Fermer le robinet de gaz et de pétrole russe en ce moment semble courageux, mais serait imprudent

Bart Eeckhout est commentateur en chef de Le matin

Bart Eeckhout6 avril 202219:09

Avec la passion connue du passé, Guy Verhofstadt (Open Vld) a prôné une politique de sanctions rapide et radicale contre la Russie dans les tribunes du Parlement européen. La tactique européenne d’augmenter lentement les sanctions n’a aucun sens, a fait valoir l’ancien Premier ministre, car la Russie n’est plus une démocratie, avec une opinion publique démocratique qui peut changer ou forcer son chef à changer d’avis.

Pour ne pas prolonger inutilement la guerre, l’Union européenne doit appliquer les sanctions avec la main lourde, estime encore Verhofstadt. Autrement dit, appliquez immédiatement un embargo sur le pétrole et le gaz, suspendez toutes les importations étrangères en provenance de Russie, retirez toutes les banques russes de Swift, drainez toute la clique de Poutine et envoyez des armes supplémentaires à l’Ukraine. C’est quelque chose. Mais l’horreur de la guerre que les armées de l’autocrate Poutine déchaînent sur le peuple ukrainien est aussi extraordinaire. L’appel urgent du gouvernement ukrainien à son propre peuple de quitter la région orientale fait craindre que, même après le massacre de Butya, nous n’ayons pas vu le pire. C’est peut-être une estimation correcte.

Le point de vue dur de Guy Verhofstadt reçoit donc pas mal d’appuis. Verhofstadt a-t-il également raison ? Permettez-moi de continuer à douter sur certains points. Vladimir Poutine est un criminel de guerre dont les crimes seront, espérons-le, un jour jugés par un tribunal pénal. Il ne peut y avoir aucun malentendu à ce sujet. Nous devons faire tout notre possible pour mettre fin à l’horreur à Marioupol ou à Odessa, sans récompenser l’agresseur et forcer l’Ukraine souveraine et assiégée à capituler.

Qu’il soit donc aussi judicieux d’arrêter immédiatement d’importer du pétrole et du gaz de Russie est une autre affaire. La dépendance européenne vis-à-vis des importations de sources d’énergie fossiles en provenance de Russie était déjà un problème majeur en temps de paix. Fermer le robinet lui-même semble maintenant cool comme un acte courageux d’abnégation, mais ce serait aussi une politique imprudente. Si nous prenons de telles mesures sans y être préparés, le choc énergétique que nous subissons actuellement s’aggravera plusieurs fois, sans que l’on sache si ce « sacrifice » contribue réellement à une fin rapide et souhaitée des atrocités en Ukraine.

Une autre approche, plus intelligente, est possible. Bien sûr, nous devons nous débarrasser du gaz et du pétrole russes. Il reste encore six mois pour le faire avant que le froid ne reprenne. Utilisons de toute urgence ce temps pour mener à bien cette transition énergétique de manière ordonnée, socialement acceptable et durable. Cela peut fonctionner.

En attendant, nous n’avons pas à rester assis. De nombreux économistes réclament une taxe à l’importation sur les approvisionnements énergétiques russes. Un impôt de guerre, pour ainsi dire, obligeant Moscou à payer lui-même la crise qu’il provoque. Avec ces fonds, les pays européens peuvent financer les coûts du choc énergétique et de l’accueil des réfugiés. Il s’agit avant tout d’une mesure prise à l’échelle multinationale et de préférence même mondiale. Une approche européenne commune est alors un bon début.



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