Gaz russe/Pologne : la guerre énergétique glisse vers un affaiblissement mutuellement assuré


La menace de la Russie de militariser ses approvisionnements énergétiques évoque des parallèles avec le concept de guerre froide de destruction mutuelle assurée (MAD). Sa décision de couper l’approvisionnement en gaz naturel de la Pologne et de la Bulgarie est un premier pas vers un scénario du pire où la Russie arrête également de pomper du gaz vers ses plus gros clients, l’Allemagne et l’Italie.

Les exportations d’énergie sont l’un des rares leviers dont dispose la Russie contre ses ennemis présumés. Le pays a exigé que les clients paient le gaz en roubles, considéré comme un changement de contrat majeur par certains clients. À plus long terme, l’évolution du rouble n’augure rien de bon pour la crédibilité de la Russie en matière d’exécution des contrats. Les trois quarts du total de 210 milliards de mètres cubes d’exportations de gaz par canalisation de la Russie sont destinés à l’Europe.

L’action de la Russie contre la Pologne et la Bulgarie fait suite à une menace antérieure de couper les clients qui refusent de payer en roubles, ce que les deux ont dûment fait. Considérez-les comme les premiers sur la liste à renouveler normalement à partir d’avril. Les deux pays importent environ 13 milliards de mètres cubes de gaz russe par an, la Pologne représentant l’essentiel.

La Pologne s’était préparée depuis longtemps pour ce jour. Elle déplacera sa source de gaz vers des pays comme la Norvège par un nouveau gazoduc baltique et via des méthaniers vers son terminal de Świnoujście, sur la mer Noire.

Attendez-vous à plus de gros titres alors que la Russie exige la conformité des autres clients européens. L’année dernière, l’Europe a reçu environ 40 % de son gaz de la Russie, la majeure partie étant destinée à l’Allemagne.

La rhétorique passionnée des deux côtés reflète les risques économiques. L’Europe pourrait perdre des milliers d’emplois industriels alors que les entreprises réduisent leur production en raison des pénuries d’énergie. La douleur pour la Russie serait également aiguë. Une estimation approximative de la valeur des exportations russes de gaz de pipeline vers l’Europe cette année est de 120 milliards de dollars avant perturbation. Cela reflète un triplement des prix de l’essence. Si la Russie perdait huit mois de revenus via des arrêts, elle réduirait de 5,3% le PIB prévu, qui devrait de toute façon chuter fortement.

Compte tenu des risques, un compromis qui sauve la face peut être trouvé. Une solution pourrait être que les clients européens paient en euros via Gazprombank, qui, à son tour, paierait l’exportateur Gazprom en roubles. Cette solution protégerait également Gazprombank, l’une des trois premières banques russes en termes d’actifs, de l’imposition de sanctions qui autrement entraveraient le système financier.

L’alternative serait l’affaiblissement mutuellement assuré de la Russie et des grandes économies européennes dépendantes de son gaz.

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