Il y a deux types d’innovateurs : ceux qui découvrent effectivement quelque chose de nouveau, mais presque « malgré eux », sans bien comprendre l’étendue de ce qu’ils ont entre les mains, et ceux qui n’inventent rien mais sont les premiers à comprendre et valoriser les découvertes des autres. Si nous parlions de découvertes géographiques, il nous serait facile d’embêter Christophe Colomb et Amerigo Vespucci en tant que représentants des deux catégories. Puisqu’on parle de télévision, c’est encore plus facile pour nous de mettre Fabio Fazio à la place d’Amerigo Vespucci : quelqu’un qui n’a peut-être rien inventé de nouveau en 40 ans, mais qui a incontestablement changé la télévision italienne.
La nouvelle est connue : Fazio quitte Rai, ferme après 20 éditions Quel temps fait-il et il se rend à Discovery, affirmant devant son public qu’il n’est pas un « homme de toutes les saisons ». La référence est évidemment aux nouveaux équilibres politiques qui, avec Giorgia Meloni comme premier ministre, ont leur grand impact sur Viale Mazzini. Fazio a toujours eu des résultats de part importants de son côté, mais il a toujours été perçu à droite comme un homme partial, de l’autre côté pour être précis. Malgré les manières douces et les grandes acrobaties dans les interviews.
Ce qui est indiscutable, c’est que la télévision de Fabio Fazio a fonctionné ces 40 dernières années, mettant souvent en accord Auditel et qualité du contenu. Il sait imiter et c’est une grande qualité. Ceux qui ont quelques années de plus se souviennent peut-être de l’imitateur Fazio des années 80, quand sur Odéon TV il reproduisait le flegme proverbial du baron Liedholm : « Milan est la plus fort du monde ». C’était un monde complètement différent et une autre façon de faire de la télé : Zenga, gardien de but de l’équipe nationale, la présentait, le titre de l’émission était Forza Italia (sic !). Fazio était déjà là, à seulement 20 ans, selon certains en vertu de sympathies socialistes. Puis, en 93, Rai 3 est venu avec Ceux qui footballent, le partenariat avec Paolo Beldì, l’épaule sage Marino Bartoletti. Fazio n’a pas inventé le football à la télé, Dieu nous en préserve, mais il est peut-être le premier à comprendre que les fans de football (les Idris, la sœur Paola) sont eux-mêmes un spectacle à filmer en direct.
Au-delà des sympathies politiques présumées ou réelles, les années de gouvernement Tangentopoli et Berlusconi n’éclipsent pas l’étoile montante qui deviendra bientôt une étoile fixe dans la galaxie Rai. Avec Mon âme (1997) et Claudio Baglioni pour l’épaule, Fazio ne raconte pas les années soixante-dix, mais l’amarcord de nous qui étions là. Et c’est un but dans un filet vide qui ramène les Cugini di Campagna au classement (ri-sic !) et ouvre les portes du Festival de Sanremo, fait et refait (dans les périodes de deux ans 1999-2000 et 2013- 2014). Avez-vous déjà vu Gorbatchev et le prix Nobel Dulbecco, Neil Armstrong et Bono de U2 s’incliner devant Mario Merola à l’Ariston ? Avec Fazio ça arrive et tant pis si quelqu’un s’indigne du fait que dans ses éditions ce qui tourne autour du festival devient plus important que le festival lui-même (dont il renverse même la formule du concours). Mais est-ce ou non le chiffre de votre télévision ?
Et ici nous arrivons à Quel temps fait-il (2003-2023), le talk qui est un contenant de choses télévisuelles que Fabio Fazio n’a pas inventé, mais repropose à Fabio Fazio. Il y a certains des Spectacle de David Letterman, un peu du Maurizio Costanzo Show, les interviews des plus grands (Barack Obama, le Pape François, mais aussi Woody Allen et Bill Gates), les intermèdes de l’immortel Teocoli et des Frassicas, la glorification de l’icône anti-Camorra Roberto Saviano , la fenêtre de la cour de la pandémie Burioni aux jours sombres du confinement. Fazio unit le pays dans le débat en divisant le public.