Gale, typhus et diphtérie dans un squat avec des centaines de demandeurs d’asile : ‘C’est quand même mieux ici que dehors’


L’inspection sanitaire et les organisations humanitaires mettent en garde contre une « situation épidémique » dans la Paleizenstraat à Bruxelles, où séjournent des centaines de demandeurs d’asile. La gale se propage actuellement rapidement.

Anne Boersma et Bruno Struys

« C’est mieux ici que dehors. »

Par ces mots, Patrice*, un Burundais de 36 ans, résume bien la situation du squat de la rue des Palais. Plusieurs centaines de demandeurs d’asile y séjournent depuis octobre car le gouvernement n’a pas rempli son devoir d’accueil. Oui, il y a l’eau courante, l’électricité et le chauffage. Mais Patrice dort dans une chambre pour neuf dans le bâtiment squatté du fisc. Les toilettes sont sales et il y a une forte odeur d’urine dans la cage d’escalier. Le matériel du site est empilé ici et là. Certains partagent une chambre avec une trentaine d’autres. Seuls les hommes restent ici.

Le Burundais s’est inscrit au Bureau des étrangers (DVZ) le 16 octobre, mais ce n’est qu’en janvier qu’il aura son premier entretien avec le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides, qui évaluera son statut d’asile. Parce que Fedasil est aux prises avec une pénurie d’accueil, le service est obligé de renvoyer les gens à la rue. Non seulement ils sont privés de leur droit à un abri, mais ils n’ont pas non plus accès aux soins de santé.

L’Inspection sanitaire a tiré la sonnette d’alarme

Il semble maintenant que diverses infections circulent dans la Paleizenstraat. C’est ce qu’a révélé l’inspection sanitaire, saisie par le bourgmestre de Schaerbeek. Les médecins notent plusieurs cas de tuberculose, des cas inquiétants de diphtérie cutanée, mais aussi une large propagation de la gale avec un risque de propagation dans l’immeuble.

Selon Médecins Sans Frontières, ces maladies sont pratiquement éteintes dans le reste de la société. Le Belge moyen est vacciné contre la diphtérie et vit dans des conditions d’hygiène qui empêchent la gale de se propager facilement.

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La tuberculose, la gale et la diphtérie cutanée sont des maladies qui surviennent généralement chez les personnes qui séjournent dans des conditions moins hygiéniques que la normale, explique le virologue Marc Van Ranst (KU Leuven). La gale peut être bien traitée, mais la tuberculose est une autre histoire. Selon Van Ranst, cela peut être dangereux s’il n’est pas traité. « De plus, si les personnes atteintes de tuberculose prennent les transports en commun, elles peuvent également infecter d’autres personnes. »

La bourgmestre de Schaerbeek Cécile Jodogne (DéFI) est frustrée par la situation et demande au gouvernement fédéral de trouver une solution.

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Situation tendue

Jusque-là, les gens dans le bâtiment font un effort pour garder les choses vivables. « On fait de notre mieux pour que ça reste propre, mais oui », soupire Mohamed, 29 ans, Algérien. Ce n’est pas un demandeur d’asile, mais un sans-papiers. Il n’a aucun titre de séjour. Les étages du squat sont divisés par pays d’origine, mais aussi par statut de résidence.

Les conditions de vie difficiles provoquent désormais aussi des tensions. Les demandeurs d’asile n’aiment pas le fait que de plus en plus de migrants sans papiers s’installent. Les conflits tournent autour du manque d’hygiène et de la distribution d’articles de secours tels que la nourriture.

Les secours alertent depuis des mois

Il n’est pas nouveau que la situation des demandeurs d’asile sans abri soit particulièrement précaire. Les organisations d’aide alertent depuis des mois sur les conséquences d’une politique d’accueil qui grince et sur le nombre croissant de migrants (y compris mineurs et vulnérables) qui sont envoyés dans la rue et ne peuvent pas compter sur une assistance médicale.

C’est pourquoi MSF a ouvert en octobre une clinique de rue temporaire à côté du centre d’enregistrement de Pacheco. Des cas de maladies infectieuses y sont rapidement apparus. Actuellement, les demandeurs d’asile affluent également vers le Hub humanitaire de Bruxelles, indique le porte-parole de Médecins du Monde. La pénurie gigantesque de places d’hébergement est préoccupante, surtout avec la baisse des températures.

Demandeurs d'asile dans l'ancien siège de l'administration fiscale à Bruxelles' Paleizenstraat.  Image Wouter Van Vooren

Demandeurs d’asile dans l’ancien siège de l’administration fiscale à Bruxelles’ Paleizenstraat.Image Wouter Van Vooren

Le cabinet de la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Nicole de Moor (CD&V) indique que vendredi, il a été examiné à quelle vitesse les équipes de soins mobiles peuvent se rendre à Paleizenstraat pour soigner les personnes qui en ont besoin. Il y a aussi une concertation avec la commune sur la situation à Schaerbeek. « La situation inquiète tout le monde », répond De Moor.

Nous travaillons sur un centre de soins avec divers services. Des abris supplémentaires sont également en cours de réalisation de tous côtés, mais selon le cabinet, il est impossible pour Fedasil d’opérationnaliser et de gérer à lui seul tous ces endroits. De Moor a donc frappé à la table du gouvernement, pour qu’il n’y ait désormais plus d’abris d’urgence.

Le 19 décembre dans la rue ?

Une annonce a été collée sur l’immeuble de la Paleizenstraat indiquant que les squatters devront bientôt quitter l’immeuble, une ordonnance du tribunal. En effet, une procédure d’expulsion a été déposée auprès du tribunal par le propriétaire et gestionnaire de l’immeuble (la Région bruxelloise), confirme le porte-parole du bourgmestre Jodogne. A partir du 19 décembre, le propriétaire peut faire exécuter le jugement par l’intermédiaire de l’huissier.

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Plus de 800 demandeurs d’asile se retrouveraient alors à nouveau à la rue. Le maire Jodogne indique que bien qu’il n’y ait actuellement aucun risque sanitaire pour les habitants du quartier et de la région, cela pourrait changer s’ils se répartissaient dans le quartier. La municipalité est donc contre la mise en place de cette expulsion sans relogement et accompagnement sanitaire, qui doit être organisée par le gouvernement fédéral.

Des négociations sont en cours pour trouver une solution, explique Thomas Willekens de Refugee Work Flanders. « Nous espérons du fond du cœur qu’une solution sera trouvée avant le 19 décembre. »

*Patrice est un pseudonyme à la demande du demandeur d’asile.



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