Françoise Hardy, auteure-compositrice-interprète française, 1944-2024


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La nonchalance est une caractéristique française prisée, la version gauloise du cool. Françoise Hardy l’a incarné. La chanteuse, décédée à l’âge de 80 ans, avait un style vocal haletant et sans fioritures qui donnait à ses paroles mélancoliques un air de légèreté alléchante. Elle était considérée comme la plus jolie des it girls parisiennes dans les années 1960, portant la haute couture avec l’allure décontractée de celle pour qui une mini-robe dorée Paco Rabanne n’était pas différente d’un pull à col en V.

Son image nonchalante n’était pas une pose, mais paradoxalement – ​​un mot fréquent dans ses mémoires à succès – elle n’était pas non plus un véritable reflet de son caractère. Hardy a souffert d’anxiété et de manque de confiance tout au long de sa vie, malgré six décennies de succès comme l’une des chanteuses les plus appréciées de France. Elle n’était pas insouciante concernant sa musique. À la fois auteur-compositeur et chanteuse, elle a exprimé son dédain pour les arrangements et la musicalité des succès pop légers avec lesquels elle s’est fait un nom au début des années 1960.

Les sentiments d’inauthenticité de Hardy, de vivre une « vie par procuration, plus virtuelle que réelle », selon ses mots, se sont formés dans l’enfance. Elle est née dans le Paris occupé par les nazis en 1944 d’une mère célibataire célibataire issue de la classe ouvrière. Son riche père était marié à une autre femme. Il a joué un rôle sporadique et sans amour dans sa vie. La mère de Hardy préférait Françoise à sa sœur Michèle, qui a développé la schizophrénie plus tard dans sa vie. Les deux filles vivaient en partie avec leur grand-mère rancunière, qui dénigrait l’apparence et les capacités de Françoise.

Enfant timide et livresque, Hardy s’est mise à la musique après avoir reçu une guitare à 16 ans pour avoir réussi son baccalauréat. Inspirée pour écrire des chansons de Barbara, la grande chanteuse de chanson, elle rejoint une académie de talents télévisés dirigée par Mireille Hartuch, une autre star de la chanson française. Elle sort son premier disque en 1962, qui comprend « Tous les garçons et les filles », un numéro enjoué aux paroles abattues sur une errance solitaire sans amour parmi des couples d’adolescents en cour. Après que Hardy ait interprété la chanson à la télévision, le disque s’est vendu à plus de 2 millions d’exemplaires à travers l’Europe.

Cela a fait d’elle une star de la scène « yé-yé », une adoption européenne de la musique pop anglo-américaine (le « yé » signifiait « ouais »). Ses figures marquantes étaient de jeunes femmes, souvent façonnées par des producteurs masculins, mais les capacités d’écriture de Hardy lui donnaient plus d’autonomie. Son son s’est développé du doo wop et du rockabilly francisés vers la pop et le rock orchestral, souvent enregistré à Londres où les standards des studios étaient plus élevés. Le son de guitare étonnamment agressif de « Je n’attends plus personne » de 1964 a été fourni par un certain Jimmy Page, faisant un usage pionnier d’une pédale fuzztone.

Une relation de quatre ans avec le photographe Jean-Marie Périer a fait découvrir à Hardy le beau monde des années 1960. Reprise par des créateurs de mode comme Rabanne, elle en est venue à symboliser un certain type de style à la française : le Paris existentialiste Rive Gauche, aux antipodes du sensualisme méditerranéen impétueux de Brigitte Bardot. Contrairement à Johnny Hallyday, elle a croisé le chemin du public anglophone. Bob Dylan lui a écrit un poème sur la rive gauche, tandis que Mick Jagger la décrivait comme sa « femme idéale ».

«En vérité, jamais je n’aurais imaginé que le monde de la chanson m’ouvrirait si facilement ses portes, encore moins qu’elles se refermeraient instantanément comme une cage dorée», se souvient-elle. Elle ne pouvait pas discerner la beauté que les autres voyaient dans ses traits, ni partager leur plaisir envers sa musique. Pour elle, « Je n’attends plus personne » était « une mauvaise reprise d’une chanson italienne ». Cependant, elle était fière des années 1971. La question, une œuvre sophistiquée oscillant entre chanson et bossa nova réalisée avec le musicien brésilien Tuca. Elle a ignoré son échec dans les charts comme étant sans importance.

Après les années 1960, ses albums circulaient librement à travers les genres, du country-rock aux ballades au piano en passant par le rock alternatif. L’amour était un thème persistant, source de tristesse autant que de joie. C’était une parolière sérieuse, dans la tradition de la meilleure musique populaire française. Ses mémoires de 2008 Le désespoir des singes et autres bagatelles a été une sensation éditoriale. Elle a également écrit un roman et plusieurs livres d’astrologie, sujet dans lequel elle s’est formée en tant que spécialiste. Son intérêt ne résidait pas dans la divination mais dans la cartographie de la place d’une personne dans le cosmos.

Son fils Thomas est né en 1973, engendré par le chanteur Jacques Dutronc qu’elle a épousé en 1981 (les deux lui survivent). Elle et le playboy Dutronc étaient des tempéraments opposés ; ils se sont séparés en 1988, mais n’ont jamais divorcé. Diagnostiquée d’un lymphome en 2004, elle sort son dernier album Personne d’autre en 2018. L’acceptation de la mort était l’un de ses thèmes. Ce qui semblait être de la nonchalance était en réalité du stoïcisme, une philosophie de la façon de vivre.



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