018, le beau-père d’une jeune femme relevait de l’Association canadienne de hockey. À cette époque, le gala annuel avait lieu dans la ville de London, en Ontario, reconnaissant les réalisations des équipes canadiennes de hockey sur glace au cours de la dernière année. L’homme a témoigné que sa fille avait été abusée sexuellement par huit joueurs d’une équipe nationale junior le soir du gala. L’association s’est alors retournée contre la police et a engagé un cabinet d’avocats pour enquêter sur l’affaire. Les deux enquêtes ont été arrêtées peu de temps après – prétendument parce que la jeune femme n’était pas disposée à coopérer.

Puis en avril dernier, le revirement : la victime a étonnamment porté plainte contre l’association canadienne et réclamé plus de 3,5 millions d’euros de dommages et intérêts. La chaîne de télévision « TSN » a révélé plus tard que la plus importante organisation sportive du Canada s’était entendue avec la jeune femme en mai sur une comparaison et un silence. « Nous avons opté pour un règlement à l’amiable parce que c’était dans l’intérêt supérieur et supérieur de la jeune femme, et cela nous permettait de respecter sa vie privée », avait alors déclaré Smith. Ce genre « d’accord » semblait avoir une méthode.

Des joueurs de l’équipe canadienne de la Coupe du monde U20 2018 auraient été impliqués dans un viol

« Fonds » pour payer les victimes

Mi-juillet, le journal « The Globe and Mail » faisait état d’un fonds spécial de l’association, à partir duquel des règlements amiables avec des victimes de violences sexuelles auraient été payés pendant des années. Un comité du Parlement canadien a été invité à plusieurs audiences à la suite du scandale, et Scott Smith a également dû répondre aux questions des députés. Bilan inquiétant de ces auditions : ces dernières années, l’association avait versé près de neuf millions de dollars canadiens (un bon 6,7 millions d’euros) aux personnes concernées dans 21 cas.

Le directeur financier de « Hockey Canada », Brian Cairo, n’a admis que début août devant la Chambre des communes que depuis 1989 un total de 7,6 millions de dollars (près de 5,7 millions d’euros) avaient été versés pour neuf comparaisons, le cas de l’été de 2018 non inclus. La majeure partie de cet argent était constituée des cotisations des enfants et des jeunes ainsi que des fonds du soi-disant «Fonds national d’équité», avec lequel «Hockey Canada» veut en fait promouvoir l’équité et l’inclusion dans le sport.

Un autre cas d’une telle « comparaison de non-divulgation » a été révélé lors des audiences : une femme aurait été violée par plusieurs joueurs d’une équipe de jeunes canadiens en 2003, une vidéo de sept minutes servirait de preuve. Le ministre des Sports St-Onge a précisé qu’il ne s’agissait en aucun cas de cas isolés. « Il existe une culture du silence et de la minimisation de la violence sexuelle à l’égard des femmes », a-t-elle déclaré lors d’une interview télévisée. « Le système sportif est en crise. Et chaque personne occupant un poste de direction doit l’accepter et agir. »

Scott Smith (à gauche) et Brian Cairo (à droite) lors d'une conférence de presse

Scott Smith et Brian Cairo ont témoigné devant la Chambre des communes du Canada

Les sponsors abandonnent

Le scandale des abus a aussi des conséquences profondes sur le financement de « Hockey Canada ». Le gouvernement canadien a depuis réagi. Jusqu’à présent, elle a soutenu l’association avec l’argent des contribuables dans les millions chaque année. Ces versements sont suspendus jusqu’à nouvel ordre. De nombreux partenaires et sponsors de longue date ont également pris leurs distances avec l’association et ont mis fin à la collaboration. Le fournisseur de hockey sur glace « Bauer » a sauté mardi comme le dernier de toute une série de financiers. Le fabricant d’articles de sport Nike et la chaîne canadienne de restauration rapide Tim Hortons s’étaient précédemment retirés.

Le premier ministre canadien Justin Trudeau appelle à des « changements majeurs », menaçant même de dissoudre Hockey Canada et de créer une nouvelle organisation appelée Canada Hockey. Des députés de différents partis demandent également une enquête sur les abus dans le sport en général. Représentant cela, la députée libérale Lisa Häfner a déclaré à « TSN »: « Nous savons que cela ne se produit pas seulement dans le hockey sur glace et qu’il y a des problèmes de violence sexuelle dans de nombreux sports. »

« Hockey Canada » a maintenant annoncé des enquêtes internes de grande envergure. L’association a annoncé vouloir contrer les « comportements toxiques » dans le hockey sur glace avec un plan d’action. Le ministre des Sports St-Onge craint que le scandale ne soit que la pointe de l’iceberg : « Qu’allons-nous découvrir le mois prochain ? Je ne sais pas. Mais beaucoup de gens sont inquiets.



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