Fini la cupidité dans l’enseignement supérieur

Regardez à travers vos cils et vous voyez un petit pays devenir plus petit. Les secteurs prospères du passé sont rapidement supprimés ou dépouillés : l’industrie manufacturière, le transport et le commerce, l’agriculture – tout doit être réduit. Jetez ces vaches, ces hauts fourneaux et ces centres de distribution et tout ira bien. Peut être. Mais il n’y a pas de prospérité, ni de nature protégée, sans économie.

Quel sera alors le nouveau modèle de revenus néerlandais ? Industrie et services de haute technologie, disent beaucoup. Encore une fois : peut-être. Il est certain qu’il n’y a pas d’avenir sans personnes instruites et créatives. Il est bon de garder cela à l’esprit lors des discussions sur le budget (lire : coupes) pour l’éducation, la culture et la science au Parlement. Les ministres brandissent déjà les trancheuses à fromage car « malheureusement, des choix s’imposent ». Le personnel et les étudiants protestent contre les coupes budgétaires. Bien sûr. Mais eux aussi, tout comme les hommes politiques, manquent d’une vision à long terme. Demander plus d’argent est tout aussi myope que de dire qu’on peut faire moins.

Pendant ce temps, l’enseignement supérieur néerlandais est plein à craquer. Le partage a dégénéré en formation professionnelle aux compétences floues. Les travaux collectifs ou la suppression de notes (sauf pour les auto-évaluations) ne fonctionnent que dans un cadre d’apprentissage strict. Les étudiants peu concentrés et peu compétents pour apprendre de manière indépendante, sans parler des bons, sont vulnérables dans leurs choix, changent souvent et abandonnent. La croissance personnelle est confondue avec l’apprentissage (c’est pourquoi passer à l’action est souvent un élément attrayant de la vie étudiante). Le manque de profondeur est le résultat d’enseignants surmenés et sous-payés et de matières de plus en plus générales. Ce n’est pas un hasard si les professeurs à temps partiel sont en hausse.

Le problème sous-jacent est double. Les universités sont financées en fonction du nombre d’étudiants et non en fonction de l’importance des disciplines. En d’autres termes, c’est la demande des étudiants qui détermine le système, et non celle de la société. Cela conduit à un trop grand nombre d’étudiants dans certaines études et à un trop petit nombre d’étudiants en langues, sciences et ingénierie. Par ailleurs, la pression administrative a explosé, tant au sein des universités que de la part du ministère. Ne vous attendez pas à ce que les administrateurs et les conseils de surveillance des universités fassent quoi que ce soit pour changer la situation. Ils sont collectivement piégés dans un régime de division pour régner dans lequel le gouvernement, tel un épicier, distribue l’argent, établit des règles et contrôle.

Bien entendu, changer tout un système éducatif ne peut se faire d’un seul coup. Mais il est urgent de laisser place à moins de cupidité et à de nouvelles approches. Au sein des universités, qui ne peuvent pas toutes être mises dans le même sac, et au-delà. Sélection dès le départ, différenciation poussée et concentration pour une masse critique suffisante. La remise en état du système actuel doit s’accompagner d’expérimentations avec des établissements complètement nouveaux, dotés d’un nombre limité de cours et d’un financement privé élevé (y compris des bourses pour des étudiants sélectionnés).

Ne lisez pas ce qui précède comme un plaidoyer pour davantage de versions bêta. Ce gouvernement a moins d’ambitions internationales, mais les Pays-Bas resteront toujours une économie ouverte avec d’importantes influences culturelles extérieures. Elle devra user de toute sa puissance diplomatique et de son soft power pour garantir son économie et sa sécurité au sein d’une UE éventuellement plus faible. Dans un monde multipolaire, dominé davantage par la Chine et les pays du Sud que par les États-Unis, la réflexion académique et donc les sciences humaines et artistiques sont nécessaires pour construire des ponts.

L’enseignement supérieur de demain nécessite un plan qui protège contre la perte de qualité et la non-pertinence, ouvrant la voie à un système d’apprentissage dynamique pour une économie qui connaîtra des changements majeurs et dans laquelle dominent l’intelligence artificielle et les médias sociaux. Ceci n’est pas seulement guidé par une vision d’un futur modèle de revenus, mais aussi par une vision d’une société ouverte et équilibrée.

Louise O. Fresco est une scientifique, administratrice et écrivaine (louiseoffresco.com).






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