Gratitude et armes : que peut-il se passer après la visite de Zelensky à Rome et à Berlin ?

Et pendant tout ce temps – et pour cela Zelensky nous a déjà remerciés à plusieurs reprises – en tant que pays, nous avons assuré un rivage vivable à un nombre énorme de personnes contraintes de fuir, à l’extérieur ou à l’intérieur du grand pays.

En ces 15 mois de guerre, traversant des villes ukrainiennes marquées par la peur derrière le très long front de guerre, j’ai ressenti à plusieurs reprises l’émotion physique de la gratitude, un sentiment franchement rare pour ceux qui font mon métier. Gratitude pour les journalistes qui rendent compte des personnes et des événements, pour les médecins et ambulanciers qui les soignent en ouvrant les portes de leurs hôpitaux lointains, pour les ambassadeurs qui ne quittent pas leurs postes, pour l’action de la diaspora ukrainienne en Italie qui y vit double angoisse d’être et de ne pas être là, et pour cette armée pacifique de milliers de volontaires qui peut-être d’un geste ou de quelques heures de temps libre depuis plus d’un an – et peut-être même sans avoir jamais vu l’Ukraine – se mobilisent sans cultiver d’autres ambitions que de soutenir les agressés.

Gratitude et armes

Bien sûr Zelensky entre Rome et Berlin ne voudra pas seulement remercier : il voudra des armes, de l’argent, il voudra ou du moins tentera d’avoir tout ce qu’il faut pour gagner, maintenant que résister apparaît comme un fait accompli. L’Italie et l’Allemagne sont des pièces essentielles de son action diplomatique, de par leur poids en Europe, pour les économies, mais aussi pour les mille fils tendus au fil du temps entre nous et le Kremlin. L’objectif pour l’Italie n’est certainement pas de les couper, mais plutôt de les changer, de les utiliser pour une direction russe prête à accepter le choix tragique d’envahir un pays indépendant.

L’Italie n’est pas et ne devrait pas être un pays anti-russe, mais elle doit avoir des points fermes, peut-être quelques-uns, mais des points fermes. Elle doit s’accrocher à son rôle naturel de puissance moyenne en s’ancrant – entre autres – sur le principe de l’inviolabilité des frontières. Bref, encore faut-il savoir distinguer – et il nous suffit de regarder notre passé – entre la responsabilité des classes dirigeantes et la responsabilité collective des peuples.

Zelensky au Quirinal, la vidéo postée par le président ukrainien : l’Italie est du bon côté

Attention au Vatican

Mais c’est évidemment plus notre problème que celui de Zelensky qui, dans sa visite à Rome, tient également compte de l’attention portée à ce monde à part qu’est le Vatican. Parmi les nombreuses complexités de l’Ukraine, il y a aussi celle d’être un unicum religieux : il y a les catholiques d’Occident, avec leurs prêtres qui se marient et célèbrent avec le rite grec mais répondent à Rome, les orthodoxes patriotes qui remettent le calendrier liturgique à s’éloigne du patriarcat russe, il y a un monde dynamique et sécularisé qui remplit les églises pendant la pause déjeuner, entre un raid aérien et un autre, comme cela ne semble plus se produire dans notre pays depuis un certain temps. L’Ukraine est – pour de nombreuses raisons liées à son histoire – une société fragmentée mais profondément religieuse. Les attentes concernant le rôle du pape catholique restent fortes malgré quelques malentendus. L’espoir est qu’il puisse jouer un rôle incisif.



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