Henry Moore a cherché ce qui se passait sous la « peau » de ses images


S’appuyant latéralement sur une main et une hanche, elle est allongée là, la tête relevée et le torse tordu par rapport au bas du corps. La sculpture en plâtre (51 x 91 x 46 cm), dont la surface est grossièrement hachurée et colorée en gris clair, a un aspect monumental. Figure inclinable n ° 7 (1980) d’Henry Moore (1898 – 1986) s’inspire des « chac mools », grandes statues mexicaines précolombiennes en pierre de guerriers couchés.

Tout au long de sa vie, Moore s’est inspiré de la sculpture non occidentale, des idoles abstraites en marbre blanc des Cyclades (à partir de 3000 avant JC) et des constellations de pierre circulaires de Stonehenge (2300 avant JC), aux masques en bois sculpté des Papous de Nouvelle-Guinée.

L’histoire de la sculpture d’Europe occidentale l’intéresse moins, à l’exception de Michel-Ange. Cela fait d’un aperçu de l’œuvre de Moore un voyage dans le temps à travers diverses cultures et à travers l’histoire de l’homme sur terre depuis les premières formes humaines.

Images de Henri Moore dans l’espace extérieur du musée Beelden aan Zee.
Studio photo Gerrit Schreurs

En plus des images des cultures anciennes, Moore était fasciné par les objets naturels. Il les trouva au cours de promenades : ossements, coquillages et pierres polies à l’eau qui lui rappelaient des figures ou des membres humains.

Aussi abstraites que soient parfois ses sculptures, on y reconnaît presque toujours le corps humain ou une forme organique humaine ou animale. Le massif de deux mètres de haut Pièce à trois voies n° 1 : Points (1964), qui s’équilibre sur trois « points », semble animé par une mystérieuse force intérieure primitive qui se manifeste par des renflements ondulants. Le « prototype » de ce monstre mythique était un petit silex reposant sur trois pointes acérées. Ce jeu d’échelle est typique de l’œuvre de Moore, où de petits objets peuvent prendre des proportions gigantesques, dans la réalité ou dans l’imaginaire.

Henri Moore au musée Images by the Sea.
Studio photo Gerrit Schreurs

Parfois, Moore combinait des formes hautement stylisées et abstraites avec des détails réalistes dans une seule œuvre, comme dans le groupe de sculptures. Roi et reine (1952). Deux personnages plus grands que nature assis sur un canapé, les corps profilés dans un mouvement fluide et abstrait, ont une présence presque religieuse. D’autant plus frappantes sont les mains étroites détaillées, reposant sur les genoux, et les pieds minces qui semblent vulnérables.

Moore a expérimenté les techniques et matériaux plastiques les plus divers, pierre, bois et écorce de bois, résine, fibre de verre, plâtre, porcelaine, bronze. Il voulait que la sculpture rende justice à la nature du matériau : rugueux ou lisse, léger ou lourd, et que les traces du traitement restent visibles.

À l’intérieur et à l’extérieur

Suivant les vues du mathématicien et biologiste D’Arcy Wentworth Thompson, dans son livre Sur la croissance et la forme (1917), Moore a soutenu qu’une forme naturelle est déterminée par deux forces opposées : soit par la croissance de l’intérieur – comme la croissance des os – soit par des influences externes, comme le vent et la pluie. Il a vu un parallèle à ces forces opposées dans les techniques de taille directe de la pierre, dans lesquelles le sculpteur travaille de l’extérieur vers l’image cachée dans la pierre (Moore partageait ce point de vue avec Michel-Ange) et vice versa, construisant et modelant la sculpture en, par exemple, plâtre ou cire.

Vue d’ensemble de la salle de l’exposition Henry Moore : forme et matériau au musée Images by the Sea.
Studio photo Gerrit Schreurs

Il était fasciné par la tension qui peut survenir sous la surface, comme lorsque les muscles se tendent et que les jointures appuient contre la peau de l’intérieur. Dans ses sculptures, Moore a essayé d’augmenter la tension entre la croissance et la surface aussi haut que possible, comme cela se produit avec Pièce à trois voies n° 1 : Pointsoù l’image semble grandir de l’intérieur avec de gros renflements.

Cette fascination pour la dynamique entre la coque ou la peau et ce qui se cache en dessous, explique également comment Moore en est venu à créer de grands trous et ouvertures dans ses images. Il a cherché la limite extérieure du perçage, de l’ouverture, de l’objet physique sans perturber l’expérience de sa totalité. L’espace devient ainsi un élément presque tangible de sa sculpture. Pour Moore, les vides ne sont pas un vide ou une absence de quelque chose, mais plutôt une présence. Telle est la forme abstraite, ovale, en porcelaine de Anneau à trois voies (1966) si radicalement percé que la matière et l’espace se maintiennent en équilibre.

La lutte de Moore avec la matière et ses tentatives d’insuffler de la vie à une pierre ou à une forme font de lui l’un des derniers représentants importants d’une tradition millénaire de la sculpture.



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