Sils présentent à Lucca, pour la première fois, 12 nouvelles sculptures, tracées mais jusqu’à présent perdues, d’Antonio Canova; jamais vus, blancs comme neige, au moment où ils sortaient de l’atelier romain du sculpteur pour le long voyage vers Venise.
En raison de l’intégrité de leur coupe, elles semblent conçues comme ces têtes idéales auxquelles Canova s’appliquait vers 1810. La perfection de l’exécution fait référence au sculpteur lui-mêmedans au moins deux cas des modèles pour marbre, dans l’autre des moulages autographes « de bonne forme » et c’est à dire à partir de têtes en marbre d’œuvres connues, avec le désir d’en perpétuer la mémoire.
L’intention de Canova, dans cette démarche, a un caractère intrinsèquement poétique. C’est comme l’exposé en vers libres en hendécasyllabes de Merci par Ugo Foscolo. Un véritable sentiment d’harmonie qui, dans le proème et les trois hymnes, reproduit l’union équilibrée de la beauté et de la vertu dans toute la création.
C’est en effet une « correspondance de sens amoureux » qui unit le sculpteur et le poète. appliqué dans les mêmes années, entre 1812 et 1813, au thème des Grâces. L’accord est déclaré dans la dédicace du poème de Foscolo à Canova.
Dans le premier hymne, celui à Vénus, le poète invoque les Grâces pour « l’arcane mélodie picturale harmonieuse de ta beauté » : le mot mélodie, issu de la sphère musicale, côtoie le mot peintre, issu de la sphère artistique, pour établir un lien entre les deux arts.
De même Comme Canova, Foscolo entend insuffler une âme éternelle dans ses créations poétiques et littéraires: «Soyez immortelle, éternellement belle!». C’est l’invitation aux Grâces de répandre l’harmonie du monde des Dieux sur terre et de rendre la vie des mortels plus heureuse, en les orientant vers l’art et en les éloignant des passions et de la mort auxquelles la nature les destine.
L’harmonie, comme l’Amour, est personnifiée et se trouve au plus haut des cieux.: c’est la force de l’amour universel qui gouverne le monde et qui, à travers la musique et la poésie, ennoblit les âmes des hommes et guide leur vie civile. Le deuxième hymne, celui à Vesta, explique que l’harmonie a une origine divine, dans laquelle elle est expliquée comme l’accord organique et parfait des parties dans le tout.
Trois belles prêtresses, représentant la poésie, la musique et la danse, sont témoins de l’harmonie universelle: l’une joue de la harpe, la seconde apporte en cadeau un nid d’abeilles – symbole de la douceur de la poésie – et l’autre danse avec grâce et élégance, libérant un rythme harmonieux de son beau corps, de son sourire et de sa bouche.
L’harmonie est à nouveau évoquée dans le troisième hymne, à l’Atlantide., une île hors du temps où la vertu est préservée de l’apparition des passions immodérées. L’harmonie passe du monde des sens à celui de l’intellect ; grâce à l’art et à la littérature, en effet, l’humanité s’oriente vers le culte de la beauté et de la grâce, qui naissent de l’harmonie des formes du corps, alliée à la bonté du cœur.
Les Grâces, divinités entre ciel et terre, s’installent en Atlantide pour échapper à la corruption du monde.: d’ici ils reviennent aux hommes, protégés des passions insidieuses par un voile mystique, dans lequel sont représentés les sentiments les plus sacrés pour l’homme.
Le poème tout entier entend donc établir une synthèse entre le passé mythique et le présent, le premier dominé par la beauté des anciens et le second agité par les guerres et les conflits que le poète regarde avec inquiétude et compassion. À la situation historique tourmentée et inquiétante dans laquelle Foscolo a vécu, comme à celle dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, le poème oppose une synthèse de sérénité et d’équilibre, avec une perfection d’écriture correspondant aux expériences figuratives contemporaines (Canova surtout) du néoclassicisme européen. .
En fait, les têtes idéales qui se présentent ici comme un segment autonome ont la même significationdétaché de l’univers de Canova ou encyclopédie de la Gypsothèque de Possagno, un satellite recomposé presque comme un point culminant des célébrations du deuxième centenaire de la mort de Canova.
Les sculptures trouvées font partie de la mise en scène de Giovanni Battista Sartori dans le transfert des moulages en plâtre de l’atelier de Canova à Rome vers les espaces de Bassano et Possagno, et d’autres, comme ceux-ci, vers des amis.
En 1829 par exemple, quatre moulages en plâtre du Chef de Paris étaient présents dans l’atelier de Rome : trois moulages et un modèle. Tous les quatre sont partis avec l’expédition de cette année-là car on les retrouve dans les caisses. Aujourd’hui, un moulage est conservé à Possagno, deux à Bassano, tandis que le modèle, jusqu’à présent perduc’est presque certainement le plâtre constellé d’épingles qui fait partie du groupe de 12 têtes aujourd’hui refaites et présentées ici.
La collection, après cette première arrivée à Lucca, grâce à la contribution et au projet de Banca IFIS, pourra représenter Canova dans le monde même au-delà des anniversaires.
INFO: l’exposition Antonio Canova et le néoclassicisme à Lucques sera ouvert jusqu’au 29 septembre à la Cavallerizza di Lucca, Piazzale Verdi (contemplazioni.it).
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