« Éradiquer avec la racine »: comment les politiciens veulent s’attaquer aux gangs de la drogue d’Anvers


Le gouvernement De Croo a des mesures prêtes à éradiquer le trafic de drogue en Belgique « par la racine ». Par exemple, les agents de sécurité de la centrale nucléaire de Doel sont temporairement déplacés vers le port d’Anvers. L’armée prend le relais.

Jérôme Van Horenbeek

Cocaïne. Anvers est dedans jusqu’au nez depuis des années. Avec toutes ses conséquences. L’argent de la drogue écoeure le tissu social de la ville portuaire. Lundi, un autre avocat anversois a été interrogé. Il est notamment soupçonné de blanchiment d’argent. Pas une semaine ne peut se passer sans violence. Mercredi, un passeur de drogue a été percuté sur le ring d’Anvers après une longue course-poursuite. Deux attentats ont eu lieu le lendemain : contre une friterie à Hoboken et une maison mitoyenne à Malines. Les deux endroits ont déjà été ciblés.

Dans la perspective d’un sommet belgo-néerlandais à Anvers vendredi, le gouvernement met en place des mesures pour perturber le trafic de drogue. Ou du moins à essayer. « Nous voulons stopper l’expansion du trafic de drogue », déclare le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld). « Nous avons un paquet prêt que nous mettrons en œuvre côte à côte avec la ville d’Anvers, le port et les entreprises portuaires. Un paquet qui devrait éradiquer le crime par les racines.

La terreur

L’unité de commandement, c’est là que ça commence, selon le gouvernement. Le port d’Anvers est une vaste zone qui couvre plusieurs zones de police, provinces et arrondissements judiciaires. Un commissaire national antidrogue est donc nommé. Cela se passera vendredi. Ce magistrat sera assisté d’un adjoint et d’une équipe de dix personnes. « Nous sommes entrés dans la phase de terreur narcotique, où les gangs sont actifs non seulement à Anvers mais aussi dans le reste du pays. Non seulement de la cocaïne, mais aussi de l’ecstasy, par exemple, sont vendus », déclare le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open Vld). « La coordination est nécessaire. »

Le port de Rotterdam.Image ANP / Robin Utrecht

La police maritime d’Anvers est renforcée. Cela répond à la demande du maire Bart De Wever (N-VA) d’avoir plus d’agents ou, si nécessaire, de militaires pour garder le port. La police maritime compte actuellement 116 personnes. Le gouvernement veut porter ce chiffre à 312 dès que possible. Dans un premier temps, 86 personnes seront libérées. Cela se fait en envoyant des agents de la «réserve fédérale» à Anvers. Mais aussi en déployant les agents qui gardent aujourd’hui la centrale nucléaire de Doel. Leur travail est temporairement pris en charge par l’armée. A terme, de nouveaux policiers doivent être recrutés.

Pour soulager la police judiciaire fédérale d’Anvers, 20 détectives seront ajoutés à la police maritime. « Ils s’occuperont des « moissonneurs » dans le port. Ils pourront identifier les conteneurs suspects et contribuer ainsi à la collecte de renseignements. C’est crucial dans la lutte contre le trafic de drogue », déclare la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V). Dans tous les cas, il y aura plus de contrôle sur les conteneurs eux-mêmes. Cela sera possible grâce à l’achat de nouveaux scanners. Ainsi, 100 % des conteneurs suspects devront bientôt être contrôlés (surtout les conteneurs en provenance d’Amérique latine).

Amendes

Plus de 16.000 personnes qui gagnent leur vie dans les ports belges seront contrôlées. Cela ira des dockers aux cadres supérieurs des entreprises portuaires. Et du personnel du port d’Anvers au personnel du port intérieur de Liège. À l’aide d’un contrôle annuel effectué, entre autres, par l’ADIV, le service de sécurité de l’État et de renseignement, les « brebis galeuses » doivent être retirées du panier à temps. Entre autres choses, les contacts et les finances des gens seront examinés. Les employés du port sont régulièrement sollicités par la mafia de la drogue pour aider au retrait de la drogue. Un filtrage similaire existe déjà pour le personnel des aéroports belges.

Comme annoncé, le gouvernement imposera des amendes plus sévères aux toxicomanes. Les amendes s’élèvent aujourd’hui à 300 euros. Celui-ci passe à 1 000 euros. « Mais nous ferons une distinction entre les consommateurs. Une amende plus élevée est un signal pour les usagers récréatifs. En même temps, vous avez aussi des consommateurs qui ont besoin d’aide. Il y aura un retrait obligatoire pour eux », a déclaré le ministre Van Quickenborne.

Et puis il y a la coopération avec les Émirats arabes unis, trop souvent un refuge sophistiqué pour les barons de la drogue recherchés. La Belgique a conclu un traité d’extradition avec l’État pétrolier depuis novembre, mais pour l’instant, cela ressemble à un tigre de papier. Van Quickenborne : « Il est temps pour les Emirats de montrer ce qu’ils valent. Ils nous ont fait des promesses et nous allons maintenant intensifier la pression pour qu’ils tiennent ces promesses. Une liste a été soumise des « principales cibles » que la Belgique souhaite voir extradées. Soit dit en passant, il y a des problèmes similaires avec la Turquie et le Maroc. Récemment, le trafiquant de drogue anversois Abdelilah El M. – surnommé Black – a été arrêté à Istanbul.

Astuce

La mairie d’Anvers ne répond pas officiellement pour le moment. Dans les couloirs de la mairie, on s’interroge surtout sur l’élargissement de la police maritime. « Un truc », craint-on. A force d’artifices, une centaine de personnes supplémentaires ont été retrouvées, mais l’attente des vrais renforts sera sans doute longue. Dans l’intervalle, l’aide d’urgence devrait bientôt être supprimée à nouveau, indique-t-il. Par exemple, l’armée n’interviendra à Doel que jusqu’à la fin de cette année. Le cabinet Verlinden assure que « la capacité de 86 sera toujours assurée ».

A Anvers, une comparaison est faite avec le port de Rotterdam. « Ils sont déjà beaucoup plus loin là-bas. Rotterdam est bien protégé par la police, les services judiciaires sont bien numérotés et le port se dote désormais d’une flopée de scanners. Nous prenons donc de plus en plus de retard.

En tout cas, l’histoire parle contre le gouvernement De Croo. Elle n’est pas le premier gouvernement à présenter un grand plan antidrogue. Le soi-disant Power Plan de Michel I de 2018 n’a jamais été à la hauteur de ses attentes. En partie parce que trop peu d’attention a été accordée à son suivi. Lancer un plan contre la mafia de la drogue est une chose. Se battre chaque jour avec des gangs riches et impitoyables est autre chose.



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