Fabiola De Clercq d’Aba : « Ce n’est pas comme dire : chercher des mères célibataires. Une telle invitation nourrit la maladie, consacre son triomphe, et je vais vous expliquer pourquoi « 


« P.euh une émission de télévision bien connue nous recherchons des filles âgées de 20 à 25 ans souffrant de troubles alimentaires. Si vous avez ces caractéristiques, écrivez-moi » : c’est l’annonce faite ces derniers jours (auteur Giada Massara, probablement pour l’émission Forum, mais ce n’est pas le sujet). Maruska Albertazzi, actrice, militante du Mouvement Lilla et réalisatrice du film, a été la première à dénoncer la gravité et les effets possibles sur les filles souffrant d’anorexie d’une telle invitation.Papillons suspendus, disponible sur RaiPlay (raconte l’histoire de la communauté d’entraide de l’anorexie).

L’anorexie est la première cause de décès parmi les maladies psychologiques

Mais aussi ceux qui souffrent d’anorexie depuis une vie comme Fabiola De Clercq, présidente de Aba (Association Boulimie Anorexie)ne peut pas se taire : « L’anorexie est la première cause de décès parmi les maladies psychologiques. C’est une maladie, c’est très grave et il y a encore beaucoup, trop d’ignorance sur ses implications« . L’annonce révèle donc avant tout cette vérité : nous n’en savons rien.

Dire « voulait anorexique » n’est pas comme dire « voulait des mères célibataires »

« Dire qu’on veut des anorexiques n’est pas la même chose que dire qu’on veut des mères célibataires ou des patients diabétiques : les anorexiques ne veulent pas guérir, ils vivent leur être squelettique comme un triomphe.« . Celui qui leur offre une étape ne guérit pas la maladie mais nourrit la maladie, et « consacre ce triomphe qui est le leur ».

Fabiola De Clercq

De Clercq a beaucoup d’expérience, tant sur le plan personnel que sur le terrain : elle est anorexique depuis vingt ans, à partir de 13 ans, elle répond chaque jour à la première personne à la ligne verte de son association. La plupart des filles souffrant d’anorexie, dit-elle, ont entre 23 et 24 ans, comme le demande l’annonce. « Mais il y a une augmentation des demandes d’aide pour les filles de 13 ans: 13, pas 14. Ce sont des filles : si elles n’ont pas développé le cycle, elles risquent de ne plus le développer ». Peut-être à cause du confinement, ils sont confrontés à des situations complexes dans lesquelles un jeûne presque total est combiné à d’autres comportements d’automutilation. « Ce que vous ne comprenez pas de l’extérieur, c’est qu’ils ne vivent pas dans le même monde que le nôtre : pour eux, il n’y a que la triade alimentation-poids, alimentation-poids-poids ». Une boucle sans fin à laquelle, vraiment, vous n’avez pas besoin d’un véhicule de propagande comme un casting télévisé.

Alimentation-poids : une boucle mentale qui est un tunnel sans issue

« Ils sont enfermés dans un dialogue avec eux-mêmes et avec leurs gammespoursuit De Clercq. « Quand ils commencent à me demander comment je vais, comment je vais, je comprends qu’ils commencent à se sentir un peu mieux, parce qu’ils commencent à s’intéresser à autre chose qu’à l’alimentation-poids-corps. » Les inviter à la télé pour en parler ? Un boomerang pour leur rétablissement.

« Il y a ceux qui, par exemple à l’hôpital, quand ils sont hospitalisés, laissent parler : e ils peuvent parler pendant des heures de ce qu’ils ne mangeront pas», poursuit le président d’Aba :« Dès qu’ils commencent, je les laisse tranquilles. « Parler de nourriture m’ennuie à mourir », dis-je. Ce n’est qu’en évitant ce sujet que vous pouvez commencer à parler d’autre chose« .

anorexie et pommes

Une image explique ce que De Clercq appelle la dispersion des images. La pomme mordue se voit dans le miroir alors qu’elle ne l’est pas (photo Getty)

L’anorexie et la relation avec la mère

Ce n’est pas doux, Fabiola De Clercq : « Je ne les console pas, et je ne console pas les mères qui me les amènent. Souvent, pas toujours, elles sont responsables de ce qui arrive à leurs filles : elles doivent elles-mêmes entamer un parcours thérapeutique si elles veulent que leurs filles guérissent ». Une arme plus tranchante que la consolation est l’ironie : « Quiconque se prend trop au sérieux, et je veux dire les thérapeutes, les patients et les mères de patients, oublie de vivre. Il faut aussi s’en souvenir quand on est devant une petite fille qui se fait remarquer sous nos yeux», dit-il, prouvant la force, même verbale, de ses manières franches.

L’anorexie et la responsabilité des médias

Tu sais. Outre la relation avec la mère, l’autre responsable du phénomène d’anorexie est le système médiatique. Pour les images féminines d’extrême minceur qu’elle diffuse. « C’est vrai, mais jusqu’à un certain point », dit De Clercq : « L’image du modèle attire parce qu’elle est mince mais ensuite cette minceur est immédiatement « surmontée ». La fille perd du poids, mais à 30 kilos de poids, elle se sent toujours grosse : à cet égard, on parle de désespoir d’image« .

Le but n’est pas d’habiller certains vêtements avec la même élégance que le mannequin. « En effet, l’anorexique se couvre: deux couches de pantalons, des écharpes sans fin. Il meurt de froid. Et elle n’a aucun intérêt à paraître belle. » Bien sûr, apparaître et montrer qu’elle est la « maigre », invitée à une émission pour parler de sa minceur, elle pourrait probablement aimer ça. Mais cela ne l’aiderait pas.

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