Gange / SORA


L’époque où Ganges était « le quatuor dirigé par Teresa Gutiérrez » ou un trio dream pop est définitivement révolue avec la sortie de « SORA ». Ce nouvel album, qui n’est pas en vain le premier que l’artiste publie en vinyle, fera ressembler, dans une certaine mesure, sa carrière précédente à une répétition.

À divers moments de sa carrière, Ganges a établi des comparaisons avec London Grammar et The Postal Service. Grâce à un travail acharné, leur musique s’est ouverte dans bien plus de directions que ces groupes. Une trace d’indietronica, de ballade et de mélancolie survit dans leurs mélodies, comme il peut y avoir du R&B, de la synth-pop ou de la néo-soul, en y ajoutant de l’hyperpop, de la drum&bass, de l’euphorie et même du new-age. ‘SORA’ laisse penser qu’aujourd’hui Ganges n’est qu’un projet pop électronique qui sert à canaliser les émotions, et que tout y a un sens tant que son origine a à voir avec des synthétiseurs ou des logiciels.

Les compositions de Gutiérrez ont tendance à tourner autour de l’amour. La grâce est dans le prisme à partir duquel ils le font. Le single ‘Mirarte’ est une pure dévotion : il admet seulement l’existence de l’objet désiré. D’autres sonnent plus tu es malgréet puis le mérite, c’est qu’ils se moquent d’eux-mêmes. L’une des chansons principales dit tout d’après son nom : « Peut-être que nous avons rompu et que je ne l’ai pas découvert ». En écrivant certains titres en minuscules et d’autres en majuscules, comme « TECHNO SAD », Ganges semble jouer avec leurs humeurs. “Ça ne me fait plus mal d’être sans toi.” Demain, oui.

Il y a aussi une bonne impression de continuité sur l’album. Si vous avez ressenti un peu de transe dans “Maybe we breaked”, il faudra attendre la fin accélérée de “FOTOLOG NOSTALGIA”, qui à son tour est la suite de “shycore”, un instrument pour piano peut-être inspiré de Jon Hopkins. Tout cela est-il vraiment coproduit par le même Daniel Belenguer « Bearoid » qu’il chante parfois dans Alavedra ?

‘FOTOLOG NOSTALGIA’, le joyau perdu de la carrière de l’artiste – il faut que ça explose d’une manière ou d’une autre, Spotify, opère ta magie ! -, est tellement overdosé sur AutoTune qu’il n’est pas sans rappeler cette récitation robotique de ‘OK Computer’ qui était ‘Fittier Happier’ ‘. Teresa nous parle à la hâte de souvenirs, de réseaux sociaux et de jeux aléatoires, tout en se demandant ce qu’il reste de tout ce pour quoi nous mettons tant d’efforts. Fotolog, rien de moins.

Une séquence qui garde pour sa seconde moitié des chansons au potentiel de ‘TECHNO TRISTE’ et ‘No’ – comme Paloma San Basilio produite par Jimmy Tamborello – déguise des compositions moins amicales au climax comme ‘PRÍNCIPE’ ou ‘If I’m Lucky ‘. J’ai complètement oublié le jour où ‘A Keychain’ semblait être le premier single de cet album. Cela ne peut qu’être bien : c’est ainsi que le répertoire de Ganges s’est déjà étoffé, sans même qu’on s’en rende compte.



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