Festival de Cannes 2023 : on commence (avec Jeanne du Barry, le film avec Johnny Depp) et peut-être qu’on n’est pas prêt…


NonPensez-vous que nous, les troupes qui embarquons aujourd’hui sur l’Intercité (soumis à la des contrôles de police et des archivages qui, déjà à Milan, ne concernent que les passagers des trains à destination de la frontière française), nous sommes des gens détachés du monde. Que pendant deux semaines nous nous partagerons entre les salles obscures et les lumières des beach parties (ils nous invitent rarement), que nous passerons dans la rue de la viepouquoi la vraie vie entre toujours au cinéma, ça se voit dans les festivals (plus facilement ça plante) et il est presque impossible de ne pas y faire face.

Johnny Depp et Maiween dans Jeanne du Barry.

Après un festival annulé en 2020, une édition convalescente et estivale en 2021, le plus grand événement cinéma du monde avait commencé à s’inscrire déjà l’année dernière un début de renaissanceet il est presque certain que l’expression “retour à la normale” sera l’un des refrains de l’édition qui s’ouvre demain.

A Cannes, où les 4 000 accrédités sont rejoints par une armée de 12 000 industriels, c’est-à-dire acheteurs et vendeurs de films (qui dépense – il a fait le calcul Le Monde – entre 30 000 et 150 000 euros chacun pour y être et le jeu semble en valoir la chandelle), où un deuxième festival se joue au sous-sol du Palais entre les stands des sociétés de production et de distribution, il n’y avait presque jamais rien de normal. Mais beau et très moche, par contre il y en a toujours eu beaucoup.

Catherine Deneuve est le symbole de Cannes 76.

Demain soir Claire Mastroianni la barrière architecturale que le festival a choisie comme symbole se lèverale montagnes de marches, pour ouvrir cette 76e édition dans son rôle de marraine. S’il lève les yeux de la forêt d’éclairs, il verra l’image gigantesque de sa mère, Catherine Deneuve: une photo de la fin des années 60 qui met en scène Bella de jour est à l’affiche du festival. A inscrire tout de suite parmi les belles choses.

Au Festival de Cannes 2023 en compétition Moretti, Bellocchio, Rohrwacher

Cannes comme Versailles

Le film qui ouvre la danse est Jeanne du Barry de Maïwenn avec Johnny Depp comme Louis XV. Le film a été tourné au château de Versailles, qui est un peu le double du festival de Cannes avec ses hiérarchies exclusives, ses projections privées et travailleurs bannis de la Croisette par décret (manifestants contre la réforme des retraites Ils ne passeront pas !, une marche de protestation espérant voler un peu de lumière réfléchie a été détournée vers le boulevard Carnot, non loin mais à l’extérieur de la bulle, dans la pénombre).

La cour de Versailles de Louis XV – Johnny Depp

Le jeu du miroir ne s’arrête pas là. Johnny Depp Maiwenn ce sont à la fois des figures d’ombre et de lumière. Johnny est récemment sorti vainqueur (du moins d’un point de vue pénal) du procès public contre son ex-femme Amber Heard, accusée de diffamation à son encontre. Vêtements sales lavés aux heures de grande écoute. Ce qu’ils ont payé. Une marque de parfum bien connue a estimé que son image valait encore 20 millions (un contrat valable trois ans, bien au-dessus des 7 millions consentis par Brad Pitt pour la compétition).

Maïwenn et l’agression d’un journaliste

La réalisatrice de son côté devra répondre de l’agression d’Edwy Plenel, patron de Mediapart, attrapé par les cheveux dans un restaurant parisien et couvert de broches. Son dossier est toujours ouvert, pour l’instant Maïwenn préfère ne pas en parler, mais l’attaque pourrait avoir été provoquée par la campagne de presse que Mediapart a faite contre Luc Besson, son ex-mari (marié à 16 ans et père de sa fille Shanna) et accusé de viol par un mannequin. Plainte pour laquelle il y avait un non-lieu à poursuivre. Maïwenn avait défendu Besson à cette occasion.

Anatomie d’une chute de Justine Triet.

Pas même une semaine ne sera passée et le public cannois pourra voir les images de Anatomies d’une goulottec’est-à-dire “l’anatomie d’une chute”, c’est-à-dire l’histoire du carnage public d’un couple qui se déroule dans une salle d’audience. Met en scène Justine Triet, dont on avait déjà vu La bataille de Solférino (au sens de la rue, rue Solférino, à Paris, ancien siège du parti socialiste), qui semble cette fois s’être inspiré justement, à l’écriture, du procès Heard-Depp. Tous les regards sont tournés vers l’actrice allemande Sandra Hüller (bon, on l’a vu dans Rencontrez Tony Erdman) qui sera également dans le très attendu La zone d’intérêt par l’Américain Jonathan Glazer.

La sélection ne présente pas de grandes surprisesle directeur artistique Thierry Fremaux a misé sur des grands noms et des habitués : l’Autrichien Jessica Hauser (Club Zéro), le Finlandais Aki Kaurismaki (Feuilles mortes), les Américains Wes Anderson (Ville d’astéroïdes) et Todd Haynes (mai décembre)le japonais Hirokazu Kore-eda (Monstres), le trio italien Nanni Moretti (Le soleil du futur), Marco Bellocchio (Kidnappé) et Alice Rohrwacher (La Chimère). Enfin Wim Wenders, Palme d’Or en 1984 avec Paris, Texas, reviendra avec jours parfaits. Et Ken Loach, double vainqueur, mènera sur la Croisette Le vieux chêne. Il semble que le cinéaste anglais, toujours très pudique, ait réagi à l’invitation du réalisateur en s’exclamant : “Mais êtes-vous sûr ?”.

La patrouille française

Dans la patrouille française, en plus de Triet, on reverra Catherine Breillat avec L’été dernier et le franco-vietnamien Tran Anh Hung, déjà Lion d’Or à Venise en 1995 avec cyclo, ci-joint La Passion de Dodin Bouffant, Juliette Binoche et Benoît Magimel protagonistes. Un seul documentaire dans la compétition principale, Jeunesse par Wang Bingl’auteur chinois qui présentera également un deuxième film dans les séances spéciales, Homme en noir. Quelques premiers travauxil y en a huit dans la section Un certain regard, dont celle du réalisateur mongol Zoljargal Purevdash, Si seulement je pouvais hibernerpar le Soudanais Mohamed Kordofani, Au revoir JuliaEt Augure par Baloji Tshiani, rappeur de la République Démocratique du Congo. Un seul dans la compétition principale, Banel & Adamadu Franco-Sénégalais Ramata-Toulaye Sy.

iO Femme © REPRODUCTION RÉSERVÉE



ttn-fr-13