Essentiellement, « Godforgotten » est le récit d’un processus judiciaire corrompu. Ce sont des accusations graves

En ne remettant en rien en question le récit des avocats dans « Godforgotten », le rapport a été agrémenté d’informations factuellement incorrectes, écrit l’avocat Joris Van Cauter. Au moment de l’Opération Kelk, il était le conseiller de Mgr Vangheluwe.

Joris Van Cauter

L’émotion est vive en Flandre. Comment se fait-il que Paumé, un rapport qui rapporte essentiellement de vieilles nouvelles, touche tant de gens aujourd’hui ? Peut-être parce que, pour la première fois, nous sommes confrontés à la souffrance crue et visible des victimes d’abus. Ces témoignages, placés à côté d’un entretien avec un agresseur qui semble ignorer tout acte répréhensible, frappent fort. Ce sont des histoires d’une Flandre où l’église était omniprésente. Ce n’est certainement pas le cas aujourd’hui. En tant qu’avocat spécialisé dans les affaires pénales, j’entends et lis encore aujourd’hui des histoires d’abus similaires. Non plus à l’intérieur de l’église mais à l’extérieur. L’idée de « l’église disparue, les abus disparus » est un peu trop simple et, espérons-le, fera place à l’attention portée à la souffrance des enfants contemporains lorsque la poussière sera retombée.

Une autre partie de Paumé est l’histoire de la recherche de justice légale par les victimes. Cette histoire est racontée exclusivement par les avocats des victimes. Cette perspective unilatérale pose problème en ce qui concerne cet aspect du rapport. Essentiellement, ils présentent un récit de processus judiciaires corrompus dans les procédures civiles et pénales. On parle d’« audiences clandestines », de disparition illégale d’éléments de preuve essentiels, d’être au-dessus des lois des « autorités ecclésiastiques ». Les coupables sont alors les avocats des parties adverses, des juges et procureurs partiaux/corrompus.

Ce sont des accusations graves. Surtout quand ils viennent d’un avocat. Un avocat occupe une position centrale au sein de l’administration de la justice et, dans ce rôle clé, il contribue à la confiance des citoyens dans le système judiciaire au sein d’un État de droit démocratique. Bien entendu, cela ne signifie pas qu’un avocat ne puisse pas critiquer les décisions judiciaires ou le déroulement d’une procédure. Une critique acerbe nécessite une représentation correcte des faits et des preuves sérieuses. Et c’est là que le problème survient.

Il est regrettable que les auteurs du rapport se soient contentés des affirmations audacieuses des avocats représentant un parti. Rien n’a été vérifié ou contesté. Si cela avait été fait, on aurait découvert qu’il n’y avait pas d’audiences clandestines, qu’aucun document n’avait disparu illégalement et que tous les documents du dossier avaient été minutieusement examinés. On constaterait alors également que la partie civile a eu amplement la possibilité de consulter tous les documents (même via une copie numérique), que la décision de restituer certains documents était connue de toutes les personnes impliquées depuis plus de huit ans et que la décision civile la procédure n’a pas échoué sur l’immunité du Vatican, mais sur une convocation mal rédigée. Vérifier cette dernière n’a pas été difficile : c’est littéralement énoncé dans l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 12 octobre 2021.

À travers dans Paumé En aucun cas pour remettre en question le récit des avocats, l’émotion contenue dans le rapport était assaisonnée d’informations factuellement incorrectes. Cela a créé un débat empoisonné avec la conclusion que « l’Église » (par commodité, suffisamment vague) est non seulement responsable des abus, mais aussi de la corruption du système judiciaire. L’image de la justice est alors celle d’un jouet volontaire entre les mains de cette « église ». Quiconque connaît le système judiciaire d’aujourd’hui sait que c’est trop fou pour être décrit, mais en l’absence de contradiction, ils ont réussi à créer cette apparence.

La réponse du ministère public fédéral juste avant le week-end arrive trop tard pour les dégâts déjà causés. Pourtant, c’est un fait que l’Opération Kelk n’a ménagé aucun effort pour enquêter sur le passé (les faits les plus anciens datent de 1947…). Le fait qu’une enquête n’ait pas toujours produit le résultat souhaité par les parties civiles ou leurs avocats ne constitue pas en soi un défaut de l’enquête. Tout comme le fait que la justice a des limites : les personnes ne peuvent plus être condamnées et les faits dépassés ne peuvent plus être évalués.

La question est de savoir si on attend parfois trop de la justice. L’avocat des parties civiles a souligné le week-end dernier que Mgr Bonny n’est en réalité autorisé qu’à dire que l’Église est légalement responsable. Pour le reste, il ferait mieux de se taire. C’est une vision trop réductrice. Le passé ne peut s’exprimer uniquement en termes de culpabilité pénale ou de responsabilité civile. C’est aussi ce que m’ont dit explicitement plusieurs victimes ces derniers jours.

Si l’on veut vraiment guérir la souffrance, peut-être devrions-nous oser penser en dehors d’un cadre juridique strict. Tout a commencé en Flandre avec un évêque de Flandre occidentale. Peut-être trouverons-nous une partie de la solution chez un évêque sud-africain : Desmond Tutu, président de la Commission Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud. L’intention de sa commission était de s’attaquer à la souffrance et à l’injustice sur la base du besoin de compréhension mais non de vengeance, de satisfaction mais pas de représailles, de solidarité (Ubuntu) et non une victimisation. Cela n’a pas de place dans une procédure judiciaire ordinaire. En tant qu’avocat, vous devriez également le souligner au lieu de créer de faux espoirs.



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