Frattasi, à Rome le super-préfet passionné de foot, de cinéma et d’anti-mafia

A la surprise générale, dernier tour triomphal d’une carrière au plus haut niveau depuis des années, Bruno Frattasi prend les rênes de la préfecture de Rome. Un objectif convoité depuis des années, aujourd’hui supprimé et au contraire, du coup, à portée de main. Lorsque Matteo Piantedosi a quitté le Palazzo Valentini, siège de la préfecture, pour monter au sommet du Viminale. Frattasi l’a accueilli à la tête du cabinet de Luciana Lamorgese. Alors l’entente, qui a toujours été excellente entre les deux collègues de Campanie, a été soudaine. Le reste a été fait par le Conseil des ministres du 31 octobre. A la place de Frattasi, Maria Teresa Sempreviva prend le relais. Encore une excellence parmi les préfets.

Préfet « doc » dans le sang

Napoleno de naissance et de cœur, né en 1956, marié avec deux enfants et un petit-fils, après avoir obtenu son diplôme en droit du prestigieux Federico II de Naples à l’âge de 25 ans, il entre dans la carrière de préfet. Sept ans plus tard, il est déjà dans le cabinet du ministre. Un premier de la classe avec une série de premières positions. Coordinateur du comité Casgo (coordination pour la haute surveillance des grands travaux). Directeur central au département PS de la coordination des forces de police, chef du bureau des affaires législatives, chef du service des incendies. Numéro un de l’agence des biens saisis et confisqués, chef de cabinet du ministre. Infatigable, le ministère de l’Intérieur dans le sang.

L’âme anti-mafia

Père de la réforme en vigueur des sapeurs-pompiers, juriste surdoué touche-à-tout capable de citer dans une conversation des articles et des paragraphes en rafales comme s’il s’agissait de la liste des courses à domicile, Frattasi reste un serviteur de l’État avec une sensibilité particulière pour le lutte contre la mafia. Préfet de Latina de 2007 à 2009, combattu par les politiques locaux et nationaux, il se bat comme un lion contre l’infiltration du crime organisé dans le marché de Fondi. C’est une référence centrale dans le nouveau texte unique anti-mafia, les interdictions, chaque règle à l’opposé de la Cosa Nostra & Co. Désormais, il va composer avec la présence caméléonique, omniprésente et capillaire des clans sur le territoire romain. Anzio et Nettuno, par exemple, risquent de voir les conseils municipaux dissous par infiltration sous peu. Que le gouvernement dirigé par Giorgia Meloni tranchera en ce sens sur proposition du ministre Piantedosi.

Le rite sacré de l’écriture

Expert en écriture, auteur de plusieurs livres – le dernier : « Amarcord. Souvenirs d’un spectateur averti et autres désirs » l’éditeur Il Grifone – Frattasi joue avec les mots même dans le temple immuable du symbole de la bureaucratie : la circulaire. Texte sacré pour les professionnels, preuve et gage de style et d’efficacité. Les communiqués à répétition du ministère de l’Intérieur au temps du Covid, dans celui signé par lui le 3 décembre dernier, dans le slalom de la liste des obligations de la laissez-passer vert et les contrôles de la police, Frattasi a utilisé le terme sans problème vie nocturne juste atténuée par la modestie des italiques. Mais dans la même directive, non sans une pointe d’ironie, il s’est aussi offert le luxe d’utiliser l’expression « à cette fin ». Raffinement pour quelques-uns, une citation répétée et inoubliable de Totò. Les Napolitains sont nés.

Les grands amours : cinéma, Naples

Travailleur infatigable, caractère franc et généreux, Bruno Frattasi se laisse cependant submerger par deux passions authentiques et sans bornes : le cinéma et la joie de Napoli. Dévoreur continu de films, il peut tout autant citer des scènes et des blagues que les paragraphes de la loi cités plus haut. Mais c’est sur Napoli, une foi absolue, de faire preuve d’une appartenance en tant que supporter militant, inconditionnel, sans limites. Il suffit de lui demander les formations gagnantes des deux championnats : il les scanne par cœur, champion après champion. Il ressent certainement l’une des plus belles phrases de Luciano Spalletti comme sienne. Juillet 2021, dès qu’il a rejoint les biancazzurri, l’entraîneur a déclaré: « A Naples, le football et les miracles, c’est la même chose. »



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