Federica Brignone et Sofia Goggia sont des championnes de ski, différentes en tous points, et se sont toujours affrontées. Une rivalité houleuse qui, au fil des années, les a amenés à gagner davantage, à favoriser l’équipe. Et pour bousculer un certain cliché…


Barbara Stefanelli, directrice adjointe du Corriere della Sera (photo de Carlo Furgeri Gilbert).

Sofia Goggia et Federica Brignone, deux jeunes italiennes, deux skieuses et coéquipières. Ils ne sont plus très jeunes (ils ont 31 et 33 ans). Mais de quoi continuer à s’amuser. Et surtout de se découvrir et de se perfectionner.

La première, Sofia Goggia, originaire de Bergame, s’est immédiatement imposée : puissant, extraverti, impétueux sur les pistes et devant les caméras, une icône pour ses qualités athlétiques et peut-être plus encore pour son courage. Federica Brignone, originaire de Milan mais qui a bientôt émigré dans les montagnes du Val d’Aoste, est depuis longtemps « la fille de » (de Ninna Quadrio, championne de l’avalanche rose, et de son père, moniteur de ski et entraîneur), tourmentée par l’idée que dans la famille elle était « celle qui avait le moins de talent », déchiré par des performances inférieures à ses possibilités et à ses attentes au point d’envisager la retraite il y a quelques années.

Les carrières de Goggia et de Brignone se sont souvent croisées. Des étincelles au contact. Il y a quelques temps encore, il n’était pas rare d’entendre des commentateurs les décrire comme des rivaux irréconciliables, ou vous aimez l’un ou l’autre, soit vous êtes du côté du premier ou du second. Après tout, l’un des topos les plus abusés, lorsqu’on parle des femmes, est celui de l’envie. La fameuse envie féminine qui nous oblige à soupçonner avant même de commencer. Commencez à jouer, à travailler, à vivre.

Combien de fois vous ont-ils dit que nous ne sommes pas capables de « team building » par rapport aux hommes ? Qu’« il faut toujours s’attendre au pire de la part de ses collègues » ? Une prophétie classique qui, si vous n’êtes pas sur vos gardes, devient auto-réalisatrice – et vous contribuez vous-même à passer le relais inutilement enflammé.

Sofia Goggia (Photo d’Alain Grosclaude/Agence Zoom/Getty Images)

La beauté du couple Goggia – Brignone est que, saison après saison, ils sont parvenus à une relation de saine compétition, vertueuse pour tous deux, belle à regarder. Les réussites des uns motivent les autres, le style se perfectionne encore, les chronos sont abaissés, le coefficient technique valorisé par la conscience et la joie d’être soi. Sofia. Fédérique.

Au fait : combien de fois vous ont-ils dit qu’être compétitif n’était pas une bonne chose entre femmes ? Pas « adapté » aux corps et sensibilités féminines, plus enclines à la conciliation, aux lignes douces plutôt qu’aux bords ? Maintenant, regardez-les « descendre ». Classe et concentration, envie de faire mieux, de surmonter les obstacles et les virages en suivant son propre chemin. Un chemin que vous avez dans vos muscles et dans votre tête, que vous savez suivre même s’il y a de la brume, du vent, de la glace. Chacun pour soi, mais sans inquiétude envers le reste du monde. Si vous êtes fort à l’intérieur, personne ne vous fait peur à l’extérieur. A bas l’envie donc, vive la compétition. A bas les stéréotypes, vive Sofia
Goggia et Federica Brignone. Allons dans la foulée.

Faut-il envisager un autre type de compétition entre femmes ou le modèle masculin « vaut-il » ? Écrivez-nous à [email protected]. La chronique revient le 20 janvier 2024.

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