Fini les opérations de maintien de la paix : la France prépare son armée pour un « conflit intense »


Après des décennies d’opérations de maintien de la paix et de missions anti-guérilla, l’armée française doit désormais se préparer à « un conflit de haute intensité » en Europe.

Arjen van der Ziel

C’était sans aucun doute un choix conscient du président français Emmanuel Macron d’annoncer la nouvelle stratégie des forces armées françaises sur le navire d’assaut amphibie Dixmude dans le grand port naval de Toulon dans le sud de la France. La France avait précédemment vendu deux de ces navires à la Russie pour plus d’un milliard d’euros. Mais après l’annexion illégale par la Russie de la péninsule ukrainienne de Crimée en 2014, Paris a annulé cet accord. Le vaisseau d’attaque est donc symbolique du vent nouveau qui souffle.

Debout sur le pont du navire de guerre, avec un hélicoptère de combat derrière lui, Macron a peint une sombre vision du monde au début du mois. Selon le président, l’invasion russe de l’Ukraine est révélatrice de la rivalité géopolitique croissante et du risque croissant d’affrontements armés. « Cette guerre a révélé l’état du monde dans lequel nous vivons », a déclaré le président.

Focus sur les conflits en Europe

Le gouvernement français alloue près de 44 milliards d’euros aux forces armées pour l’année prochaine, soit 7 % de plus que cette année, et il prévoit d’augmenter les dépenses de défense dans les années à venir. Mais plus important encore, Macron a clairement indiqué que les forces françaises changeaient radicalement d’orientation. Après trois décennies d’opérations principalement de paix et de missions anti-guérilla, comme en Afghanistan et au Sahel, les militaires français doivent désormais se préparer à « un conflit de haute intensité ». L’accent est mis sur l’Europe.

L’opération anti-djihadiste Barkhane au Mali s’est terminée il y a trois mois et l’opération Sentinelle, dans le cadre de laquelle des milliers de soldats contribuent à sécuriser des lieux en France contre le terrorisme, est également réduite. Au lieu de cela, les troupes doivent se préparer à une guerre sérieuse sur leur propre continent, avec un grand nombre d’hommes et de matériel lourd. L’armée doit également se doter de plus de systèmes de missiles et de drones et fera davantage appel aux réservistes.

Augmenter les compétences de combat

Après son discours, Macron s’est envolé en hélicoptère vers le Suffren, le plus récent sous-marin nucléaire français, où il est descendu en rappel pour atterrir. Il a également rencontré des commandos navals. Selon le président, la France doit se renforcer dans le domaine du renseignement et des cyberopérations. Il veut aussi augmenter la capacité de combat de la population. « Il ne s’agit pas de militariser la société », a-t-il assuré, « mais de renforcer la résilience ».

Reste à savoir dans quelle mesure la stratégie annoncée en grande pompe se concrétisera.

Le président français Macron a rendu visite au Commando Hubert, une unité de commando de la marine française, à Saint-Mandrier-sur-Mer près du port naval de Toulon début novembre.Image ANP/EPA

Les experts soulignent qu’après la fin de la guerre froide, Paris a beaucoup réduit sa défense pendant des années. « La France se porte un peu mieux que certains autres pays européens », déclare l’analyste de la défense Yohann Michel de l’Institut international d’études stratégiques. « Les forces françaises ont encore des chars, des blindés et des canons. Mais très peu. Ils doivent rapidement accumuler plus de masse. Vous en avez besoin contre un ennemi comme la Russie.

Économie de guerre

Au lendemain du discours de Macron au port naval de Toulon, des représentants de l’industrie de l’armement se sont réunis au ministère de la Défense à Paris pour discuter de leur contribution à la nouvelle stratégie. Le gouvernement français souhaite que les fabricants d’armes produisent plus rapidement et à moindre coût, afin que les équipements envoyés en Ukraine puissent être remplacés plus rapidement. De plus, si le pays se retrouve dans un conflit armé, il doit pouvoir basculer vers une soi-disant « économie de guerre », dans laquelle de nombreuses armes et munitions sont rapidement produites. Les réservoirs existants doivent également être modernisés et toutes sortes de nouveaux équipements tels que des drones doivent être produits.

Le sérieux des planificateurs militaires français ressort clairement de l’annonce faite la semaine dernière par les forces armées qu’elles organiseront au printemps prochain leur plus grand exercice depuis la fin de la guerre froide. Si la guerre en Ukraine ne brise pas les marches, 20 000 militaires y participeront, y compris des troupes d’alliés de l’OTAN tels que les États-Unis et le Royaume-Uni.

Les soldats vont d’abord s’entraîner dans le sud de la France avec des péniches de débarquement et des débarquements aéroportés pour conquérir une tête de pont. Par la suite, une formation aura lieu en Champagne sur la façon de repousser une force d’invasion. « Il faut se préparer au pire pour éviter qu’il n’arrive », a déclaré le général Yves Métayer au journal. Le monde.

Prise en charge étendue

Selon l’expert de la défense Michel, le changement de cap stratégique peut bien sûr compter sur un large soutien de la politique française. « L’extrême droite et l’extrême gauche sont fortes en France en ce moment », dit-il. « Bien que les deux soient contre l’OTAN, ils soutiennent nos militaires. Il y a un large soutien politique pour ces plans.

Incertitude en Europe de l’Est sur le nucléaire français

Outre le Royaume-Uni et la Russie, la France est la seule puissance nucléaire européenne. Le président français Macron a suscité de vives critiques de la part des alliés de l’OTAN le mois dernier lorsqu’il a déclaré à la télévision qu’une attaque nucléaire russe en Ukraine ou dans la région n’affecterait pas les « intérêts vitaux » de la France, suggérant que Paris ne répondrait pas avec des armes nucléaires.

C’était une rupture avec la doctrine occidentale habituelle de «l’ambiguïté stratégique», où les lignes rouges pour le déploiement d’armes nucléaires restent vagues. Les alliés d’Europe de l’Est ont donc réagi avec inquiétude. En déployant la nouvelle stratégie, Macron a tenté de dissiper certaines de ces inquiétudes en affirmant que les intérêts vitaux de la France ont également une « dimension européenne ». Selon le président, ses détracteurs ne devraient « pas dramatiser » ses déclarations antérieures sur ce point.



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